PARTIE I - Douzième chapitre

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Elle s'était retrouvée sous les particules de pluie qui pénétrait son sweat pendant qu'elle accélérait le pas. Le temps était morose, il se prêtait à une tempête de neige. La température avoisinait les degrés négatifs et Eglantine se dépêchait, elle voulait être rentrée chez elle avant que sa mère ne s'aperçoive qu'elle avait découché. Edgar avait été son complice lorsqu'elle avait tenté de descendre les escaliers et d'accéder à l'extérieur. Après avoir touché, appuyer, titiller tous les boutons qu'elle avait dans son champs de vision, il lui ouvrit. Il avait l'air bienveillant et lui avait laissé ce sweat qu'elle portait.

Une fois, après s'être changé, elle cacha le sweat sous son lit et croisa à peine sa mère qui rentra du travail. Elle fuit avant qu'elle ne découvrit quelque chose et pris le chemin de l'école. Elle ne comprenait toujours pas comment elle avait pu se retrouver dans cette situation, mais elle avait été prise au dépourvu. Enfin, peut-être pas, c'était juste ce qu'elle souhaitait peut-être ressentir, alors que, finalement elle avait été sans doute rassuré de cette proposition et bien que ça avait été étrange de dormir chez Harry dans sa chambre, elle n'avait pas été mal à l'aise. Elle savait qu'elle devrait lui dire quelque chose aujourd'hui et elle ne savait pas comment elle allait se dépatouiller de cette situation. Juliette l'attendait au coin de la rue et ses yeux ne pétillaient plus, elle sentait le vide en elle et ça la rongeait. Elle ne supportait pas de voir sa meilleure amie dans cet état là et encore moins cause d'un garçon avec qui elle avait passé la nuit. Elle culpabilisait de l'avoir trouvé sympa cinq minutes hier soir avant qu'elle ne tombe dans les bras de Morphée.

_ Hey ! Eglantine, je suis là ! Comment tu vas ? s'écria Juliette.

Elle sortit vite de ses rêveries et demanda à Juliette des nouvelles de Liam. Il y avait quelques jours qu'elle ne l'avait pas vu. Etrangement, elle se rendit compte que c'était bien la première fois qu'elle ne le voyait pas en intervalle de temps aussi long. Elle n'évoqua pas Niall sur le chemin du lycée parce qu'elle se sentait en désaccord entre ses émotions et ce qu'elle pensait. Elle était bien trop perturbée aujourd'hui. Et elle était déstabilisée parce qu'elle ne saisissait pas exactement pourquoi cet état dominait chez elle.
Elles arrivèrent très vite en classe et pour la première fois depuis l'histoire de toute sa scolarité, elle rentra en classe le ventre noué à l'idée de rencontrer de nouveau Harry mais elle n'acceptait pas encore cette justification alors elle traduisit ce mal par le manque de sommeil, comme si elle n'en avait jamais manqué...Harry n'avait pas été si surpris de voir qu'Eglantine était parti au petit matin, Niall non plus. D'après ce dernier, elle était partie en compagnie d'Edgar. Ce dernier élément lui laissa une tendre chaleur submergé sa poitrine, et il n'y fit guère attention et puis se prépara. Il demanda à Niall, l'exactitude des faits de la veille. Comment Eglantine s'était retrouvé dans cette situation même si il en avait une vague idée, tout cela restait fantasmatique. Il avait des suppositions. Un père maltraitant, mal-aimant, des jeunes de son quartier qui la persécutaient... Tout se bousculait dans sa tête mais il savait que c'était de l'ordre d'une souffrance interne lié à la proximité de son domicile.
Mais ça restait des suppositions. Ce dont il était sûr c'était que quelque chose le mettait hors de lui. Il se tourna vers Niall.

_ Alors, pourquoi tu ne m'as pas dit que tu traînais avec Juliette ? Sérieux mec, je pensais qu'on était pote ?

Niall rougit, mal à l'aise.

_ Ouais, je pensais que t'étais un peu au courant tu vois. C'est un peu toi qui m'as donné le tuyau. Tu m'as dit d'en profiter, ce que je fais.

Harry blêmit. Ce qu'il pensait s'avérait en fait tristement vrai.

_ T'as couché avec elle ?

_ Non, Enfin si ça va se faire...

_ Ça va se faire ? C'est-à-dire ?

_ Ben, je pense qu'elle va craquer. On s'entend bien. J'aime bien parler avec elle. Elle est plutôt sympa quoi.

_ Franchement, Niall, te presse pas. Cette fille, ce n'est pas ton vidoir, hein. Respecte-là. Je t'ai dit d'en profiter mais je ne t'ai pas dit d'être un gros connard. Tempère mon pote, tu risques de le regretter sinon.

Niall détailla Harry d'un drôle d'air, comme si il observait avec un peu d'appréhension, d'incompréhension aussi. Il déglutit et déclara.

_ Très bien, si tu le dis.

Harry émit un léger râle, un rictus collé à sa figure.

_ N'écoute pas tout ce que je dis non plus mais écoute ce que je te dis aujourd'hui quand même.

Il lui tapota le dos et ils prirent le chemin du Lycée.

Le cours de Philo avait commencé depuis une heure trente. Les deux ne s'étaient échangé mots. Eglantine se sentait impuissante vis-à-vis de tous ça. Elle-même, Juliette, Harry, Niall, sa vie. Elle avait clairement l'impression que tout lui échappait depuis bien longtemps mais aujourd'hui ce sentiment se renforçait réellement, parce qu'elle était sans cesse dans ce courant qui l'emportait et la projetait contre les aléas de la vie, à chaque fois, elle percutait la douleur, la souffrance et cette fois-ci c'était encore différent mais ça la perturbait d'autant plus parce que ce à quoi elle se cognait n'était pas identifiable. Elle connaissait la désillusion, le mensonge, le racisme, le mal-être, les vertiges, le manque mais ça, ça, c'était tout nouveau. Ça la piquait de partout, elle avait l'impression qu'on pinçait à répétition son cœur et elle avait ce nœud étrange à l'estomac en même temps que ces bourdonnements incessants au niveau du bas ventre. Et elle ne comprenait rien à rien. Elle était fatiguée et ce qu'elle souhaitait là tout de suite, c'est que ses émotions lui foutent la paix. Elle souhaitait juste pouvoir dormir longtemps, sans se poser des milliards de questions. Elle désirait pouvoir rentrer dans un endroit qu'elle pourrait qualifier comme « chez elle » sans être effrayer. Elle voulait ne plus sentir les effets du manque de drogue dans son organisme, et ce qui ne la quittait jamais ; ce poids qui ressemblait davantage à quelque chose d'enraciner à son cœur et qu'elle tirait en vain, le lui broyant en passant. Elle espérait secrètement que tout ça disparaisse pour de bon. Seulement, là, à côté d'Harry, ce qu'elle ressentait était nouveau, et comme elle était habitué à éprouver des émotions similaires à la souffrance. Elle décréta, sa tête et son cœur lui décrétèrent qu'il n'était pas bon de porter ce tout nouveau sentiment. Alors, elle fît quelque chose qu'elle essayait sans arrêt de faire, elle fît taire ce qu'elle ressentait à cet instant à proximité d'Harry.

Elle n'avait plus envie de le connaître, ni de lui parler, elle voulait juste s'étaler sur sa table et ne plus penser à rien. Églantine se fourvoyait. Son âme était tellement obscurcit par tout le mal qui la hantait qu'elle n'avait pas perçu l'émotion qui était en fait une lumière à la noirceur, un remède à la maladie qui l'empoisonnait. Elle avait juste ignoré cela, parce qu'elle avait peur de l'inconnu, parce qu'elle avait peur du monde, elle était terrifié par la vie, puisque pour elle, celle-ci n'était que malheur et affliction. Après tout, La mesure du mal être est de souffrir sans mesure, était l'antithèse de Bernard de Clairvaux et elle était attachée à ça. Elle n'avait connu que ce qu'elle vivait et elle se confortait d'avoir mal de façon raisonnable. Eglantine se rassurait encore une fois.

De son côté Harry n'était pas serein. Il pouvait voir qu'Églantine était sans défense et totalement épuisée et il se sentit soudainement coupable. Peut-être n'avait-elle pas très bien dormi chez lui. Il savait que sa vie était compliquée du peu qu'il en savait et il ne voulait pas l'empirer. Il souhaitait ardemment l'aider. Enfin c'est ce qu'il en avait conclu, il avait dû se rendre à l'évidence qu'elle suscitait chez lui une curiosité certaine. Mais était-il vraiment bon pour elle ? Était-il réellement en capacité de lui venir en aide? Il n'arrivait pas à répondre à la question mais au vu de son état, la réponse s'approchait davantage du négatif.

D'ailleurs c'était la première fois qu'il n'écoutait que d'une oreille le cours. Clairvaux pouvait attendre. Il lirait ce soir un peu plus, il travaillerait davantage pour son concours de Sciences politique.

Quatre heures avait passé et la fin de la journée montrait le bout de son nez qu'ils n'avaient rien fait tous les deux de la journée. Le pire c'est qu'Eglantine ne voulait pas rentrer chez elle, même si elle souhaitait s'éloigner d'Harry.

A Dix-Sept Heures, elle fonça en direction de la sortie. Elle voulait juste fumer. Elle rejoignit Zain, Liam et Louis au parc. Elle n'attendit même pas Juliette. Elle aurait tellement voulu lui dire que Niall était un crétin et qu'il fallait juste qu'il arrête de se voir, mais même ça, elle n'était plus en capacité de le faire. Elle voulait juste fuir. Mais fuir dans un endroit limité. Fuir dans une prison. Ça ne lui donnait pas beaucoup de perspective. Oui, parce que les autres auraient pu se dire, qu'elle n'avait qu'à partir loin de son domicile, mais pour se retrouver ou ? Elle ne pouvait pas faire ça. Juliette et ses grands-parents la retenaient ici, elles les aimaient sans condition. Même sa mère et son frère. Elles les aimaient tellement, qu'elle en avait mal, elle avait mal qu'ils ne soient pas digne de son amour. Qu'ils ne soient pas aussi fort. C'était ses sentiments complètement contradictoires qui allaient la mener à sa perte. C'était ses montagnes russes, c'était la société. L'injustice de ce monde trop rivés sur le profit, le marché, la réussite au prix fort d'écraser l'autre. L'Humain ne comptait plus, il n'était qu'un pion et ils s'utilisaient entre eux. En tout temps, en tout lieu, en toutes circonstances. Et les personnes comme Églantine avec un potentiel énorme étaient laissées sur le bas-côté. C'était tout et c'était bien comme ça.

Alors elle fumait, elle s'empoisonnait parce qu'elle n'était qu'un parasite pour le monde. Liam se sentait comme elle, elle le savait et c'est pour ça qu'il se comprenait tant, sauf que son tempérament avenant, c'était transformé en haine. Il était en colère contre tout, il avait soif de haine, de vengeance. Ça ne dérangeait pas Églantine, parce qu'elle trouvait ça légitime. Son père s'était barré depuis bien longtemps et sa mère était trop malade pour s'occuper de tous ses frères, il avait pris la relève sauf que parfois son aigreur et le poids trop lourd qui reposait sur ses épaules le faisait fuir. Zain était là sans trop savoir pourquoi. Ça faisait bien longtemps qu'il ne se posait même plus de questions. Il était juste présent en attendant que le temps passe. Louis était celui qui s'en sortirait, parce qu'il avait en sa possession les armes pour. Églantine en était parfois jalouse. Elle aurait aimé être comme lui. Avoir cette aura de confiance en l'avenir. Ce qu'elle pouvait espérer, c'était seulement d'avoir son bac et de partir.

Harry avait vu Eglantine s'enfuir et il n'avait cherché à la retenir. Qu'est-ce qu'il pouvait réellement y faire ? Il avait demandé très subtilement pendant une conversation avec Niall de vérifier si elle ne dormait pas dehors cette nuit. Niall avait froncé les sourcils mais Harry lui avait rétorqué de ne pas lui demander d'explication. Juliette attendait Niall, et il fila pendant qu'il lui lança un dernier regard entendeur à propos de Juliette.

Cela faisait une heure qu'Eglantine était rentrée. Son frère lui avait fait quelques réflexions sur son apparence et sa mère l'avait traité de « merde » parce qu'elle squattait au parc, qu'elle traînait dehors mais ça lui allait... Elle était tranquillement retournée dans sa chambre et elle attendait que sa mère et son frère dorment pour qu'elle puisse faire le mur et fumer un dernier joint sous le platane nu en face de chez elle. Même à -5 degré, elle irait, elle en avait trop besoin. Ce qu'elle fit. Elle sauta du premier étage et sous le sweat que lui avait donné Edgar, elle se dirigea sous le chêne. La première bouffée était la meilleure. Il s'agissait de plusieurs heures de frustration réglée en une bouffée de fumée. Elle ne percevait même plus le froid qui venait frapper son visage. Elle allait presque mieux. Elle n'avait pensé à rien. Elle avait juste trainée dans son 9 mètre carré et elle avait envoyé quelques SMS à Juliette pour s'excuser, puis c'était focalisé sur son plafond et c'était vidé la tête difficilement. Elle s'époumona quand elle aperçut la Range Over sur le côté de son bâtiment. Elle faisait tâche dans le paysage. Les voitures comme celles-ci n'existaient pas ici. Elle fronça les sourcils et s'approcha parce qu'elle avait déjà reconnu la voiture présente. Et cette émotion qu'elle essayait de fuir revenait à la charge. Edgar était au volant. Il baissa sa vitre teinté et Eglantine était fâchée.

_ Que faîtes-vous là ? Vous m'espionnez ?

_ Non, je vérifie que vous ne faîtes pas n'importe quoi, ce que vous faîtes Mademoiselle Wallace.

_ Vous n'êtes pas mon père à ce que je sache ?

_ Je sais, et je m'en passerai bien, seulement j'ai des ordres Mademoiselle Wallace. Savez-vous que le Cannabis est nocif est interdit par la loi dans notre pays ? Je pourrais aller voir vos parents ou bien la police.

Eglantine était tiraillée entre l'envie de tuer cet homme et la peur qui se logeait dans sa tête. Et l'état d'urgence de la situation fit qu'Eglantine abandonna l'idée de tuer ce pauvre homme et son intégrité, pour ce qui lui en restait.

_ Ne faîtes pas ça.

_ Je ne le ferai pas, j'ai des ordres comme je vous l'ai dit.

Eglantine s'alarma. C'était puissant, et son cœur se remplit d'amertume.

_ C'est Harry ? Qu'est-ce qu'il veut ? C'est son Sweet Shirt ? Je peux lui le rendre, je n'avais pas l'intention de le garder pour toujours.

Elle commença à l'enlever, complètement folle de rage.

_ Non, Mademoiselle Wallace, ne faîtes pas ça, vous allez attraper froid et calmez-vous, vous allez réveiller tout le quartier.  Vous savez tous les deux que ce n'est pas ce qu'on veut.

Elle se tempéra. Harry la rendait complètement dingue. Qu'est ce qu'il lui voulait ? Elle avait soudainement peur de qui il pouvait être. Elle pouvait lire la peur qu'elle renvoyait à Edgar dans ses prunelles.

_ Harry m'a donné l'ordre de te donner ça, si tu te montrais. Donc tiens prends donc ça.

Il lui donna un sac plastique et elle regarda Edgar de manière dubitative. Elle ne savait pas réellement ce que tout cela signifiait mais elle était extrêmement confuse.

_ Je suis censée en faire quoi ?

_ Je ne sais pas. Je n'ai pas été autorisée à regarder ce qu'il y avait dedans. Je vais partir maintenant Mademoiselle Wallace. Allez dormir. Harry vous en dira plus que moi demain.

Il avait simplement remonté sa vitre teintée et était juste reparti comme le vent glacial s'était levé. Elle en eut la chair de poule ne sachant pas s'il s'agissait réellement de l'effet du froid.

Lorsqu'elle ouvra le sac en question, une fois rentrée dans sa chambre toute retournée. Elle trouva une trousse de secours. Il y avait une pommade de cicatrisation, des pansements, des bandages, des médicaments contre la douleur. Comme si elle n'avait pas ça déjà chez elle. C'est vrai qu'elle n'avait jamais été cherchée quoi que ce soit après s'être mutilé et elle ne comprenait pas le geste d'Harry si ce n'est qu'il montrait qu'il était réellement au courant de ce qu'elle se faisait. Il y avait une liste aussi assez exhaustive de numéros. Le sien en tête, mais aussi des pompiers, des docteurs, des urgences, de la police, des numéros verts. Puis son portable bipa.

« « Il n'y a pas de mal à être né dans une basse-cour lorsqu'on sort d'un œuf de cygne. » C'est ce qu'on nous a dit ce matin en philo pendant que tu dormais. Soigne-toi s'il te plaît »

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