06. Petite fille devient grande...

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Mikazuki marchait dans un champ de fleurs, par une nuit sans étoile et dont la lune était l’unique source de lumière, éclairant les lieux tel un soleil. Depuis peu, toutes les nuits, elle marchait dans ce même champ de fleurs et toutes les nuits, elle atterrissait devant ce torii imposant. Et à chaque qu’elle tentait de le franchir, une voix de femme lui soufflait que ce n’était pas le moment venu mais qu’il n’était plus très loin.

Pourtant, cette nuit-là, les choses se déroulèrent différemment. Avant, Mikazuki ne pouvait plus faire un pas de plus dès qu’elle se trouvait devant le torii. À sa grande surprise, elle put, sans forcer, faire un pas. Puis un autre. Et ainsi de suite, jusqu’à le traverser enfin.

Le champ de fleur avait alors disparu. Elle se retourna et vit toujours le torii fièrement dressé, mais plus une trace de fleurs aux alentours. Juste une étendue blanche à perte de vue. Un néant où il n’y avait qu’elle et ce portail.

Bien. Encore un effort…

Elle fut soudainement prise de maux de tête puis elle crut entendre une sorte de bourdonnement. Peu après, sortit de nulle part, un chemin se dessina sous ses pieds.

Viens.

Elle ne savait pourquoi mais la situation ne l’inquiéta pas plus que cela. Cette voix qui s’adressait à elle avait un côté rassurant qu’elle ne saurait expliquer.

Elle marcha donc le long du chemin. À mesure que ses pas s’enchaînaient, l’espace blanc autour d’elle laissa peu à peu place à des marches, des pavés, des buissons, des arbustes, des arbres… Un décor semblait se mettre en place.

Elle grimpa ces marches un moment, avant de poser le pied devant un nouveau torii qui donnait sur la cour de ce qui semblait être un domaine avec une grande et longue maison, ainsi qu’une annexe. Le tout dans l’architecture typique de son pays. Qu’importait qui pouvait vivre ici, cette personne ne devait pas manquer de moyens. Un riche marchand ? Un noble, peut-être.

Par ici…

La voix était bien plus nette et forte dans la tête de Mikazuki, à présent. Comme si elle était toute proche.

Ici. Suis les fleurs.

Elle chercha un moment dans la cour, avant de tomber sur un coin discret et fleuri. Derrière ces fleurs et en regardant attentivement, elle trouva un petit chemin. En prenant soin de ne pas abîmer ces belles fleurs, il emprunta ce chemin. Tout du long, elle en croisa de différentes sortes : des camélias, des myosotis, des anémones blanches, des azalées et bien d’autres encore. Bien vite, elle s’enfonça dans un petit bois et le domaine qu’elle venait de quitter avait disparu derrière les arbres.

Elle le sentait. Elle touchait bientôt au but. Elle allait enfin savoir. Elle allait découvrir à qui appartenait cette voix. Et peut-être savoir pourquoi elle l’entendait continuellement dans ses songes…

Après cette marche, Mikazuki tomba sur un petit jardin rempli de gekka bijin, plus communément appelées « fleurs de lune » en Pendragon. Elle n’en avait qu’une fois, quand sa mère était encore de ce monde, et elle les avait trouvés magnifique… Elles portaient bien leur nom…

Au milieu de ce beau jardin, assise sur un banc et contemplant cette belle lune, Mikazuki dit une femme, toute de blanc vêtu. Mais ses vêtements n’étaient pas les seules choses blanches. Sa peau et ses cheveux l’étaient aussi. Une telle pâleur lui fit penser à un fantôme et une inquiétude germa en elle.

-Tu es enfin là.

Cette voix… C’était la voix qu’elle avait entendu tout ce temps !

-Approche, voyons. Je ne vais pas te manger.

Si son allure paraissait inquiétante, sa voix, à entendre, avait quelque chose de rassurant. Si elle hésitait au début, en l’entendant, Mikazuki se décida à s’approcher, sans peur.

-Je t’en prie. Assieds-toi.

La femme lui désigna la place à côté d’elle et la jeune fille prit place. Lorsqu’elle put enfin mettre un visage sur cette voix, elle parut… choquée. Ces yeux, ce nez, cette bouche… En tout point, ce visage était celui… de sa mère défunte !

-Mère ? fit-elle en tendant lentement la main vers ce visage.

La femme lui sourit et prit cette dernière. Elle secoua doucement la tête et lui dit, quelque peu attristée :

-Pardon, Mikazuki. Mais je ne suis point ta mère. Je ne fais que lui ressembler.

Mikazuki s’en doutait bien mais une petite part d’elle avait espéré le contraire. Une larme coula le long de sa joue, que la femme s’empressa aussitôt d’essuyer aussi affectueusement que le ferait une mère…

-Je suis heureuse, dit-elle. Nous nous rencontrons enfin. Nous nous parlons enfin de vive voix.

-Vous… m’attendiez ?

-Oui. Je t’ai attendu, Mikazuki. Toute ma vie.

La jeune fille regarda autour d’elle, puis demanda :

-Est-ce que… je rêve ?

La femme lui sourit affectueusement.

-Le penses-tu ?

-Quel est cet endroit ?

-Hm. Une question simple, mais une réponse difficile…

Elle n’ajouta rien d’autre. Mikazuki avait encore bien d’autres questions, mais l’une d’elles paraissait importante :

-Qui êtes-vous ?

Tout en continuant à sourire, la femme détourna les yeux de Mikazuki et contempla de nouveau la Lune.

-Je suis toi, et tu es moi.

-Hein ?

La femme ne lui accorda toujours pas un regard et lui dit :

-Mon nom est [   ].

Quelque chose n’allait pas. Mikazuki était sur le point d’entendre le nom de cette femme, mais à la place, il y eut une sorte de silence. Un blanc dans ses paroles. Confuse, elle lui demanda de répéter. La femme remuait les lèvres mais pas un son ne sortait.

Tout autour d’elles commençait subitement à s’évanouir.

Mikazuki, par une force inconnue, fut tiré loin de la femme.

-Attends !

J’ai encore

tellement

de choses

à te demander !

 le jardin avait disparu

  la femme continuait de sourire.

Mikazuki tombait, à présent.

Tout avait disparu.

L’espace blanc régnait de nouveau.

Peu à peu, la femme                         hors de vue

Non ! Mikazuki

savoir

à tout prix !

Je vous en prie…

JE VOUS EN PRIE !

-Mikazuki !

Une voix familière et une secousse après, elle ouvrit subitement les yeux, le souffle court et les larmes aux yeux. Elle se redressa d’un coup et regarda autour d’elle, affolée. Elle vit ensuite, couchés sur leur paillasse, Celer et Zimmer, endormis. Il lui fallut un instant avant de se rappeler qu’elle campait à l’orée d’un bois avec eux et...

-Mikazuki !

Elle sentit alors une main se poser sur son épaule et sursauta. Par réflexe, elle envoya son poing vers le propriétaire, qui n’eut aucun mal à l’arrêter. Ryô, impassible, la fixait. Elle se rendit alors compte de ce qu’elle venait de faire.

-Pardon ! s’écria-t-elle en ramenant son poing contre elle. Pardon ! Je… Je…

-Tu faisais un cauchemar, lui dit Ryô. Tu t’es mise à crier pendant ton sommeil.

-Pardon…

Elle fixa le sol sans dire un mot de plus. Elle l’avait enfin vu ! L’origine de la voix dans ses rêves ! Finalement ! Et tout ça pour ne pas savoir qui était cette femme et pourquoi elle lui parlait dans ses rêves…

-Il faut te rendormir, lui dit Ryô. L’aube est encore loin.

-Ah… oui.

Elle se souvint. Ils étaient en mission, tous les quatre. Ils avaient fait halte ici pour la nuit.

Alors qu’elle était sur le point de se coucher à nouveau, elle regarda Ryô puis lui demanda :

-Ryô… Est-ce que… je peux dormir à côté de toi ?

-Quoi ? Tu n’es plus une enfant !

-S’il te plaît…

Mikazuki savait que son attitude à cet instant était un brin puéril mais elle n’y pouvait rien : elle avait la sensation qu’elle aurait du mal à s’endormir. Elle ne le faisait pas exprès mais son visage affichait une mine de chien battu.

-D’accord, soupira Ryô.

-Vraiment ?

-Dépêche-toi avant que je ne change d’avis !

Sans se faire prier, la jeune fille vint se blottir contre lui, assis ensemble devant le feu. Cela lui rappelait des souvenirs, quand ils dormaient ensemble il y a quelques années. Elle ne put réprimer un sourire, avant de fermer les yeux et de bien vite s’endormir.

Le reste de sa nuit se fit sans rêves. Mais au moins, elle eut le repos qui lui serait nécessaire.

Tu y es presque, Mikazuki.

Il ne manque plus que la bonne clé et tu entendras mon nom…

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