A toi

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A toi,

J'aurais aimé que les mots qui parlent de toi aujourd'hui soient doux, beaux, étrangement sereins mais ce n'est pas le cas. Si quelques jolis souvenirs, tous teintés d'une rosée agréable, résistent à l'ombre envahissante, la houle violente, tes mots abjects contre mon être, c'est seulement parce que je me noie dans le flot continu d'une bonté sans souffle, qui ne cesse de courir. J'ai longtemps minimisé, tes erreurs, mes erreurs, les nôtres, j'ai avalé tes phrases, tes reproches, tes actes, en m'accusant de les provoquer. Notre amour avait des ailes, mais j'étais la seule à voler. Toi, tu me regardais d'en bas, les yeux levés vers moi, tes doigts retenant mon envol. Je nous portais, comme on berce un enfant, un être cher, comme on donne au cœur le souffle frais du printemps, l'armure docile pour l'hiver. Il y avait tes mains qui me touchaient, m'apprenaient, me retenaient, j'aimais leur douceur, leur éclat. Et ton sourire, dans l'obscurité, ton sourire étoilé qui, je pensais, m'était destiné pour l'éternité. Il y avait ton rire, ta peau, tes messages, ta présence. Il y avait du beau parmi le chaos, le chaos silencieux de mon aveuglement obstiné. Je te voulais pour une immortalité romantique, je ne nous voyais pas à l'avenir, parce que nous étions l'avenir. Mais que voulais-tu toi ? Peut-être est-ce la question que j'aurais dû te poser. Te demander de me décrire, de m'écrire, de nous dessiner. Il y a tellement de peut-être dans notre idylle qui ne fut jamais idéale. J'avais retiré mon cœur de son compartiment de verre, ouvert ma poitrine pour que tu puisses voir son éclat, je te l'avais tendu, quasiment offert, donné. Il m'est revenu brisé, mutilé, déchiré par ta hargne, celle qui nous a consumés, condamnés. Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi. Pourquoi moi ? Pourquoi toi ? Pourquoi nous ne fonctionnions pas ? J'étais sûrement un poème trop vrai et toi, une prose pas assez sincère. Nous ne pouvions pas nous conjuguer, j'aimais trop et toi, pas assez. Je ne suis personne pour juger de ta vérité, de tes sentiments, de tes pensées mais c'est moi, et contre moi que tu t'es acharnée, que tu as craché, lâché le mal-être noir de ton être, des mots trempés d'acide, de haine, d'égoïsme.

J'aurais aimé nous peindre en aquarelle, nous poétiser en vers, nous éterniser en astres. Il m'arrive fréquemment de me dire que tu n'as jamais existé, que nous n'avons jamais existé. Quand je revois des photos de toi, je ne te connais pas. Inconnue, comment ai-je fait de toi la personne la plus importante de ma vie pendant seize mois ? C'est comme si nous n'avions rien partagé, j'ai du regret, des regrets, ceux de t'avoir montré mes faiblesses, mon corps, mes mots, mes doutes, mes peurs, ma poésie, ma douleur. Je me suis mise à nu et tu t'en es servie. Contre moi. Toujours contre moi. Ça devait être trop dur de prendre ma main, de la garder, de l'embrasser sans la serrer, l'étouffer, la dévorer. Je veux pourtant, dans ma douceur, dans ma mémoire, dans notre trace, garder la chaleur de tes yeux sur ma peau, la douceur de tes baisers sur ma chair, sur mes lèvres, l'étreinte tendre de ton cœur contre le mien, de tes mots dans mes oreilles, de tes bras autour de moi. Je veux graver tes, nos 'je t'aime' vers le ciel, nos doigts qui s'entrelacent, nos sourires qui s'entrecroisent, nos réconforts entremêlés, les musiques que nous écoutions allongées dans un lit trop petit et pourtant, nous étions si grandes. Si grand était mon amour, pour toi, pour nous. Le seul ange gardien qui nous veillait, c'était moi. Je veux garder le son délicieux de ton prénom sur mes lèvres, Victoria, Victoria, Victoria, nos conneries qui nous faisaient rire comme deux enfants avides de vie, les après-midi où nos corps cessaient de fonctionner pour nous offrir un moment d'éternité sous un ciel bleu dévorant. Je veux garder nos larmes sur nos joues, les belles, les moins belles, les pas belles. Mais je ne pourrai jamais garder tout ça sans garder le reste. Mes cris, mes déchirures, mes pleurs, mes séquelles. De toi.

Tu étais mon premier amour, mais tu n'étais pas l'amour.

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