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ACT 2

Tu sais, on a tous fait des choses. Des choses bêtes, qu'on regrette. Il ne m'avait rien fait, ce chat. Mais il était là. Au mauvais moment. Fallait que je le fasse. Maintenant, le temps ne comprimera plus son petit coeur de félin.

ll est parti.

Pfouh!

Au paradis des chats.

Pour toujours.

A jamais.

Je t'explique.

Avec l'aide précieuse de Folo, mon sésame-ouvre-toi était fin prêt.

Les portes allaient s'ouvrir.

Du moins celles de Babel.

Babel. C'est le nom de la tour où je crèche.

Nous sommes au rez-de-chaussée, le sésame à la main.

première serrure.

Premiére porte.

Sombre.

Un paillasson bleu.

Pouilleux.

Il y a un nom, sur la sonnette. Buretier Jean-Louis. Le même qu'on retrouve sur la boîte-aux-lettres qui correspond.

Logique.

C'est rassurant, la logique.

C'est un ilot de résistance dans ce bourbier d'incohérence.

Méfiant, Folo fait le guet pendant que je tripatouille la serrure. Elle ne se fait pas prier longtemps.

Au poil, le sésame.

La porte s'ouvre sur un couloir clair.

Papier-peint blanc, là aussi.

Je prends une grande inspiration et je rentre.

Folo me suit.

Une comode en acajou, pur style acajou.

Y sont posés: trois pièces de monnaie. Un paquet de blondes entamé. Un verre sale. Un magazine à la con très féminin. Beaucoup moins féministe.

Un cendrier où s'ébattent joyeusement deux mégots pas trop fumés. Un vieux chewing-gum vert pomme. Une crotte de nez. Un cheveux gris.

Ca sent la fumée froide. Le renfermé. L'abscence.

On avance.

Prudemment.

Au bout du couloir, la cuisine.

Traditionnelle. Carrée. Carrelée. Avec son frigo. Le king of the modern kitchen. A l'intérieur duquel se déchessent deux tranches de jambon. Rien d'autre.

Sur un buffet grand-mère, trois oeufs. Une tomate. Pas grand-chose non plus.

Ca alimente nos perplexions, à Folo et moi.

On passe dans le salon.

Un vieux divan rouge un peu défoncé. Un tapis usé qui aurait pu être persan.

Mais qui l'est pas.

Une table en bois noir. Laqué. Aux angles dorés. Les pieds dorés sous des chevilles enflées. Rien dessus. Même pas un peu de poussière.

La chambre. Une seule. En bordel. Sans intéret particulier. On devine facilement que quelqu'un a dormi là y a pas longtemps. Probablement pas seul. Les poils frisés sur les draps en témoignent.

Le mystère s'épaissit.

On pensait voir des apparts vides.

Ca met à mal sa théorie du cobaye, à Folo.

Ou alors, ils ont poussé le vice du détail.

Mais j'y crois pas.

On s'est fadé toutes les portes.

Partout c'est pareil.

Partout, sauf dans un appart.

Because la télé allumée.

Une émission de variétoche.

Merdique.

Un hommage aux morts, à priori.

Dalida.

Oui, c'est bien elle qu'on entend chanter. En italien.

C'est vieux.

Comme c'était notre dernière porte, on décide de faire une pause. On se colle devant l'écran bleuté comme deux couillons.

On s'emmerde un peu.

Jusqu'à l'arrivée de Jacky Flash.

Dans l'émission, hein! Pas dans l'appart.

Faut etre précis que sinon tu vas rien piger.

"Le show-biz, c'est un milieu de putes. Et curieusement, je m'y sens chez moi. Ma prochaine tournée sera peut-être la dernière. Je vais balancer toutes les saloperies de mes chers congénères.Toutes! Avec les noms et les preuves. Vous voulez vous marrer? Je vous promets des grincements de dents."

Bon sang!

Je la reconnais, cette déclaration. Il l'avait faite y a des mois, déjà.

Le bordel que ça avait provoqué!

Il s'est mangé trois procès. Dont deux non-lieu jusqu'à présent. Plus deux tentatives de meurtre et une d'enlèvement. Plus les foudres du big boss.

Le grand Manitou de Univers-sale. comme il l'appelait, Jacky. Il était prêt à rallumer les bùchers, le daron. Avec menaces au vitriol. Super virulentes. Il a fait une attaque peu de temps après, d'ailleurs. Le coeur. Etonnament, il en avait un, le big boss.

Ha! Sacré jacky! Quel fouteur de merde, celui-là. On se marre un coup, Folo et moi.

Mais on se pose aussi de sacrées questions.

Qu'est-ce qui se passe dans cette putain de tour?

Evidemment, Folo a une nouvelle théorie.

Fallait s'y attendre.

Selon lui, tous les locataires auraient été enlevés. Et ce, juste avant que j'arrivasse. Reste à savoir par qui, pourquoi et comment. Toutes les possibilités sont ouvertes.

Comme les portes.

Les hommes en noir, les petits gris, les illuminatis, les chinois, la CIA, le mouvement indépendentiste breton, le vatican, les témoins de Jéhova, les francs-maçons...

Si on part du constat qu'on ait trouvé aucune trace de lutte, toute tentative de résistance est à écarter.

Hypnose? Gaz? Troupe armée particulièrement persuasive? On peut prendre les paris.

Mais je suis pas joueur.

J'émets à mon tour une autre hypothèse.

Et s'ils auraient glissé dans une fissure espace-temps, tous ces braves gens?

La tour serait un genre Bermudes, tu vois?

OK! C'est tiré par les cheveux.

Une tour...En pleine ville... Ma tour, comme par hasard!

Ou alors.

Ou alors, c'est moi qui suis visé.

Et Folo aurait raison.

Je serais un cobaye pour une expérience à la con. Un hamster dans sa roue. Gare aux piquouzes. Parano en promo.

On se dévisse de l'écran et on se dit qu'on ferait bien de se metttre en planque.

Dans le hall.

Je l'ai déjà fait, je sais bien. Mais vaut mieux le faire deux fois qu'une. On sait jamais. on finira quand-même par apercevoir quelque-chose. Un truc. Une ombre. Un quidam. Une âme qui vive.

Merde, quoi!

C'est pas possible, cette tour avec personne dedans.

C'est pas humain.

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