Chapitre 9

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Écrit en écoutant notamment : Robert Miles - Children [Trance]

Elle joua ses premiers coups avec une vitesse et une assurance déconcertante. En face, Félix réfléchissait sérieusement pour ne pas commettre d’erreur grossière. Cependant, il ne put contenir bien longtemps l’avancée féroce des pièces d’Odile. Elle le piégea d’une redoutable fourchette, avant qu’un de ses pions n’atteignît le côté opposé de l’échiquier et se transformât en seconde dame. Pour la forme, Félix se battit avec ses dernières maigres forces, même s’il avait bien compris qu’il ne reviendrait jamais. Les garçons applaudirent Odile pour sa victoire foudroyante, puis Côme ajouta :

— On ne vous a pas dit, mais Odile est championne départementale des moins de quinze ans...

— C’est tout à fait ça, répondit l’intéressée. Mais tu t’es bien défendu, Félix !

L’attitude d’Odile trahissait déjà plutôt une connivence vis-à-vis de son adversaire : la mission de Côme ne partait donc pas dans la direction idéale.

— Et si on apprenait à mieux se connaître ? proposa Rémi en lançant un regard discret à ce dernier. Qui pour un action ou vérité ?

Les garçons, malgré un enthousiasme sensible, hésitèrent à se lancer, mais la réponse affirmative d’Odile délia soudainement leur langue. Ils s’installèrent en cercle et lui accordèrent la faveur de démarrer. Elle désigna Félix pour le premier tour ; ce dernier préféra commencer en douceur avec une « action ».

— D’accord ! Puisque tu ne veux pas encore te dévoiler, je te propose de faire dix pompes.

Il s’exécuta avec plaisir sous le regard satisfait d’Odile. Ce fut ensuite le tour de Côme, qui après un signe de Rémi, choisit l’unique fille du groupe, pour une « vérité ».

— Est-ce que… euh... tu as déjà eu un petit ami ?

— Euh… je ne sais pas si on peut dire ça... mais plutôt... non !

Comme Odile s’était arrêtée sur cette réponse mystérieuse, Rémi posa la question qui brûlait la langue de Côme :

— Donc tu as quand même déjà embrassé un garçon ?

— Ahah, cela va nécessiter une autre question ! répondit-elle amusée.

Les questions et actions s’enchaînèrent, encore relativement innocentes au grand dam de Rémi. Il se redressa pourtant au moment où Odile exigea de Julian qu’il fît une déclaration d’amour à Félix.

Bien sûr, malgré un Julian dont l’émoi était visible, elle ne mesurait pas du tout la portée de son défi badin et innocent. Après avoir cherché ses mots pendant un instant, il déclara :

— Bon, je crois que je suis bien obligé... Alors… euh Félix, comment te dire, je te trouve splendide. Et j’ai bien pu voir à la plage que tu avais des jolis abdos.

Félix feignait un certain amusement pour masquer son attendrissement. Il s’extasiait intérieurement à chaque mot qui s’échappait des lèvres de son ami. Rémi et Côme restèrent eux attentifs et silencieux, tout comme Odile, qui se délectait de voir un garçon s’essayer à cet exercice vis-à-vis d’un ami du même sexe. Tendu, il arriva rapidement à court d’idées, et conclut :

— Et puis tu es très gentil et intelligent… Tu voudrais sortir avec moi ?

Sa question eut pour réponse des applaudissement copieux ; apparemment, il s’était remarquablement débrouillé. Il proposa ensuite d’enfourner les pizzas et de mettre la table afin qu’ils se remissent de leurs émotions.


***


Le père d’Odile vint interrompre leurs discussions à l’horaire convenu. Dès que le ronronnement de la voiture se fut tari, Rémi se dirigea vers la cuisine en s’écriant :

— Que la fête commence !

Il reparut muni du flacon normalement destiné aux parents de Côme et d’un tire-bouchon. Côme protesta d’abord fermement, mais Rémi sut se montrer persuasif et profita de la complicité silencieuse de ses amis. Il s’étonna presque que Félix n’y objectât rien ; cette soirée d’anniversaire justifiait bien quelques transgressions. Rémi mania le tire-bouchon avec un doigté surprenant et avant de trinquer, ils s’amusèrent d’abord à singer les adultes qui font tournoyer leur verre et en hument précautionneusement le contenu.

— On continue la partie de la veille ? proposa Rémi. Lors de chaque tour, le « président » a le pouvoir de donner un verre à boire à n’importe quel joueur.

— J’approuve, firent Félix et Julian, suite à quoi Côme ne put se défiler non plus.

Les deux premières parties remportées par Côme lui permirent d’éviter provisoirement de devoir goûter le blanc, mais Rémi ne montra pas une once de miséricorde lorsqu’il remporta enfin une manche. Côme inclina progressivement son verre sous les vivas de ses amis et fut copieusement applaudi une fois sa boisson avalée. Alors qu’on buvait à l’anniversaire de Rémi pour la cinquième fois, ils décidèrent de sortir dans la nuit pour se rafraîchir les idées.

Le village était bien moins animé qu’en journée ; on entendait seulement au loin la sono d’un camping et quelques voitures qui descendaient le boulevard principal. Le vin blanc réussissait à Côme, qui était en grande discussion avec Rémi.

Tout d’un coup, Julian demanda à voix basse à Félix s’il ne préférait pas rentrer. Ils jaugèrent l’option d’un regard prolongé et se sourirent. Ils marchèrent d’un pas rapide jusqu’à la maison, avant de se rendre compte qu’ils n’avaient pas la clef. Enfin, cela ne changerait pas grand-chose...

Félix s’adossa contre le mur ; Julian se rapprocha avec une démarche de plus en plus incertaine à mesure que la distance qui les séparait se réduisait. Son visage s’alluma d’un feu attendri et Félix, qui avait fermé les yeux, sentit les lèvres de son beau garçon embrasser les siennes. Il ne pensait pas qu’on pût ressentir un plaisir aussi pur ; tous ses sens mêlaient leurs perceptions dans des effusions euphoriques. Il ouvrit enfin les yeux pour contempler ce visage, qu’il connaissait bien, mais auquel s’était ajouté un vernis amoureux.


***


Aussi bien par prudence que par bienséance, ils s’assirent tout de même rapidement sur les chaises de la terrasse à une distance plus raisonnable. Félix brûlait d’envie de recommencer et percevait la même ardeur chez son ami, mais les pas de leur deux acolytes signalèrent leur arrivée imminente.

— Eh ben, vous avez disparu tout d’un coup ! s'exclama Rémi.

— Euh oui, vous aviez l’air assez absorbés par votre conversation… répondit Julian, face à un Rémi qui n’était pas complètement dupe.

— En tout cas, je commence à être crevé, moi ! Demain, je me traîne jusqu’à la plage, mais pas plus.

— Pareil !

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