La dernière rencontre

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Les yeux de Monsieur Dijoux brillaient de fierté lorsqu’il entendit la grande nouvelle. Il se leva de son siège et embrassa sa fille sur le front, puis il leva son verre de vin, sa femme l’imita tout en souriant, les nombreuses bagues qui ornaient les doigts de cette dernière provoquaient un léger bruit au contact du verre en cristal.

- Je lève mon verre en l’honneur de la futur avocate de la famille, Juliette Dijoux !

Ce bref toast fut suivi par les applaudissements du couple. Juliette se contenta de leur sourire en retour. Elle était à la fois flattée et gêner par tout cet enthousiasme, mais en même temps elle comprenait leur réaction. Après tout, son admission en licence de droit n’était pas rien pour quelqu’un qui comme elle, rêvait de devenir avocate depuis son plus jeune âge. Et à cet instant précis, elle ne put s’empêcher de remercier ses parents d’avoir toujours cru en elle, et de l’avoir toujours poussé à se surpasser. Monsieur Dijoux promit qu’ils iraient tous dîner en ville dès demain pour célébrer la bonne nouvelle comme il se doit. Mais Juliette répondit que ce n’était pas nécessaire, qu’elle se fichait pas mal de manger au restaurant du moment qu’elle pouvait passer du temps avec sa famille. Monsieur Dijoux insista, et alla dans le salon pour récupérer son appareil photo qui traînait sur une étagère. En le voyant revenir à table avec l'appareil, Juliette et sa mère comprirent ce que le père de famille avait en tête. Toutes deux se mirent côte à côte, dans les bras l’une de l’autre pendant que Monsieur Dijoux tentait de régler la mise au point du dispositif.

- Ça y est je crois que c’est bon, surtout ne bougez pas.

Malheureusement, la sonnerie de la porte d’entrée retentit soudainement. Tous se regardèrent à tour de rôle, se demandant qui pouvait bien venir leur rendre visite à cette heure tardive. Madame Dijoux lâcha sa fille, se leva tout en remettant son chignon en place, et se dirigea en direction de l’entrée. Juliette demanda alors à son père s’il était vraiment nécessaire de prendre une photo, car elle avait l’impression qu’ils en faisaient un peu trop. Toutefois, Monsieur Dijoux n’eut pas le temps de lui répondre, car le cri horrifié de la quadragénaire retentit dans toute la maison, faisant sursauter Juliette et son père. Tous deux se précipitèrent à l’entrée de la maison, oubliant alors toute pensée logique.

Toutefois, ils se stoppèrent net en constatant pourquoi Madame Dijoux avait hurlé. Là dans l’entrée, se trouvait un jeune homme d’une vingtaine d’années environ, fusil en main qui tenait en joue la pauvre femme toute tremblante. Il portait un simple survêtement gris, et une casquette rouge. Personne n’osait faire le moindre mouvement, la peur paralysant chaque membre de la famille. Mais lorsque le regard de l’inconnu se posa sur Monsieur Dijoux, un sourire mauvais se dessina sur son visage. Sourire qui eut pour effet de donner des sueurs froides à Juliette et ses parents.

- Mettez vos mains derrière la tête. On va tous aller dans le salon pour discuter un peu, et je vous déconseille de jouer au con parce que je n’hésiterai pas à buter le premier qui me fait chier.

Tous obéirent sans discuter. Une fois dans le salon, le jeune homme leur indiqua du doigt le canapé en cuir, la famille Dijoux comprit l’ordre silencieux et s’assit. Juliette, assise entre ses deux parents, ne parvenait pas à arrêter de trembler. Tous les regards étaient à présent posés sur l’intrus au fusil qui ne put s’empêcher de regarder autour de lui. Il n’avait jamais vu autant de luxe et d’opulence de toute sa courte vie.

- La vache ! On peut dire que tu manques vraiment de rien.

L’intrus remarqua ensuite les cadres photo accrochés aux murs, l’un d’eux montrait Monsieur Dijoux embrassant sur la joue une petite Juliette qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Cet acte que le jeune homme savait être profondément innocent, provoqua néanmoins chez lui un fort sentiment de dégoût. De son côté, Monsieur Dijoux ne parvenait pas à identifier ce garçon qui semblait pourtant le connaître. Mais compte tenu de ses vêtements négligés, il jugea qu’il devait s’agir d’un vagabond en quête d’argent.

- Si c’est de l’argent que vous cherchez...je vous donnerai tout ce que vous voulez...mais je vous en supplie ne faites pas de mal à ma famille.

Le regard de l’intrus se posa de nouveau sur l’homme assis en face de lui. Il se surprit à apprécier la peur qu’il lisait sur les traits du père de famille.

- J’en ai rien à faire de ton argent. Je suis venu pour te demander quelque chose.

Sur ces mots, le jeune homme se rapprocha de la famille, jusqu’à ce que son corps ne soit plus qu’à quelques centimètres d’eux. Monsieur Dijoux porta toute son attention au garçon, ne comprenant pas pourquoi quelqu’un ira jusqu’à menacer une famille entière avec un fusil juste pour obtenir un renseignement. Juliette et sa mère regardèrent tour à tour Monsieur Dijoux et leur agresseur, ne comprenant pas à quoi rimait cette étrange situation.

- Je veux que tu m’expliques pourquoi.

La phrase avait été lâchée comme ça, phrase qui n’avait aucun sens pour Monsieur Dijoux. L’incompréhension se lisait sur son visage, ce qui énerva davantage l’intrus.

- Attends…tu ne te souviens pas de moi ?

- Je regrette, mais j’ignore qui vous êtes…

- Je vais te donner quelques petits indices alors. Il y a une dizaine d’années, on était voisins, et tu m’as même construit une balançoire une fois dans notre jardin, juste pour que je m’amuse plus souvent dehors. Tu adorais me regarder jouer dehors, tu pensais toujours que je ne te voyais pas mais moi je savais que tu te cachais derrière la clôture.

Les yeux de Monsieur Dijoux s’écarquillèrent d’horreur en réalisant qui était le garçon qui se tenait devant lui. Il crut que son cœur allait lâcher tant le choc fut violent, et il comprit alors qu’il ne sortirai pas vivant de cette rencontre. Le changement de comportement chez le père de famille troubla Juliette et sa mère. Mais aucune d’elles n’osa lui demander qui était ce garçon, de peur de provoquer la colère de ce dernier.

Monsieur Dijoux se comprit condamné, mais il voulait tout tenter pour sauver sa femme et sa fille.

- Luka… c’est bien toi ?

L’intrus sourit.

- Heureusement que la mémoire te revient, j’aurai fait exploser le crâne de ta fille si ça n’avait pas été le cas.

- S’il te plaît...laisse partir ma famille...elles n’ont rien à voir avec ça...je t’assure qu’elles ne sont au courant de rien…

- Réponds à ma question : pourquoi ?

La tension dans la pièce était insupportable, et s’impatientant d’attendre une réponse qui ne venait pas, le dénommé Luka prit son fusil dans les deux mains, et tira froidement dans le crâne de la mère de famille qui n’eut pas le temps de réagir. Le sang de cette dernière gicla sur le visage de Juliette qui se mit à hurler à plein poumons, les mains couvrant sa bouche et la nausée la gagnant à la vue du crâne explosé de sa mère. Monsieur Dijoux se mit à insulter le meurtrier de sa femme, la colère ayant remplacé la peur. Mais le garçon resta de marbre, se fichant visiblement d’avoir pris une vie.

- Je répète ma question : pourquoi ?

Cette fois-ci, Monsieur Dijoux craqua, et répondit à cette fichue question dont il n’avait aucune réponse à apporter. Il ne savait pas lui-même pourquoi en réalité, mais il savait qu’il se devait de répondre quelque chose pour au moins sauver Juliette.

- Je t’ai fait ça parce que je suis malade ok ?! J’ai toujours voulu être normal et pas être le monstre que je suis ! Je suis tellement désolé Luka ! Je ne peux pas m’en empêcher, c’est un mal qui est ancré en moi ! Je t’en supplie, laisse partir ma fille ! Tue-moi si tu veux, mais laisse lui la vie sauve !

À sa grande surprise, Luka éclata de rire. Un rire si dément qu’il couvrait presque les hurlements de Juliette.

- Alors ça c’est trop fort ! T’es vraiment excellent comme gars, à t’entendre c’est toi la victime de l’histoire.

Ce n’était pas la réponse que voulait entendre Luka. Il prit Juliette par les cheveux qui tentait tant bien que mal de se libérer, mais en vain. Il la fit se mettre à genoux et posa le canon du fusil contre la tempe de la jeune fille. Monsieur Dijoux hurla de plus bel :

- Arrête ! Ne fais pas ça !

- Pourquoi j’arrêterai ? Tu ne t’es jamais arrêté toi quand je te le demandais.

- Elle n’a rien à voir là-dedans ! Elle est innocente !

- Moi aussi je l’étais.

Le coup de feu parti tout seul, et dans l’instant qui suivit Monsieur Dijoux comprit que son monde venait de s’écrouler à tout jamais. Aucun son ne parvenait à quitter sa bouche, seuls ses yeux reflétaient tout le désespoir qui l’avait envahi. Il ne réagit même pas lorsqu’il sentit la froideur du canon contre son front, car plus rien n’avait d’importance maintenant qu’il avait perdu les deux femmes de sa vie. La dernière chose qu’il vit fut le visage impassible de celui qui était à présent son bourreau.

Et d’un seul coup, le tire est parti.

Fin.

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