Paralysie

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Où suis-je ? Que fais-je ici ? Pourquoi fait-il aussi sombre ? Je n'y vois absolument rien. Mes yeux sont-ils ouverts ? Suis-je devenue aveugle ? Je ne peux le dire tellement l'obscurité est profonde et opaque. Aucune lumière n'arrive à percer cette couche si épaisse et imperméable. Pourquoi me suis-je retrouvée dans ces conditions ? Je ne me souviens de rien. J'ai l'impression de renaître dans un nouveau monde démuni de toute vie, dans un corps inconnu qui n'est pas le mien. Je ne distingue rien, tout à l'air vide autour de moi. Une absence de sensation indolore, mais pesante et désagréable. Mes sens se sont envolés, m'abandonnant dans cette atmosphère inquiétante. Je ne peux affirmer si je suis allongée, assise ou debout. Est-ce cela la mort ? J'aurais préféré souffrir que subir une situation pareille. Non, que dis-je ? Je perçois quelque chose. Un bruit lointain, quasiment inaudible. Ne suis-je donc pas seule ? Est-ce un rire ?

Je ne pense pas puisque je ressens du chagrin dans ce timbre. Ce sont des pleurs d'une extrême tristesse. Une femme, oui j'en suis sûre, cela ne fait aucun doute. La tonalité est clairement féminine. J'ai de la peine pour elle. Pourquoi est-elle aussi meurtrie ? Cependant, il n'y a pas que cela. Un sentiment plus sinistre tend à prendre le dessus. De la haine exactement, une rancune non dissimulée qui s'entend à la fin de chaque gémissement. Ma compassion pour elle se transforme en méfiance. Cette voix est la seule à proférer dans ces ténèbres. Les alentours paraissent inexistants, ce qui aggrave mon malaise. Les plaintes s'amplifient peu à peu, se rapprochant de moi à une allure anormale. Mes muscles se raidissent et une vague glaciale me traverse de l'intérieur. Mes émotions sont bel et bien revenues. Malgré tout, mon corps reste incontrôlable et ne veut pas bouger. Une peur que je n'avais jamais expérimentée auparavant s'empare de mon être, et me fait vivre un instant atroce. Mes iris bougent dans toutes les directions de façon autonome.

J'essaie de crier, mais ma mâchoire refuse de s'ouvrir. Je sens néanmoins mes dents se serrer fortement, au point d'avoir mal aux gencives. L'unique son, se répétant infatigablement, harcèle mon ouïe et envahit mon âme. Son emprise sur moi est terrifiante, au point de me faire perdre mon sang-froid. Même si l'envie de pleurer pour extérioriser mon désarroi est bien réelle, mes organes restent insensibles quelle que soit ma volonté. Pourquoi une telle inquiétude ? Ce n'est qu'une femme manifestant son tourment. Et pourtant, j'ai du mal à me persuader d'être en sécurité. Ces lamentations me sont insupportables. Elles me narguent et me poussent à bout, se jouant de moi comme une vulgaire marionnette. Je désire me mouvoir, hurler à me déchirer les cordes vocales. Bouge. Crie. Fais quelque chose. Je ne peux pas rester dans cette position, il faut que je réagisse. Pourquoi mon cerveau n'arrive pas à ordonner mes membres ? Pourquoi dois-je endurer cette épreuve ? Si ces instants sont les derniers de ma vie, je souhaite exprimer ma détresse avant de mourir.

Les sanglots résonnent toujours dans ce noir absolu, et s'avancent inlassablement. Plus ils sont proches de moi, plus l'angoisse monte. Cette torture s'éternise. Je me débats intérieurement sans pouvoir effectuer quoi que ce soit. Mon esprit souffre, tellement que je n'ai qu'une envie : mettre fin à ce supplice même si cela signifie le décès. Mais que dis-je ? Suis-je en train de délirer ? Où est passée cette fille combattante qui me caractérise ? Je ne peux pas laisser une étrangère me tétaniser de la sorte ! Cependant, cette sensation envahissante prend le dessus sur ma raison, et compresse mes tripes. D'où vient cette force qui me pousse à tolérer la mort ? Comment se fait-il que cette personne me fasse autant paniquer ? En attendant, mes nerfs sont douloureusement sollicités. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils explosent en mille morceaux. Que veut-elle exactement ? Cette femme est maintenant tout près. Ses pleurs résonnent dans mes oreilles, et agressent mes tympans. Je suis perdue. Cela fait déjà de longues minutes que je supporte ce martyr. Je veux que cela s'arrête. Je ne peux absolument rien faire. Il faut me rendre à l'évidence, je dois baisser les bras. J'abandonne l'idée de lutter. Encore quelques mètres et tout sera terminé.

La peur, l'anxiété, le trouble, tout ceci appartiendra au passé dans certainement trois secondes. Un laps de temps insignifiant dans l'existence d'un individu, mais si déterminant pour moi en cet instant. Un - mon cœur atteint rapidement une fréquence folle. Il semble vouloir s'échapper de ma cage thoracique. Deux - ma gorge se confine en continu, empêchant la salive de traverser. J'attends dorénavant la mort. Et trois - ma respiration saccadée est finalement bloquée par une frayeur atteignant son apogée. Bien que j'aie du mal à croire que je vais disparaître ainsi, j'attends avec impatience ce moment, car c'est l'unique issue à ma libération. Comme un dernier présent, la tonalité cristalline de la femme se change brusquement en une voix rocailleuse. Les vibrations très rapprochées se diffusent dans ma tête, et tétanisent mon âme. Mes larmes arrivent enfin à couler, marquant mon ultime preuve de vie. C'est la fin, mon cœur va lâcher. Tout d'un coup, plus rien. Le silence complet. J'ai l'impression d'être dans un endroit sous vide, dépourvu de tout résidu. Aucun bruit. Seuls mon organe vital et mes poumons rythment le temps.

Je sens de la sueur perler le long de mon visage. Mes muscles se relâchent, ne tenant plus cette pression insoutenable. Mon souffle se régule progressivement. Même si ce que je viens de vivre est encore ancré dans mon esprit, ma tête est vide de toutes pensées, tombée dans un état comateux. Je me persuade que ces événements ont été créés par mon imagination. Cela ne pouvait pas être réel. La fatigue m'a certainement joué des tours. Pourtant, mon corps ne s'est toujours pas remis, et frémit instinctivement. C'était un cauchemar. Oui, cela ne pouvait pas être autrement. Un soulagement se propage au niveau de mon abdomen. Mes lèvres tendent à sourire. Bien qu'il fasse toujours très sombre, cette noirceur procure un apaisement inopiné. Mais soudain, mes fibres se contractent à nouveau, réagissant immédiatement à un stress ineffable. Qu'est-ce que c'est ? D'où vient ce léger vent qui chatouille le lobe de mon oreille droit ?

Cet air frais et irrégulier me donne la chair de poule. Mon corps ne répond plus, il est redevenu statique. Pourquoi me lâche-t-il à un moment pareil ? Que va-t-il encore m'arriver ? Ces halètements me hantent et sont insupportables. La fin de chaque expiration est accompagnée d'un sifflement exécrable. Je n'en peux plus de cette situation sinistre. Qu'elle me tue. De toute façon, j'ai le contrôle sur rien. Je suis comme un pantin inoffensif qui est manipulable à souhait. A quoi bon vivre sans pouvoir réagir ? Laissez-moi partir en courant ! Autorisez-moi à ressentir la chaleur du soleil sur ma peau ! Permettez-moi d'humer le parfum des fleurs ! Donnez-moi l'opportunité d'exposer mes sentiments ! Rien qu'une dernière fois... Malheureusement, mon vœu n'est pas accepté. Au contraire, je perçois une froideur lécher la peau de mon visage. Une vague frissonnante longe ma colonne vertébrale. Je devine que la femme est maintenant à quelques centimètres de moi, cependant je n'y vois constamment rien. J'ai l'impression d'avoir affaire à un cadavre ayant perdu sa chaleur corporelle. Si c'est le cas, comment peut-elle se déplacer de la sorte ?

Mon angoisse n'en finit plus d'accroître, mélangée à une énorme incompréhension. Elle atteint son paroxysme à l'entente de quatre mots prononcés par une voix lugubre. Je suis paralysée d'effroi. Cette personne n'est pas humaine. Contre toute attente, la lumière éclaire les lieux d'un coup sec, brûlant mes yeux habitués à l'obscurité. Mes pupilles se rétractent spontanément. J'ai la vue floutée pendant quelques secondes, puis j'aperçois une masse grossière due à ma cécité passagère. Au fur et à mesure que je retrouve ma vision, cette forme se précise, et une silhouette d'un être humain se présente devant moi. Mon visage se déforme progressivement à la découverte de cette scène irréelle. Brusquement, la totalité de mes sensations reviennent, ce qui résulte d'un cri perçant à la limite de la folie. Celui-ci est la conséquence de l'effroyable frustration qui s'est accumulée dans mon âme. La bouche grande ouverte, mon hurlement devient tellement incontrôlable que mes cordes vocales s'étirent au maximum. Ma gorge m'afflige une douleur de plus en plus intense, jusqu'au moment où mes muscles se rompent subitement...

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