2.10 Horreur et Désespoir

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ATTENTION DEUX CHAPITRES contenant des scènes de tortures.

Résumé en fin du deuxième chapitre.

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Mon écran est divisé en quatre. Je vois la pièce secrète, l'écran des constantes, le visage d'un homme, son entrejambe en gros plan. L'homme est attaché nu sur la table d'opération, entravé. Il porte des marques de coups sur le corps. Ses constantes sont surveillées. La femme médecin débite un jargon médical sur l'état de santé de l'homme.

Il est très jeune, la vingtaine maximum. L'homme est inquiet et demande pour qu'on le détache. Je vois la peur dans ses yeux. Il regarde la salle avec effroi. Il promet à Cassandra de ne plus chercher à s'enfuir, qu'il va être un bon reproducteur maintenant. Cassandra éteint sa cigarette sur le poignet du reproducteur qui vocifère. Je vois la fumée sur l'écran général.

— Ça, c'est pour ta fuite.

Le jeune homme demande pardon à Cassandra et l'implore de le pardonner. Elle le frappe avec un fouet. L'homme pousse des hurlements de douleur.

— Ça, c'est pour avoir refusé de me faire l'amour. Maintenant, tu vas jouir par douleur. JOUIS, crie Cassandra.

— JOUIS !

— JOUIS !

Cassandra le frappe encore. Et encore. L'homme vocifère de souffrance. Je vois ses traits se tordre de douleur. Son ventre et ses jambes sont lacérés sous les coups de fouets. Il est écorché et saigne à plusieurs endroits.

Cassandra éteint une nouvelle cigarette sur le ventre du jeune homme, lui brûlant quelques poils. La marque ronde, comme sur son poignet est visible et est rouge écarlate. Les écrans de contrôle deviennent rouges et se mettent à biper furieusement. Le garçon reprend son souffle. Lorsque son cœur et sa respiration chutent dans des valeurs vertes, une nouvelle séance de coups débute.

À de nombreux endroits, sa peau est à vif. Les lacérations ont coupé sa peau sur plusieurs centimètres de profondeur. Le sang suinte et coule le long de la table et sur le sol. Le jeune homme subit trois séries de vingt coups de fouets. Son entrejambe reste inerte. Cassandra s'approche du moniteur. J'entends la femme médecin appeler cela une électrification.

— La douleur ne doit pas être assez forte, déclare la suicidée.

Cassandra annonce le voltage et l'ampérage, puis elle envoie la première décharge. L'homme se met à trembler et halète. Il implore la pitié des deux femmes, tente de se détacher.

— JOUIS ! Une deuxième décharge.

— JOUIS ! Une troisième.

— DIS-MOI COMMENT TU JOUIS.

De plus en plus fortes, les secousses s'enchaînent. À chaque fin de décharge, la femme médecin examine le pénis de l'homme, fait signe non de la tête en direction de Cassandra, qui frappe l'homme et règle une décharge plus forte.

Je suis sous le choc de la violence des images. Le visage de l'homme exprime une douleur si intense. Il hurle, son corps se tord dans tous les sens. Le garçon ne le contrôle plus. Ses yeux se révulsent, exorbités. L'homme s'est ouvert le crâne à force de se cogner contre la table. En se débattant pour essayer d'enlever ses liens avec ses dents, il a réussi à se griffer le visage et saigne abondamment de la joue. Le garçon manque d'air et s'étouffe tellement il crie. Il convulse sans que les femmes ne réagissent. Son corps se tend comme écartelé à chaque décharge.

Je comprends comment Peter a pu se casser le bras en voyant les soubresauts de l'homme. Son cœur s'affole. Sa respiration s'arrête. Il a perdu la voix à force de hurler. Il pleure, implore la pitié des deux femmes, les supplie d'arrêter la douleur ou de le tuer. L'homme tente d'arracher ses entraves et se blesse aux chevilles et aux poignets. La femme médecin essuie le sang qui coule avec froideur.

Il essaye de la mordre et reçoit un nouveau coup de fouet sur le visage. La médecin surveille les constantes, imperturbables. Dès qu'elles redeviennent normales, une nouvelle décharge. L'homme finit par tomber dans les pommes au bout d'une demi-heure. Son cœur a lâché. Il fait une crise cardiaque. La femme médecin lui fait un électrochoc. Par bonheur, le cœur redémarre. Elle vérifie les constantes et déclame d'une voix neutre :

— EXPÉRIENCE UNE Six avril 3503 TERMINÉE. ÉCHEC. SUJET VIVANT.

Le rapport part d'une hypothèse de Cassandra. Si les hommes ont mal lorsqu'ils bandent, la douleur peut stimuler le pénis pour qu'il entre en érection. Un protocole de montée en puissance de douleur avec les séries de fouets et les décharges graduellement plus fortes. Ce protocole est complètement fou et délirant. Cette femme était totalement tarée.

La médecin a accompli les ordres sans émettre d'opinion contraire, sans chercher à dissuader Cassandra de la folie de ses actes. Une impression des constantes du jeune homme, une analyse de ses réactions, froide et sans remords. La médecin conseille le rajout d'entraves aux biceps pour empêcher de se débattre.

Le rapport reporte l'état de récupération post torture. Une ébauche de protocole pour la prochaine expérience avec une nouvelle hypothèse de la folle dingue. La douleur doit être localisée à un endroit précis.

Je me passe la tête sous l'eau et lançant le DVD associé, je prends le second rapport MD75-34-8601-001 : 23 mai 03. EXP02. Même décor. Même homme. Dans un piteux état. Mêmes tortionnaires.

Cette fois, elles placent l'électrode sur l'entrejambe de l'homme et recommencent leurs tortures, lui fouettant puis lui électrocutant le pénis et les testicules. La douleur est encore plus vive. L'homme se mord la langue, manque de s'étouffer en l'avalant. La femme médecin arrête Cassandra.

La peau des testicules est brûlée. Elle transmet mal le courant électrique. Cassandra le frappe de nouveau et relance une décharge. Elle éteint sa cigarette sur l'un des testicules. L'homme tombe dans les pommes. Ce DVD ne dure que quinze minutes. Je vais vomir dans mes toilettes.

Il y a du bruit dehors. Je vois les lumières de la Police et j'entends des cris. Je vais voir ce qui se passe. Une horde de journalistes m'attend dehors. Une policière a parlé. Ils savent que je suis en train de visionner des images de tortures effectuées par la suicidée et Cassandra. Les caméras zooment sur mon visage baigné de larmes. Je ne m'étais pas aperçue que je pleurais avant de croiser mon reflet dans les caméras.

Je m'apprête à rentrer chez moi quand j'aperçois Chen qui tente de passer le barrage policier. Il va finir par se faire taper cet abruti. Je me dirige vers lui, peu importe que les caméras me filment en pleurs. Je fais signe à la policière de le laisser passer.

— Que veux tu ? Qu'est-ce que tu fous là ? Tu n'as pas un chez-toi pour garder le silence en paix ?

Je lui aboie dessus, insouciante de mon image. La violence de ce que j'ai vu doit ressortir. Il tend sa main vers ma joue et essuie les larmes.

— Inéssss ... Je ... Tu ... Ne dois pas voir ça. C'est horrible.

J'entends sa voix pour la première fois. Je suis émue de cela et en même temps tellement en colère du contexte. Je ne retiens pas mes larmes et le regarde droit dans les yeux. Je lui crie dessus.

— Si je le dois. Je suis l'Alpha au cas où tu l'aurais oublié. Je ne peux pas imposer cette abomination à quelqu'un. Je dois voir. Pour punir les coupables en conséquence. Je le dois à ces deux hommes qui se sont donné la mort. Je le dois à ce garçon à l'hôpital. Je te le dois. Pour comprendre pourquoi tu haïs les femmes à ce point. Je n'ai pas le choix. Je dois le faire. C'est mon rôle d'Alpha. Je dois rendre la justice. Je te promets que toutes les personnes impliquées seront sévèrement punies. Je te promets que personne d'autre que moi ne verra ça. Je dois voir ces horreurs. Pour ne pas qu'elles se reproduisent.

Il prend son visage dans mes mains. Chen se rapproche de moi. Il me murmure :

— Inésssss. Non. Tu ne dois pas rester seule.... C'est trop monstrueux. Laisse-moi être avec toi.

Je le repousse et me débats, frappant son torse avec mes poings.

— Pourquoi ? Pourquoi tu resterais ? Tu détestes les femmes. Je commence à peine à comprendre les raisons. Pourquoi tu resterais avec moi ? Je ne veux pas que tu revives ça. Je veux que tu puisses oublier. Que tu puisses guérir.

Je suis en larmes. J'ai élevé la voix tellement je suis nerveuse et malheureuse du peu que j'ai vu. Je m'essuie avec ma manche sans élégance. Chen se rapproche et m'attire contre lui par les hanches. Il me plaque d'une main et tient mon visage de l'autre en déposant des petits baisers sur mes joues. Il me murmure à l'oreille.

— Inès. Je revis ça toutes les nuits. Je ne veux pas que tu fasses les mêmes cauchemars que moi. Je veux rester avec toi. Te soutenir. Inès. Tu m'as sauvé. Tu as sauvé ce garçon. Je... Suis désolé. Je ne pouvais pas parler. Je n'y arrivais pas. Pardonne-moi. Laisse-moi rester. Laisse-moi prendre soin de toi. Parce que je suis ton compagnon. Parce que tu m'aimes. J'ai mis du temps à comprendre. Je sais que tu m'aimes... Je déteste les femmes à cause de ce qu'elles m'ont fait. Mais pas toi. J'ai besoin de toi ... C'est toi qui me feras guérir. Ta douceur, ton petit caractère, ton amour. Je n'ai besoin que de toi pour oublier. Si tu n'as pas le choix et dois voir alors laisse-moi rentrer. Laisse-moi être là pour toi.

Je suis la tête contre sa poitrine, les bras contre son torse et continue de le tambouriner doucement. Je n'arrive pas à arrêter le torrent de larmes que j'ai en moi. Ses mains descendent sur mon corps, une dans mon dos, une sous mes genoux.

Chen me soulève dans ses bras. Je mets mes bras autour de son cou et cache mon visage en sanglotant bruyamment. Chen me manque tellement. Il me porte jusqu'à la maison, claque la porte au nez de la horde de journaliste.

Chen me pose sur le canapé, éteint la TV. Déborah m'appelle. Elle a vu les images. Je lui dis que ça va. Les DVD sont horribles, il est inhumain de ne pas pleurer en voyant les images, je parle tout en continuant de pleurer. C'est la première fois que je n'arrive pas à me contrôler.

Je sais gérer mes émotions d'habitude. Pas cette fois. Chen a vécu ça. D'autres garçons aussi dont Peter. Comment cette salope a pu faire ça ? Comment a-t-elle fait pour ne pas se faire prendre ? Pour que les espionnes ne sachent pas ? Le peu que j'ai vu m'a fait vomir. Que vais-je voir d'autres ?

Chen m'a tellement manqué. Je ne devrais pas m'attacher à lui. C'est dangereux pour nous deux. Les émotions et les questions me submergent, comme une cocotte-minute prête à exploser. Je pleure sans m'arrêter, incapable de me contrôler, de me concentrer.

Je suis sortie du ventre de ce monstre. S'il n'y avait pas eu cette erreur à ma naissance, j'aurais sûrement été élevée par elle. Je serais sûrement un monstre moi aussi. J'ai une moitié d'ADN pourrie. Plusieurs personnes m'ont déjà dit que j'avais son caractère, en pire encore. Et si j'étais un monstre encore plus abject qu'elle ? C'est peut-être pour ça que Chen me repousse. Il perçoit peut-être des similitudes entre elle et moi. Ma tête va exploser avec toutes les questions qui m'assaillent.

Je me lève pour prendre le troisième rapport. Chen m'a fait un chocolat chaud pendant que j'étais au téléphone. Il repousse le carton, me force à me rasseoir et m'enroule dans une couette. J'ai l'impression d'être une simple spectatrice, de ne rien maîtriser.

— Non pas ce soir. Pause.

Chen ferme les volets et éteint la plupart des lumières. Il revient voir si j'ai bu mon chocolat. Je n'ai pas le courage d'avaler quoi que ce soit. Chen me prend dans ses bras et embrasse mes cheveux, mon front. Mon compagnon me caresse le dos et la nuque. Il est incroyablement doux. C'est encore plus difficile pour moi.

J'avale difficilement quelques gorgées. Elles ont un goût salé. Je n'arrive pas à stopper mes larmes. Elles coulent toutes seules en silence. Chen me berce, me soulève de nouveau, emmitouflée dans ma couette. Il me monte dans ma chambre et m'aide à me mettre en pyjama.

Il me couche et s'allonge à mes côtés. Je pleure. Chen me berce et me caresse doucement. Pour la première fois, il me laisse le toucher vraiment et observer ses cicatrices de près, du bout des doigts, les yeux brouillés de larmes.

Ses poignets sont lacérés. Ses biceps portent les marques de ses entraves et la brûlure au point d'électrocution. Il a plusieurs brûlures sur le torse, des marques de fouet aussi. Son cou a plusieurs lignes boursouflées, comme si on l'avait décapité et recousu plusieurs fois. Il a des petites cicatrices au bord des lèvres. On dirait qu'il s'est coupé ou a été tiré par un hameçon qui lui aurait tranché le bord des lèvres sur quelques millimètres.

Je caresse ses lèvres du bout des doigts. Je meurs d'envie de l'embrasser. Je n'ose pas. Je lui touche le visage, les cheveux, redescends ma main vers son torse. Chen tolère mes caresses. Pour une fois, il ne semble pas excédé. Il me regarde avec tristesse et me rend mes caresses en douceur.

Quand je pose mes lèvres sur son torse, il m'embrasse les cheveux. Je ne peux pas parler. Il n'est toujours pas bavard. Je pleure toute la nuit. Chen me caresse toute la nuit. Je m'endors en larmes, allongée sur lui et inondant son torse. Je me réveille dans la même position. Chen n'a pas bougé.

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