2.8 Colère

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Ce chapitre contient une scène "choquante" qui sera mise entre ***

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Je me suis disputée avec Chen hier soir. Depuis le câlin de la mer, il ne me montre plus aucune marque d'affection. Je fais tout pour le rendre heureux pourtant. Chen reste froid et distant. Il continue de refuser de parler aux femmes et supporte toujours aussi mal mes démonstrations d'affection. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il a vécu et pourquoi la haine des femmes est si fortement ancrée en lui.

Alors que je me blottissais contre lui pour regarder la télévision, il s'est éloigné, ayant passé une mauvaise journée, comme cela arrive de plus en plus souvent. Le peu de rapprochement et de complicité que nous avons eu au début s'amenuise de jour en jour sans que je ne parvienne à trouver ce qui cloche. Je pense que ce que je lui demandais n'était pas grand-chose. Ne parvenant pas à comprendre pourquoi il est autant en colère, et blessée de voir que mes efforts ne servent à rien, je me suis énervée et lui ai crié dessus.

Je lui ai rappelé sa condition d'avant, ce que j'ai fait pour lui et comment il est traité aujourd'hui. J'ai évoqué Bruce et sa nouvelle vie, citant mes actions envers la population, mes améliorations de la condition masculine et reprenant ce que j'ai l'intention de faire bientôt.

Reconnaissant que je tenais à lui et que son attitude me blessait profondément, j'ai demandé à Chen pourquoi il refusait mon affection et ne voulait même pas être ami avec moi, même pas me parler. Bruce a essayé de me calmer. Je me suis disputée avec Bruce, lui demandant s'il savait lui. J'étais furieuse. Les deux garçons en ont pris pour leur grade.

J'ai repoussé Bruce tentant de me prendre dans ses bras. Chen restait en colère et ne présentait aucune marque de culpabilité. Cela m'a mise hors de moi. Puisqu'il ne voulait pas de moi et haïssait les femmes à ce point, il n'avait qu'à se débrouiller tout seul. Je lui ai dit qu'il avait jusqu'à la fin de la semaine pour faire ses valises, il aura un petit appartement en ville et se trouvera un boulot pour me payer un loyer, comme une Lambda.

Je ne subviendrai plus à ses besoins et débloque ses autorisations. Il est libre d'aller où bon lui semble dans mon État. Je ne veux plus le voir. Il n'est plus mon compagnon, mais un de mes protégés, comme Bruce. Je suis partie me coucher en claquant ma porte et hurlant à Bruce de me laisser tranquille. J'ai enragé toute la nuit. Je me suis obligée à faire des pompes et des abdos pour me calmer.

Au matin, je pars sans déjeuner. J'envoie l'adresse et la localisation de l'appartement à Chen avec le code d'accès, sans un mot. Je lui ai choisi un petit studio meublé confortable de quatre-vingt mètres carrés avec une belle chambre et un bureau que j'ai transformé en chambre d'amis. Un salon moderne avec un beau canapé de cuir marron, une télévision grand écran et une cuisine américaine équipée dans les tons rouges et noirs, pourvue des appareils ménagers nécessaires. Un balcon offre une vue sur la ville et son parc botanique.

Lorsque je rentre tard du soir, Chen n'est plus là, ayant pris ses affaires, les meubles de sa chambre et sa voiture. Bruce veut me parler. Je lui dis de se taire, sinon lui aussi, je le mets à la porte. Je n'ai envie de parler à personne et surtout pas à un mâle. Je retourne au lit sans manger. Je reste énervée toute la nuit de nouveau.

Je fulmine depuis un mois, Imbuvable avec mes collaboratrices, je perds le goût de me battre. Tant pis si dans trois mois, je me fais débouter par les autres Alphas. Je ne vise pas la Suprématie, mais la destruction des délatrices et tortionnaires. Je n'ai plus goût à rien.

De toute façon, je devais mettre Chen à la porte, pour sa sécurité. Il faut que tout le monde croit que je ne tiens pas à lui, que je suis fâchée à mort. Il l'ignore, cependant des délatrices ont tenté de le kidnapper. Je les ai tuées d'une balle dans la tête pendant qu'elles se planquaient sur son chemin de footing quotidien, tirant en même temps que l'arrivée d'un camion de pompier toutes sirènes hurlantes pour dissimuler le bruit de la détonation.

Je râle et dis des paroles laissant croire que je préférerais voir Chen dans un caniveau plutôt que de reprendre contact avec lui ou l'aider en quoique ce soit. En réalité, il me manque et son absence de sentiment à mon égard me blesse. Même Bruce évite d'évoquer le sujet. Je refuse toutes les tentatives de câlins ou de gestes amicaux de mon ami au si grand sourire.

Je suis infecte avec tout le monde, montrant des similitudes de caractère avec ma génitrice. J'ai décidé de repousser et dégoûter tout ceux qui tiennent à moi de près ou de loin. Ainsi, le jour où je me suiciderais après avoir buté les pétasses, personne ne me regrettera. Étrangement, cette attitude m'attire la sympathie de ma grand-mère qui m'envoie des messages d'encouragements via mon ex instructrice de combat.

Ce soir, j'ai réunion avec Suprême Déborah et l'ensemble de mes Deltas et conseillères, une sorte de Conseil d'État filmé et retransmis à la télévision. Un truc bien chiant et obligatoire qui me donne envie de me pendre. Nous débattons de la situation critique de l'Etat 34. Je croise mon image sur un écran de contrôle et constate ma mine affreuse. Il faudra qu'un jour j'apprenne vraiment à me maquiller.

De grandes cernes dessinent des ombres sous mes yeux. J'ai surtout la tête de quelqu'un prêt à mordre. J'aboie sur quiconque qui me déplait. Déborah s'inquiète lorsque j'accuse la charge de travail qui me fatigue. Au moment d'évoquer mon discours de changement de cap et de respect mutuel, ma voix est morne et sans conviction. Je récite mon texte en lisant mes notes, sans motivation et sans flamme.

Depuis tout à l'heure, je vois une Delta rester tranquille dans son coin. C'est la seule qui n'a pas pris la parole encore. Elle semble en pleine réflexion, en plein drame intérieur. Je décide d'aller la faire parler. Je veux savoir si c'est une ennemie ou une alliée potentielle. Quelque chose m'alerte, me disant que je dois l'inciter à ouvrir la bouche. Sa tête ne me revient pas.

La femme se présente. C'est un médecin. Elle est vraiment mal à l'aise, prête à pleurer toutefois ce n'est pas mon discours ennuyeux, une chose la tracasse. Je fais ma gentille, elle me cache un truc. Je dois savoir et finirait par la faire craquer. Je l'interroge donc malgré la table qui nous sépare afin de la pousser à bout. Elle éclate en sanglots qui me paraissent sincères.

— Il faut que je parle. À vous et Suprême Déborah. Je dois vous avouer un crime que j'ai commis. Je travaille dans la recherche. J'étais sous les ordres d'Alpha Cassandra. On cherchait une solution pour relancer la natalité... Vous avez raison, les reproducteurs ne méritent pas la façon dont on les traite. Cassandra m'a obligée à faire des choses horribles. J'ai torturé ses reproducteurs. C'est à cause de moi qu'ils se sont suicidés. J'ai torturé votre reproducteur, dit-elle en me regardant. Elle repart en sanglots, puis se calme.

— Je suis désolée. Je vous demande pardon. Je voudrais tellement revenir en arrière. Dites-lui que je regrette. Ce n'est plus possible. Je ne mérite pas de vivre. Je ne peux plus vivre avec cette culpabilité. Je suis un monstre. Pardon.

— APPELEZ LES SECOURS. GROUILLEZ-VOUS. ÉTEIGNIEZ LES CAMERAS!

************************* Début de la scène choquante*******************

Je hurle en sautant au-dessus de la table, ayant compris ce que la femme s'apprête à faire. Elle se tranche la gorge devant nous avec un scalpel. Le sang gicle et éclabousse les gens autour. Je tente d'arrêter l'hémorragie. Elle a coupé au bon endroit, une carotide. Une Delta médecin présente arrive pour m'aider. Toutes les deux, on fait notre possible. J'entends des femmes crier sous le choc de la scène. Je n'ai pas le temps de m'en occuper. J'essaye de sauver la vie de la femme.

Déborah fait sortir les autres femmes dans une autre pièce. Elle s'occupe de nous laisser de l'espace et de gérer les crises de nerfs. Mon amie avocate l'aide de son mieux. Elle colle quelques claques pour faire réagir et bouger les personnes qui ne doivent pas assister à ce spectacle macabre. J'irai les voir plus tard. Je dois à tout prix sauver la femme. Je refuse qu'elle meure, une vie est trop importante, peu importe ce qu'elle a fait. La médecin et moi tentons l'impossible.

Quand les autres femmes sont toutes sorties, la médecin me tape sur le bras pour me stopper. C'est trop tard. La femme est morte en quelques minutes. Nous n'avons rien pu faire. Les secours arrivent pour constater le décès. La blessure était trop profonde et trop bien localisée pour que qui que ce soit puisse endiguer le flot de sang.

La femme gît dans une mare. La Delta médecin et moi sommes couvertes des pieds à la tête. Les secours prennent en charge la médecin en état de choc. Je les envoie s'occuper des autres femmes. Mon pantalon est sombre, je retire mon chemisier blanc et enfile ma veste noire directement sur la peau. Je nettoie mes mains et mon visage avec une bouteille d'eau et des serviettes du mieux que je peux.

************************** Fin : la femme s'est suicidée sous les yeux des autres sans que personne n'ai pu faire quelque chose. Elle est morte dans les bras d'Inès*************

Je rejoins les autres femmes après l'annonce de l'heure de la mort. Cette fois, les pleurs dans la salle ne sont pas de joie. Elles sont toutes en état de choc. D'une voix douce, je les incite à se calmer. D'un minuscule signe de tête, je signifie à Déborah l'issue fatale.

Je me montre amicale avec celles qui sont le plus secouées, les guidant doucement vers un fauteuil. Ma secrétaire, qui était dans mon bureau, fait installer plusieurs petites salles de repos avec rafraîchissements et collabore avec les secours pour la création d'une cellule de soutien émotionnel.

Unes à une, en commençant par moi et celles qui sont le moins choquées, les témoignages sont recueillis. Dès que les femmes en ont fini avec les policières, je leur demande d'aller parler avec l'un des responsables de la cellule fraîchement créée et de rentrer chez elles se reposer.

J'écourte la conférence de presse, demandant aux journalistes de supprimer les images trop violentes pour ne pas choquer l'opinion publique. Trois heures plus tard, toutes les femmes sont rentrées sauf moi.

La pression sociale retombant, je suis une zombie, incapable de réagir. Qu'a donc fait cette femme de si terrible au point de vouloir se donner la mort ? Qu'a donc subi Chen qui le rend si agressif ? Une femme s'est donnée la mort sous mes yeux. Elle est morte dans mes bras. Cassandra n'a parlé de cela nulle part, ni dans son ordinateur officiel ni dans le secret. Les questions se bousculent dans ma tête prête à exploser.

Je me change et enlève le maximum de sang collé à ma peau avec mon mouchoir en me lavant dans le lavabo. Je rentre enfin chez moi, il faut que je parte d'ici avant de devenir folle. Je prends le premier taxi dont heureusement le chauffeur n'a pas entendu l'allocution et ne sait pas qui je suis.

Je souffle et tente de reprendre mon calme au fur et à mesure que j'approche de mon domicile. Arrivée, je paye et en courant, j'ouvre la porte de ma maison et me dirige vers la salle de bains. Je vois Chen venu rendre visite à Bruce. Je croise ses yeux. La télévision est allumée. Il sait ce qui s'est passé. Je lui murmure :

— Chen ? Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Qui est cette femme ? Pourquoi s'est-elle suicidée ? Je t'en supplie, parle-moi.

Chen se rapproche en baissant les yeux et reste silencieux. Il me tend un mouchoir pour essuyer ce que je pense être une trace de sang oubliée. Je le repousse avec violence. J'en ai assez de son silence.

— PARLE-MOI OU VA T'EN.

Chen hésite, ouvre la bouche, puis, la referme et part en courant. Je frappe le mur avec violence et me blesse méchamment au poing. J'ai envie de casser ma maison. Je ne comprends pas pourquoi ce silence. Je hais cette femme sans savoir ce qu'elle a fait.

J'en veux à Chen de ne pas me faire confiance. Les larmes se mettent à couler sans que je ne les retienne et je m'agenouille au sol en plein milieu du couloir. Pourquoi le sort s'acharne contre moi ? Pourquoi ma vie est aussi compliquée? Bruce se rapproche pour tenter de me relever et je le repousse violemment aussi, lui interdisant de me toucher. Je me lève alors et vais soigner mon poing dans la salle de bains puis je regagne ma chambre pour effectuer des abdos durant la nuit blanche.

Le lendemain matin, j'ai mis Bruce aussi à la porte. Cela a été moins brutal avec lui. Je lui ai donné un bel appartement. Il va mettre une semaine à tout emmener. Bruce m'a serré dans ses bras, il m'envoie des messages vingt fois par jour. Il a nettoyé le mur de l'entrée sans que je lui demande.

Je lui donne assez sèchement les directives pour le jardin par message, lui demandant de passer quand je ne suis pas là et de récupérer Croquette le chat. Je ne veux plus voir un seul garçon même un félin. Je ne supporte plus les compagnons de mes amies. Je ne veux voir personne chez moi et même en journée, j'évite au maximum les gens quand je le peux, ce qui est très difficile pour une personne publique comme moi. Je travaille de l'aube au milieu de la nuit depuis deux jours, pour ne pas rentrer chez moi et avoir la tête occupée.

Ce matin, je me dirige vers le domicile de la femme suicidée pour le fouiller. Les policiers n'ont rien trouvé. J'espère que mon œil d'espionne permettra de voir des indices ou des cachettes et de comprendre les derniers événements. Il y a de nombreuses journalistes. Elles veulent savoir. Je les éloigne et ne réponds pas à leurs questions.

Quelque chose cloche dans cette maison jadis splendide. Elle semble bien plus grande vue de dehors. Je fais plusieurs fois le tour et envoie une photo à mes amies architectes qui confirment. Le mur ouest n'a que deux vitres très éloignées. Les deux-pièces intérieures correspondant aux vitres sont toutes petites. Il y a une pièce entre elles, j'en suis sûre.

Je ne trouve pas l'entrée. Je ne suis pas patiente. Déjà d'habitude, ce n'est pas mon fort. Là avec la fatigue et la dispute avec Chen, je suis un bouledogue pressé. Il y a un chantier de construction à côté. Je songe à un moyen rapide de satisfaire ma curiosité et de vider ma colère. Je fonce là bas et emprunte une masse aux ouvrières.

Les journalistes sont entrées dans le jardin et tentent de me filmer à travers une fenêtre. Les policières veillent au grain. Je défonce le mur intérieur d'une des petites pièces. Quelque part, ça me soulage. Exploser ce mur avec rage comme si c'était la tête de Cassandra ou de ma grand-mère. Mon déchaînement de colère et de frustration fait un trou de près d'un mètre de diamètre dans le mur.

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