Tap, tap, tap.

Keylan agresse son clavier, frappe sans concession les touches une à une. Son rythme s'emballe. Le syndrome de la page blanche l’abandonne enfin ! Ce maudit cauchemar vivant la suivit pendant plus d’un mois. Maintenant, devant son écran dont la lumière lui brûlait les yeux, son logiciel de traitement de texte ouvert en grand et se noircissant de minute en minute, il laisse les mots cavaler.

Ils se déversent à une allure folle. Jamais Keylan n’a connu une telle profusion d’idées. Une histoire se déroule à l’arrière de ses yeux. Un homme et une femme. Ils dansent, virevoltent l’un contre l’autre. Leur vie s’étale dans l’esprit de Keylan, jusqu’aux moindres petits détails. La guerre éclatera et séparera ce couple.

Quand ce conflit prendra fin, son personnage principal, Daley Walsh, reviendra. Ses rêves et son goût pour la vie seront enterrés avec ses camarades. Sa compagne, Glynis Walsh, l’accueillera avec distance. Elle lui en veut d’être parti, de ne pas avoir été présent pendant une occupation par l’ennemie de leur petit village.

Puis, grand drame : le ventre de Glynis grossi, accueillant le bébé d’un ennemi. Elle se refuse à avouer qu’un soldat l’a violé, préfère que son mari la croit infidèle. Lui, il perdra encore plus ses esprits ! Il lui en voudra, la maltraitera, la poussera à avorter !

Glynis craquera et le fera. Un voisin la dénoncera. Glynis sera arrêtée et jugée à quinze ans de prison. Elle se suicidera, pendue dans sa cellule, et ne laissera qu’un mot à son mari. Alors en découvrant la vérité, Daley se tuera à son tour.

« Magnifique ! Je suis un géni ! J’en ai des frissons ! »

L’auteur ricane, apporte une tasse de café à ses lèvres. Il en renverse sur lui et se brûle les cuisses. En sursaut, il se réveille, fixe le plafond. Son histoire tragique a disparu.