Chapitre 13 - Le bal des loups

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Sylas était arrivé en retard à la réception. Il avait monté les nombreuses marches de la cour menant à l'entrée du château. Las, il y avait découvert de grandes portes ouvertes au bout d'un dernier large escalier. Il n'y avait pas à dire, la beauté extérieure n'avait d'égal que sa symétrie. Le palais était construit en longueur, aux murs blancs et jaunes et à la toiture carmin. Les jardins étaient eux bien plus simples, bas aux petits buissons taillés, où beaucoup de bancs parsemaient l'endroit.

Avant même d'entrer, il entendait l'orchestre sortir de l'enceinte de la bâtisse. Une musique entraînante, dansante et joyeuse. Il y reconnaissait au loin la chanteuse avec qui il avait batifolé il y a déjà plusieurs nuits de ça, qui attendait son tour de parole dans la sélection des chansons. Elle ne le dévisagea pas; pas même un regard. Il ne lui en tenait pas rigueur : après tout, ces masques n'étaient pas là pour rien !

Le hall était immense et les entrées des autres pièces si grandes, qu'il savait d'ores et déjà que la soirée ne s'arrêtait pas à la première place.

Les murs étaient décorés de tapisseries colorées qui égalaient l'élégance de celles du Royaume de Slemorean. Également, l'architecture avait été travaillée à la main, et d'une main d'artiste. Les reliefs étaient fins et donnaient une subtilité rassurante à l'endroit. Le sol, lui, était dallé en une mosaïque à son centre, indiscernable avec tous ces pieds sur la piste. Quant au plafond décoré aussi soigneusement qu'une église, il était si haut qu'un petit géant aurait pu entrer dans la demeure et y dormir.

Le balafré épia les gens sans vergogne. Les invités portaient de magnifiques masques, de robes somptueuses ou de costumes tous plus excentriques les uns que les autres. Il y voyait là les groupes de commères et d'opportunistes, les danseurs, les goinfres et les alcooliques.

Il chercha du regard un visage familier : peut-être une Chloé ou bien une Bethie, qu'en savait-il ? Mais il lui fut impossible de reconnaître qui que ce soit dans cette foule de visages cachés. Il ne put même pas se fier aux couleurs des vêtements car il n'avait pas accompagné les dames jusqu'au lieu et ne les avait pas vues de la journée.

Il alla vagabonder en direction du buffet où monts et merveilles gustatives lui faisaient de l'œil mais quelqu'un le retint d'une tape sur l'épaule. Pourquoi chercher quand on peut être trouvé ? Se retournant, il y découvrit une grande femme au teint plus foncé que la normale, et aux cheveux attachés en deux couettes lui pendant sur les épaules. Elle portait un masque blanc, simple. Il sourit.

Bethie était habillée d'une robe magnifique comme toutes les autres dames. Elle était verte amande dans le dos et en partie sur les côtés accompagnée de jolies fleurs imprimées et le devant était d'un rose pâle qui s'accordait parfaitement à son chapeau à plumes blanches, orné de quelque roses et broderies. Elle devait avoir un corset serré en dessous de ses habits car il faisait remonter son opulente poitrine dans son décolleté carré. Il se demandait bien comment les femmes pouvaient-elles respirer dans de tels accoutrements. Ses manches s'arrêtaient au dessus des coudes et terminaient en de petits froufrous blancs ; la mode de cette saison. Voilà une robe dont il appréciait la découpe; modeste et simple mais élégante sans trop de chichis.

— Tu devrais éviter les corsets, c'est pas bon pour ce que t'as, dit-il en visant ses formes.

— Et toi tu es magnifique ! lança-t-elle fièrement. Sombre, mais je n'en attendais pas moins de toi !

Sylas avait fait l'effort demandé. Il était en effet allé chez le barbier et avait également demandé à ce qu'on lui coupe les cheveux. Et le voilà qui se tenait droit avec une tête toute neuve et propre. Ses cheveux noirs autrefois indomptables étaient suffisamment courts pour ne plus le gêner, et suffisamment longs pour être encore un tantinet modulables. On les lui avait légèrement rabattus en arrière; quelques mèches rebelles décidaient déjà de faire grève et de recouvrir le haut du loup. Plus de moustache, et la barbe avait été coupé au ras de la peau. Sa cicatrice était alors devenue bien plus visible au niveau du coin de sa lèvre supérieur droite. Il portait un loup coquet où seul le nez était complètement blanc, seulement grignoté par la jolie dorure qui venait décorer le rouge et les bordures.

Il portait le plus simple des pantalons et les plus modestes chaussures. En revanche, il avait acheté une chemise principalement noire où seulement le milieu du torse était blanc. Les manches étaient bouffantes et il avait choisi de se vêtir de gants tout aussi sombres. Il avait accompagné son habit d'un veston de satin rouge orné de motifs noirs et d'une cravate accrochée par une broche en métal de piètre qualité.

— Suis moi, je vais te présenter à mes nouveaux amis de la soirée, l'invita-t-elle.

L'homme n'eut pas le temps de refuser qu'il fut embarqué parmi les invités vers un petit groupe de tout ce qu'il détestait : les fameux sourires hypocrites et les histoires insipides...

— Monsieur le Comte de BRENIER, Madame la Comtesse de BRENIER et Monsieur le Marquis d'ADVULL, je vous présente mon ami...commença-t-elle à le présenter.

— Le Duc d'Olkio, finit-il sa phrase d'un grand sourire aussi faux que ceux de ces derniers mais néanmoins moqueur.

L'elfe ouvrit de grands yeux positivement étonnés accompagnés d'un petit sourire satisfait.

— Il est tout nouveau dans la région et souhaitaite découvrir du pays.

Tous surpris, ils lâchèrent des exclamations exagérées.

— Oh mon seigneur ! Quelle chance vous avez ! s'exclama la Comtesse.

— Mais comment faites-vous pour avoir autant d'amis hauts placés ?questionna son mari.

— Comment avez-vous donc sympathisé avec Madame la Baronne, Monsieur le Duc ? demanda le Marquis, intrigué.

— Ce fut naturel ! Il s'avère que mon amie possède la recette secrète d'une boisson dont je ne peux plus me passer. Elle la détient de sa mère, qui elle même la détenait de sa mère, qui elle même la détenait de la sienne et qui elle même la détenait de son père. Très long héritage familial, expliqua-t-il sans honte.

Tous trois acquiescèrent et applaudirent silencieusement son cinéma. L'un se tourna vers l'aubergiste, intéressé par la nouvelle.

— Vous ne nous aviez pas dit que vous étiez fort bonne brasseuse, Madame.

— Non... Il est vrai, avoua-t-elle, embêtée. C'est un secret familial, alors fort heureusement que je ne le crie pas sur tous les toits, chuchota-t-elle discrètement d'un petit sourire cherchant à sauver les apparences.

— Exactement, vous êtes votre propre cliente ! surenchérit Sylas. À l'exacte que je suis ma propre compagnie, alors si vous voulez bien m'excusez, mesdames, messieurs...

D'une soudaine révérence, il ne laissa pas le temps aux au revoir et s'éclipsa au milieu de la foule. Bethie retint un long soupir, le laissant s'envoler. Ainsi il put enfin accéder à la montagne de bonne nourriture. Enfin quelque chose d'intéressant !

Il se jeta sur le dernier petit pain fourré au fromage mais une nouvelle personne intercepta sa lancée. Une jeune fille aux cheveux de feu lui tapa sèchement la main pour l'intimer à ne pas prendre ce pain. Elle lui lança un regard noir, méchant.

— Ce n'est pas digne d'une dame de frapper un gentleman, la taquina-t-il.

— Parce que tu crois que c'est digne d'un gentleman de ne pas laisser sa part à une dame ? rétorqua-t-elle. Bouffon, marmonna-la jeune fille en profitant de ce moment d'inattention pour voler la nourriture et en prendre une bouchée.

La masse capillaire de Chloé était totalement lâchée. Une petite bouclette lui tombait sur le front et elle replaçait constamment ses cheveux derrière l'oreille. Elle portait un masque blanc aux bordures dorées et une de ces robes de vierges candides. Son décolleté montait aussi haut que possible ne laissant apparaître que ses maigres clavicules et son cou. L'habit était simple, jaune avec un imprimé fleuri. Ses manches étaient longues et serrées montrant la forme de ses brindilles de bras. Sa jupe était ample, sans doute pour une question de mouvement. Contrairement à Bethie et les autres femmes, sa poitrine n'était pas bombée; pas seulement parce qu'elle n'en avait pas, mais surtout parce qu'elle était peut-être l'une des seules à ne pas porter de corset. Pour apporter une pointe de coquetterie, elle portait un ras de cou blanc et une broche dorée.

L'adolescente ne reconnut pas son hôte, et il en joua malicieusement.

— Dis donc, vous ne comptez pas vous goinfrer toute la soirée, n'est-ce pas ?

— Qu'est-ce que ça peut t'faire ?

— Pourquoi n'allez-vous donc pas danser ? Avec moi, par exemple, soumit-il.

— Ah ! Quel malheur, geignit-elle. Je suis atteinte d'une grave maladie qui m'empêche de danser et de quitter le buffet.

— Cette maladie vous empêche-t-elle de vous mouvoir ? Comment êtes-vous arrivée jusqu'ici ?

— Il se trouve que quand je danse avec un pur inconnu, je transforme ses pieds en purée de patate et fais bouillir sa tête.

— La danse s'apprend, très chère. La maladresse, l'erreur, tout ça est humain.

— Tu n'y es pas du tout ! le fusilla-t-elle du regard. Je sais danser. Comme une Reine même ! annonça-t-elle la tête haute, un grand sourire aux lèvres. C'est pas une maladresse, c'est un choix. Donc si tu veux pas que je t'éclate les pieds, trouve quelqu'un d'autre.

Sylas laissa échapper un rire qu'il tenta de contenir. Les réactions de cette petite étaient si satisfaisantes, qu'il en oubliait son jeu d'acteur; il en oubliait de parler également.

La jeune fille le dévisagea de haut en bas sans cacher sa mine dégoûtée et surprise. Elle croisa les bras sur sa poitrine, énervée.

— Non mais ça va, je t'en prie, te gêne pas pour moi surtout, dit-elle agacée d'un ton sarcastique.

Ses réactions fit amplifier le fou rire du noiraud qui n'arriva plus à se retenir. Cette augmentation déstabilisa Chloé qui ne savait plus quoi rétorquer.

— Mais arrête ! Tu vois pas que tout le monde nous regarde ?

Mais il ne s'arrêta pas. Tout ce qu'elle faisait était d'augmenter le son de ses cordes vocales. Rougissante de honte en voyant les regards accusateurs se jeter sur eux, elle lâcha un râle de mécontentement et défiant son ennemi du bal du regard, elle empoigna des petites tartelettes gout fraise et les stocka une à une dans sa bouche. Ses joues remplies, le professionnel ne put s'empêcher de la comparer à un écureuil et de rire à gorge déployée. N'ayant plus de réaction à donner, la petite se contenta de le fixer du regard et de s'en aller loin de lui et de cette situation désastreuse avec encore les petites tartes dans la bouche.

— Vous en faites, du bruit, vint s'immiscer une voix douce, intriguée.

Alors qu'il ne pouvait s'arrêter, il prit une grande inspiration comme si il en avait eu le souffle coupé et croisa le regard d'une femme transcendante. Il se raidit.

Contrairement à certaines, son loup faisait ressortir la couleur de ses yeux; des yeux d'un vert aux lueurs grises dont il n'avait jamais vu une telle vivacité et un loup d'un violet pourpre et d'une dorure que les autres masques ne pouvaient égaler. Durant quelques secondes il se perdit dans ces yeux qu'il ne put lâcher.

L'inconnue portait une robe riche, coquette qui respirait l'élégance. Le buste de son habit était de ce même violet et se fendait en un gigantesque décolleté en V s'arrêtant jusqu'à la jupe. Pour cacher sa peau, le triangle était d'un blanc pur, orné de magnifiques dorures, tout comme le satin pourpre orné, lui, de couleurs parfois plus claires, et d'autres plus foncées. Sa jupe était composée d'un premier voile à froufrou de la même teinte principale que son buste et la deuxième étant la jupe mère du même blanc que ce triangle élégant.

Il ne remarqua même pas les cheveux blanc de la femme qui étaient décorés de broches dorées d'une finesse inégalée jusqu'ici et d'un joli nœud papillon qui dégageait en partie son visage.

Il ne remarqua pas non plus ses lèvres d'un rouge sang qui devaient avoir le goût des betteraves fraîchement coupées et de ses joues légèrement rosées.

Ses yeux était son absolue préoccupation; il ne loucha même pas sur son joli décolleté dont le soudain blanc de ces couleurs si sombre attirait l'œil.

— M'accorderiez-vous cette danse ? l'invita-t-elle avec prestance et respect tout en s'inclinant face à l'homme subjugué.

Sylas fut prit d'une étrange lueur dans ses yeux. Un sourire léger et séducteur s'aligna sur ses lèvres.

— Mais avec grand plaisir, Milady.

Il tira la révérence la plus courtoise qu'il put et lui tendit le bras qu'elle attendait, acceptant, avec nombreuses pensées en tête, son invitation. Elle posa une main délicate sur celui-ci et l'emprisonna dans cette étreinte, l'emmenant avec elle. Cette domination ne dérangea point le convive.

Sans plus attendre, leurs corps se joignirent pour une valse endiablée. Le tombeur s'y donna corps et âme, la faisant virevolter, danser et tournoyer ente ses mains. Mais alors qu'il reprenait le dessus sur la situation, la mystérieuse beauté força sa poigne d'un sourire joueur, le forçant à accepter sa direction. Elle tourbillonna dans ses pattes et appuya son dos contre le bras de son partenaire le forçant à l'accompagner vers sa descente. Celui-ci la retint et échangea de nouveau les rôles. Au lieu de continuer sur le côté gauche où elle avait pris le dessus, il la ramena plus longtemps sur son bras droit.

Alors que la bataille battait son plein, le spectacle divertissait la salle. Des murmures vaquaient entre les oreilles maladivement curieuses et les bouches idiotes.

La valse se terminant, les deux commandants se saluèrent poliment, essoufflés.

— Que diriez-vous de prendre un verre ? proposa Sylas.

— Qui a dit que je voulais m'arrêter de danser avec vous ? défia la femme.

La provocation fit sourire le Purificateur de plus belle. Rares étaient les femmes aussi téméraires. À nouveau, ils engagèrent une nouvelle danse sur un solo plus doux. La guerre était terminée pour le moment; ils se trouvaient tous deux sur un pied d'égalité. La chanteuse pu enfin exercer sa magnifique voix qu'il avait déjà entendu de bien des manières.

Il posa une main d'homme sur la taille de la damoiselle et il la laissa poser sa main dans la sienne ainsi que l'autre sur son épaule. Aucun des deux ne serra celle de l'autre ou même une autre partie du corps.

— Dire que vous êtes ravissante est un bien faible mot pour vous décrire.

— Je sais. Après tout, qui serais-je si j'étais une personne banale ?

— Certainement pas vous ce soir.

La femme ne releva pas; elle resta même impassible.

— On ne m'avait pas dit que vous cachiez si peu vos intentions. Bien au contraire même... souleva-t-elle.

Le professionnel se tut un instant restant muet face à ces mots. Il n'arriva même pas à décrocher son regard pour lever les yeux au ciel, non, il ne put que soupirer. Elle détourna les yeux.

— Bethie, l'inconnue, le rendez-vous... Ce n'était donc pas mon charme mystique qui vous a fait venir à moi ?

— C'est moi qui ai le charme mystique ici.

Sylas voulut se détacher de l'étreinte et alors qu'il allait stopper la danse, la femme le retint fermement entre ses griffes. La pression soudaine qu'elle exerça rapprocha les deux corps au plaisir de l'homme et à l'indifférence de la dame.

— Vous êtes toujours aussi entreprenante et ce, peu importe la situation ? Vous avez peut-être blessé mon égo mais ravi mes yeux et mon corps.

— Ne vous fatiguez pas. Finir dans votre lit est bien le cadet de mes soucis. Ce n'est pas pour avoir ce genre d'entretien que j'ai exigé votre présence, mais pour parler affaire.

— Et donc Bethie c'est quoi au juste ? Une référente ? Ma prochaine mission sera au Royaume de l'Ouest parce que mes exploits sont contés dans la haute société ? Et pourquoi pas à vous aider pour vos histoires d'alliance avec le Sud, pendant que vous y êtes ?

— Qu'est-ce que ça change ? Tant que vous êtes payé, où est le problème ? Vous avez bien aidé une vieille femme avec la suie de sa poêle, alors qu'est-ce qui vous fait à ce point peur à escorter une pauvre princesse dans le besoin ?

— La politique. Je ne me mêle pas de la politique.

Celle qui s'était qualifiée de princesse poussa un petit gloussement maîtrisé.

— Mais ce n'est pas de la politique. Simplement un Purificateur qui protège une rare marchandise des monstres et autres démons de passage. Je ne vous demande pas de prendre part à quelque chose, simplement de m'aider.

— Vous avez bien assez de soldats pour ce genre de missions.

— Mais c'est de quelqu'un comme vous dont j'ai besoin. Pas de quelqu'un qui sait juste brandir une lance dans le vide en espérant que ça fasse mouche. Parfois, le nombre est bien moins puissant que l'expérience...

— Prenez un commandant, ou un chef d'armée.

— Vous aimez bien vous faire désirer... Bethie ne vous a pas prévenu que cette mission était classée secret défense ? Vous ne voudriez quand même pas recevoir un ordre... soumit-elle d'un grand sourire malin.

— Me faire croire qu'accepter, sous votre exigence dissimulée, est un choix qui vient de moi est une bien basse technique pour une Princesse.

— Pas du tout ! Question de stratégie.

Son Altesse se colla à Sylas et fit glisser sa main délicate de son épaule à sa nuque; une nuque qu'elle caressa longuement du bout des doigts. Doucement, elle approcha ses lèvres près de l'oreille du balafré et lui susurra :

— Je vais devoir me rendre seule, sur les routes dangereuses qui mènent au Millénium. Seule et sans rien pour me défendre mise à part une pauvre épée qu'on ne m'a pas appris à manier.

— Et donc vous avez besoin de quelqu'un comme moi pour vous protéger ?

— Oh ! Je n'avais jamais pensée à cette idée. Quelle intelligence. Merci de vous proposer si gentiment pour un travail de cet envergure. Je vous embauche d'office ! Je n'aurai probablement jamais pu encaisser cette lourde tâche toute seule de toute façon, se joua-t-elle de lui sans quitter son sourire malicieux. Vous voyez, quand vous pouvez.

Il soupira longuement et la serra un peu plus contre lui. Il s'autorisa même à poser sa tête contre la sienne. Il huma son parfum léger et sucré lui rappelant celui du chocolat.

— Que faites-vous ? questionna-t-elle.

— Je vous fais payer de m'avoir imposer votre compagnie et votre petit jeu en vous imposant le mien.

— Ce n'est pas égal. Vous avez joué tout autant que moi, et même profité de cette situation, dit-elle en raffermissant sa voix.

— Pas autant que vous de ma personne. C'est bizarre, vous semblez bien moins confiante et séductrice tout d'un coup. Serait-ce parce que vous avez obtenu ce que vous vouliez ? Parce que la situation vous incommode ? Et pourquoi pas même les deux ? Peut-être n'avez vous pas l'habitude d'utiliser vos charmes, dont vous faites usage parce que l'on vous a rapporté que j'aimais les femmes ?

— Les raisons ne vous regardent pas. Et pour éviter qu'on croit que j'ai pu m'enticher d'un homme alors que je suis déjà promise, je préférerais qu'on arrête là de suite et qu'on se donne rendez-vous plus tard, à l'abri des regards.

— Et vous n'avez pas peur de...

Le mâle raffermit sa poigne au niveau de la hanche de la damoiselle rendant l'échange dérangeant, presque malsain. La Princesse sentit une vive décharge dans son corps, une sensation qui la tétanisa quelques secondes.

— Ce qu'il pourrait advenir si vous vous retrouviez seule, rien qu'avec moi ? finit-il sa question d'une voix suave.

— Vous me répugnez. On m'avait dit que vous étiez quelqu'un de confiance et je vois qu'au moindre décolleté vous montrez vos travers pervers ? Lâchez moi tout de suite ou je hurle.

— Si je puis vous suggérer quelque chose, Princesse.

Sylas détacha son étreinte reprenant une distance convenable comme lors de la précédente valse et plongea son regard dans les yeux confus et énervés de la somptueuse dame. Il ne souriait plus. Il avait même un visage sérieux, grave.

— N'utilisez plus jamais vos charmes pour acquérir ce que vous voulez. Vous êtes très mauvaise joueuse sur la durée et beaucoup trop entreprenante. Vous vous seriez faite violer et mise en cloque l'heure qui suivait. Optez plutôt pour l'ordre absolu. Cela vous va bien mieux à vous, les riches. Et de plus, c'est sans danger.

Respectueusement, il cessa tout mouvement mettant fin à la discussion ainsi qu'à la danse. Il tira sa révérence suivi de près par la femme aux yeux verts d'un geste plus maladroit. Elle était déstabilisée. Il lui accorda un dernier sourire, rassurant et bienveillant, et s'en alla.

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