Chapitre VIII : Douloureux souvenirs

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Mégalodon, 13 février 2223

 Rien à signaler à bord du Mégalodon en ce treize février deux mille deux-cent vingt-trois. Le général Glazkov venait de finir sa ronde quotidienne. Il était sept heures. Il savait qu’à cette heure, sa mère devait être réveillée, il se rendit donc à la division retraite se situant dans le quartier sud du sous-marin. Il salua brièvement les infirmières d’un signe de tête. Il traversait le long couloir, passant devant les portes bien trop proches entre elles contrairement aux autres couloirs du subaquatique. Les dortoirs de la division retraite étaient les pires du Mégalodon, ils étaient petits et peu décents. Sa mère était l’une des rares privilégiées à pouvoir vivre seule dans son dortoir. Ce fut l’un des premiers ordres de Marcus quand il eut acquis son rang de général. Il entrait dans le dortoir de sa mère. Cette dernière venait d’être douchée par une infirmière qui fit une révérence en reconnaissant le général.

“Je vais prendre la suite, merci mademoiselle.

La jeune fille semblait confuse, mais n’insista pas. Elle sortit de la pièce laissant la mère et son fils seuls.

  • Bonjour mère.
  • Bonjour Marcus, que me vaut ce plaisir ?
  • Je vais m’occuper de toi ce matin, nous allons manger ensemble ce midi, tu es d’accord ?”

La vieille femme fit une grimace interprétée par le général comme une affirmation. Irina n’était couverte que d’un drap, son fils entreprit donc de l’habiller. Bien que l’idée de voir sa mère nue, de voir ce corps osseux, maigre et avec une peau distendue lui déplaisait, il avait désormais l’habitude. Sa mère était atteinte d’Alzheimer à un stade critique et il ne lui restait sûrement plus longtemps à vivre. Depuis sa maladie, il s’efforçait de passer un peu plus de temps à ses côtés.
Ils passèrent la matinée à lire chacun dans leur coin. Il en profitait pour ranger et ordonner les affaires d’Irina qui étaient en désordre. Quand l’heure du déjeuner arriva, il fit entrer le plateau-repas dans la chambre et s’installa à table avec elle. La vieille femme mangeait bruyamment, ce qui bloquait Marcus dans la dégustation de son repas. De plus, les respirations de sa mère étaient sifflantes. Irina avait des difficultés respiratoires et manger à ses côtés relevait d’une épreuve pour ceux sensibles aux bruits de mastication. Marcus prit sur lui et lança une conversation.

“Mère, j’ai de grands projets pour le Mégalodon, bientôt, tout va changer… Dit-il avec émotion.

  • Où est Cedrik ? Le questionna sa mère.
  • Mère, Cedrik n’est pas là, il n’a jamais vraiment été là…
  • Qu’est-ce que tu lui as fait ? Cedrik ! Se mit-elle à hurler.

Marcus tentait de la calmer sans succès. Irina devenait incontrôlable, elle criait, le frappait et se débattait avec une force insoupçonnée. Elle tenta de se relever et tomba de sa chaise en se cognant à la table. Le général ouvrit la porte et appela une infirmière. Cette dernière vint avec des renforts et ils réussirent à maintenir la vieille femme pour la ramener à son lit.

  • Tu es un monstre ! Je veux qu’on m’amène Cedrik !”

 C’en était trop pour Marcus, il laissa sa mère et rentra dans sa suite. Bien qu’il n’avait pas pu manger suite à la crise d’hystérie d’Irina, il avait l’appétit coupé, il ne pouvait rien avaler. Il se sentait étouffé, ayant pourtant tout l’air nécessaire pour alimenter ses poumons. Il sentit les battements de son cœur s’accélérer, il se mit à transpirer sans raison et sentit une gêne dans la poitrine. Il savait ce qui se passait, c’étaient les symptômes d’une crise de panique. Il courut, suffoquant, jusqu’à la salle de bain où il fit couler de l’eau froide dans son lavabo avant d’y plonger sa tête. Le contrôle était une chose primordiale que chaque dirigeant devait avoir, selon lui.   Contrôler son corps, c’était contrôler son esprit. Il n’arrivait plus à respirer, il plaqua ses mains contre le rebord du lavabo pour résister à l’envie de sortir sa tête de l’eau et de pouvoir ramener de l’air dans ses poumons. Il sentait que sa tête était près de l’implosion, mais il n’était pas encore temps. Ses yeux s'écarquillèrent. Quand il se décida enfin à sortir sa tête de l’eau, des bulles remontèrent à la surface. Ses cheveux dessinèrent un arc de cercle et vinrent se plaquer dans sa nuque. Des gouttes d’eau perlaient sur son visage qui n’avait pas encore repris ses couleurs naturelles. Il retira son tee-shirt mouillé dévoilant un corps étonnamment musclé pour son âge. Des pectoraux soulignés, des abdominaux dessinés et des épaules développés. Il retourna dans sa chambre avec une serviette sur les épaules et s’installa à son bureau où il sortit le journal du général Defaune. Il prit une grande inspiration et posa le journal sur son bureau. Il prit appui sur ses coudes et passa ses mains sur son visage dans un profond soupir avant de se décider à commencer sa lecture.

Jour 262 de la 5e année bissextile,
Malheureusement, les négociations ne se sont pas passées comme je l’aurais espéré. Néanmoins, j’ai tout de même réussi à me procurer tout l’océan Atlantique nord. J’ai donc accès aux côtes européennes ainsi qu’aux côtes est de l’Amérique du Nord et Centrale. D’après les prévisions des chercheurs, une telle zone nous permettra d’user des ressources pendant près de cinquante ans sans se restreindre ni s’inquiéter.
Les deux insurgés seront jetés demain après-midi, une convocation de la population sera nécessaire pour que ceux tentés de se rebeller y repensent à deux fois. Le système de radio est désormais mis en place même si je ne suis pas certain de comprendre son utilité.
Général Defaune.

Marcus referma le journal, les larmes aux yeux, emplis de sentiments qui n’avaient pas refait surface depuis quarante longues années. Il frappa du poing sur la table dans un accès de colère. Il sortit de sa suite et se rendit dans la division pilotage, décidé à prendre les choses en main.

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