Chapitre 3

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Sarah se frotta la joue, nerveuse et frustrée. Son père lui en avait collé une dès son arrivée. Il avait regardé sa robe d’un oeil réprobateur, puis il l’avait envoyé dans sa chambre. Elle avait claqué la porte, son seul acte de rébellion possible.

Elle se déshabilla et se glissa sous les draps. Malgré le rappel à la réalité que lui avait infligé son géniteur, son corps et son esprit étaient encore plongés dans un rêve éveillé. Elle frissonnait rien qu’en revoyant le visage de ces deux amants dans son esprit. Sarah voulait faire durer le plus possible le souvenir de la sensation d’être entourée par ces deux hommes la touchant en même temps, ce bien-être et cette excitation folle d’être au centre de toutes les préoccupations.

Sa main glissa mécaniquement sous les draps et elle se toucha longuement. Impossible pour elle de fermer l’oeil sans avoir évacué la frustration de n’avoir pu aller plus loin avec eux. De même, elle se sentait coupable de les avoir quitté alors que le meilleur restait à venir.

Elle devait trouver une solution pour les revoir. Discrètement. Et cette fois-ci, ne pas manquer cette opportunité de passer sa meilleure nuit depuis des années, si ce n’est la meilleure de sa vie tout court.

La solution, elle la trouva devant son bol de Chocapic, alors qu’elle se réveillait difficilement pour son dimanche de repos. Sarah avait les pensées confuses. Elle avait peur. Non pas de ce qu’il se passerait si elle les revoyait, mais bien de ce qu’un manque de discrétion risquait de lui coûter. Elle savait que son père la punirait sévèrement s’il venait à savoir ce qui se passait dans son dos.

De même, elle était inquiète de ce qu’il serait capable de faire à ces deux hommes. On ne plaisante pas ici avec la famille…

Elle enfila une tenue plus discrète - mais néanmoins élégante - et s’enfonça dans la rue principale afin de passer devant l’hôtel, les yeux braqués sur sa montre. Son plan était osé. Mais au diable les risques…ses hormones étaient bien plus fortes que la peur.

Sarah entra discrètement dans l’accueil de l’hôtel après avoir jeté un oeil à la réception. C’était la pause du propriétaire : facile, elle le voyait souvent fumer sa pipe à la même heure dans l’angle de la rue, bavardant avec ses amis. Passant derrière le vieux comptoir de style marin, elle regarda le registre et trouva sans mal la seule chambre occuper par deux hommes.

Ses pieds firent ensuite craquer légèrement les marches menant au premier étage. Tout allait se jouer maintenant. Le chariot de la femme de ménage était présent. Elle ne s’était pas trompée. La jeune fille se faufila dans l’une des chambres laissée ouverte, puis attendit patiemment que le ménage soit fait dans celle des deux hommes.

Il fallait qu’elle agisse vite. Voilà que la vieille Rosie s’activait dans la salle de bain, frottant en chantonnant un air de son pays natal. Parfait. Sarah avança tel un loup et sortit le chewing-gum qu’elle mâchait nerveusement depuis son départ de la maison. Elle le colla sur le verrou de la porte. Il n’y avait maintenant plus qu’à faire preuve de patience.

Rosie sortit et ferma la porte. Sarah déglutit. Le verrou fît un drôle de bruit mais il en fallait plus pour monter aux oreilles de la vieille dame. Son coeur se mit à battre. Elle laissa le chariot passer dans son champ de vision, puis Rosie commença le ménage d’une nouvelle chambre.

C’était le moment de vérité. Elle fit glisser sa carte bancaire dans l’interstice. Le verrou était mal enclenché. Ecartant la matière visqueuse, elle arriva à faire levier et s’y reprenant à trois fois pour faire pression sur le mécanisme, la serrure lâcha devant l'audace de la jeune femme.

Elle sourit et se retint d’être plus expressive. Sans perdre un instant, elle s’enfonça dans la chambre, avant de refermer derrière elle.

La pièce était plongée dans la pénombre. Les stores étaient baissés. Les lits étaient faits. Elle devait maintenant attendre leur retour. Sarah était certaine de leur faire une bonne surprise…mais il fallait désormais passer le temps.

En fille curieuse qu’elle était, elle entreprit alors de faire sa fouineuse. Elle ouvrit le placard à vêtements et retrouva les chemises à fleurs de Valentin ainsi que les tenues plus sobres de son comparse.

  • Tiens, des mecs organisés et très soigneux, ça change. se murmura-t-elle.

Ecartant les différentes affaires anodines, sa main effleura un contenant en plastique dur qui attira son attention. Disposée au fond d’un petit interstice, une sorte de mallette se cachait astucieusement aux yeux des indiscrets. Sarah cessa sa fouille et sortit l’étrange objet qu’elle avait là.

C’était une sorte de coque rigide, de la taille d’un ordinateur portable, mais en plus épaisse. Sarah se caressa le menton, circonspecte. Qui utilisait ce genre de valisette ?

Une drôle de sensation envahit la jeune fille qui sursauta alors que des pas s’annoncèrent dans le couloir. Elle jeta alors un peu maladroitement le mystérieux contenant là où elle l’avait trouvé et se rua vers la salle de bain, laissant la porte entrouverte comme elle l’était.

Son instinct était le bon : la porte de la chambre s’ouvrit. Elle entendit deux voix masculines, assez basses. Elles correspondaient bien à celles de Valentin et d’Amedeo. Mais l’intonation était…différente.

Elle prêta l’oreille.

  • J’ai fait le tour. Les cultures ne peuvent pas correspondre aux quantités qu'il a déclaré.
  • Tu crois qu'il faut qu'on le signale ?
  • Attendons encore un peu. Continuons de faire le tour du coin. Il faut qu’on loue une bagnole pour éviter d’être trop repérables.
  • Tu crois que…

Valentin arrêta soudain de parler, comme si quelque chose avait attiré son attention. Il demeura un long silence dans la pièce et un frisson d'angoisse parcouru l'échine de Sarah. Elle était tétanisée sans comprendre pourquoi. Elle s'arrêta de respirer.

Le bruit de la porte à moitié ouverte monta à ses oreilles, ainsi que le bruit de la serrure encore piégée par le chewing-gum. L'un des deux hommes ouvrit le placard, sortant ce qui semblait être la mallette. Celle-ci s'ouvrit dans un bruit de plastique. Quelque chose en fut sorti.

Puis le silence encore. Un silence de mort. Pas un bruit. Pas un mot entre les deux comparses. Une aura froide, glaciale, emplissait l'atmosphère. Ce n'était plus la scène d'un rendez-vous coquin improvisé...

Deux craquements sur le parquet ponctuèrent chacun une lourde seconde. Ils se dirigeaient vers la salle de bain.

Quelqu'un rentra dans la salle de bain.

La porte se ferma violemment, d'un coup sec, dévoilant Sarah qui se retînt de hurler.

Devant elle se tenait Amedeo. Dans son regard, une lueur inexplicable, sombre. Il avait le visage fermé. Et au bout de sa main : un pistolet 9mm, braqué sur Sarah.

Sans lâcher le regard paniqué de Sarah, comme pour la baillonner et l'empêcher de faire le moindre bruit, il s'adressa à son associé d'une voix très calme mais grave.

  • Valentin ? On a un gros problème.

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