Le jeu du mouchard

3 minutes de lecture

Comment capturer un criminel ?

Figurez-vous que j'ai appris ! En deux cents ans, bien obligé.

J'ai commencé mes classes sous la Révolution, le soleil de Toulon et les fouets du bagne.

Né en prison, moi, je suis.

Une vieille âme, maintenant.

On a rarement réussi à me berner.

J'étais un inspecteur de police, respecté et reconnu, sinon apprécié et aimé.

Aujourd'hui, je suis vieux et fatigué.

Mais je ne suis pas un jobard !

Je suis un cogne ! Un flic ! Un mouchard !

Et putain pour celui qui l'a oublié !

Comment capturer un criminel ?

J'ai appris des plus grands : Bertrand et son Premier Bureau sous Fouché, Vidocq et sa Sûreté jusqu'en 1830, Canler et Allard ensuite.

Inspecteur de police !

Fier de l'être !

Je me suis tué parce que j'avais compris trop tard que la Loi pouvait faire des erreurs.

Peut-être puis-je me rattraper ?

Si...si j'arrive à faire quelque chose de moi ?

EN PISTE LE COGNE !

REFLECHIS !

Un agent d'entretien ? Une femme qui entre dans les locaux et qui tue ? Une femme qui n'hésite pas à torturer ? Des enfants innocents ? Des personnes venues d'autres pays avec d'autres cultures et d'autres origines ?

Je suis gitan, moi.

Je l'ai oublié si longtemps.

Elle m'aurait tué aussi ?

" Ghost ! Tu es sûr de toi ?, demanda Fatou Traoré en regardant nerveusement son collègue fantomatique. Les services techniques n'ont rien trouvé sur le Glock 18 pour...

- La technologie !, renifla l'inspecteur en frottant ses favoris. Vous ne croyez qu'en ça, les jeunes ! Comment faisions-nous avant ?

- Vous frappiez les prévenus pour les faire parler ?"

Le policier eut son sourire laid et approuva du chef.

" M. Bertrand, secrétaire aux Affaires politiques, écrasait les doigts des prévenus avec les chiens des fusils. Je l'ai fait, oui.

- Je préfère la technologie et les preuves tangibles aux aveux spontanés.

- Oui, la gamine. Mais tout ne se résolvait pas avec de la torture. Même de mon temps.

- Alors, que fait-on ici ?"

Un agent d'entretien ? Une femme qui déteste les étrangers et a assassiné M. Simonnet et M. Jondrette. Capable de tuer des jeunes pour cacher son identité ? Capable d'utiliser un Glock 18 sans problème ? Vraiment ?

Une femme capable de changer d'identité et d'avoir assez de sang-froid pour installer des explosifs, préparer ses crimes et filmer le tout ! Envoyer les vidéos et attendre les réactions. Capable d'envoyer des fleurs sans en éprouver de remords ? Vraiment ?

Un cogne pense en cogne.

Et j'ai pensé.

Car je suis un cogne ! Un inspecteur de police de Première Classe !

Je suis un mouchard ! J'ai infiltré des groupements révolutionnaires, des clubs de jacobins, interdits, et j'ai réussi à démanteler des réseaux de républicains.

Alors, il suffit de jouer le jeu du mouchard.

Une fois de plus...

Tout est une affaire d'observation et de surveillance.

" Merde Ghost ! Comment as-tu su ?, demanda Fatou Traoré.

- Qui a travaillé à la préfecture le soir de la mort de la môme ?

- Nous avons déjà vérifié et nous n'avons pas trouvé.

- Nous cherchons un fantôme. Une personne capable de se fondre dans la masse.

- Tu l'as trouvé ?!

- Recouper et vérifier. Envoyer des mails. J'ai besoin de toi pour interroger. Je ne suis pas vivant.

- Mais Ghost..."

Je suis quelqu'un de fort, de brave, de courageux, d'honnête, de dévoué, d'implacable, de sûr...

" Bonjour madame, fit doucement Fatou Traoré, lorsque la porte de l'appartement minable de cet HLM s'ouvrit.

- Bonjour, répondit la femme, bienveillante et souriante.

- Figurez-vous que nous pensons que votre fils a acheté plusieurs drônes et...

- Des drônes ? Vincent ? C'est possible. Il ne me dit pas tout."

Souriante, gentille, la femme demanda à Fatou Traoré de patienter alors qu'elle allait interroger son paresseux de fils.

Je suis quelqu'un de fort, de brave, de courageux, d'honnête, de dévoué, d'implacable, de sûr...

Et de con...

La porte s'ouvrit à la volée et le canon de l'arme apparut.

Plus de sourire mais un visage haineux. Horrible et effrayant.

Sans laisser le temps à la policière de parler, la femme tira, quasiment à bout portant.

Fatou Traoré s'effondra.

Le jeu du mouchard, je connais.

La haine aussi.

Nul n'en réchappera vivant !

CROYEZ-MOI !

J'AI DEUX CENTS ANS DE HAINE DERRIERE MOI !

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