Arrêt sur image

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L'inspecteur avait disparu.

Il n'y avait plus de vents et de frissons, plus de musique et de danse.

Il y avait deux officiers de police silencieux et concentrés sur leur tâche.

Il y avait l'été qui s'était transformé en hiver.

Il y avait le lieutenant Lyster qui se rongeait les ongles et ne savait pas comment réparer les choses.

Les témoins parlaient et l'étau se refermait.

Jondrette disparut et on se posa des questions sur la société "Come to France".

Le revendeur d'armes avait des cousins et quelques-uns furent assassinés.

Par un Glock 18.

Celui qui fit livrer les fleurs au lieutenant Lyster ne fut jamais retrouvé.

Mais la police se montra efficace.

On ne retrouva pas celui qui avait fait livrer les fleurs mais on trouva son adresse.

Et à son domicile, une collection de vidéos fit frémir les officiers assermentés.

Accident, torture, meurtre, déraillement, incendie, viol, attentat...

Vidéos réelles ou fictives ?

On ne se posa plus la question quand on reconnut les visages des victimes du carambolage sur l'autoroute. M. et Mme Liu.

Ils parlaient à la caméra et se tenaient la main en souriant, effrayés mais confiants.

" A notre fils, si ces mots lui parviennent, faites-lui savoir que nous sommes morts ensemble..."

Shen Zhun n'arriva pas à parler, il pleurait devant la caméra et bégayait simplement :

" Pitié, pitié, pitié..."

Enfin, deux enfants apparurent, deux petits garçons de couleur. Noirs.

Ils hurlèrent longtemps avant de se taire enfin, définitivement.

Le noir se teintait de rouge.

Lyster se posta dans les Archives.

Elle déposa un bouquet complexe sur la table couverte de rapports, comme toujours, et laissés à l'abandon.

Et elle se mit à parler :

" La tulipe blanche pour présenter mes excuses, la jonquille pour résoudre le conflit, l'anémone pour demander pardon, l'immortelle pour promettre de ne pas recommencer.

- Et cette fleur-là ?, souffla la voix de l'inspecteur dans son oreille.

- L'hortensia. Pour l'amour filial.

- Amour filial ?

- Pardon, Ghost. J'ai besoin de toi et je m'excuse de t'avoir si mal parlé."

Un rire enveloppa la jeune femme et elle l'entendit résonner partout à la fois.

" Je n'ai jamais eu de môme. On ne m'a jamais aimé. Ni regardé autrement qu'un outil.

- Pas moi, Ghost."

Lentement, Sylvie Lyster vit se matérialiser la silhouette particulière de son collègue décédé.

" Moi non plus, la môme. Je promets de ne plus donner d'ordre.

- Je promets de faire attention. Gy ?"

Le policier sourit, surpris de voir la femme lui tendre volontairement la main, sachant le froid et le chaud qui allaient combattre et les faire souffrir tous les deux.

" Gy, la môme."

Il saisit la main et chacun ressentit avec acuité la température de l'autre. Infiniment douloureux.

" Je suis contente que tu acceptes mes excuses, Ghost, sourit Lyster.

- Pourquoi cela ? Je te manque, la môme ?

- Oui, et j'ai eu un mal de chien à trouver des jonquilles ! A cette époque de l'année ! Tu te rends compte ?"

Le rire retentit, partagé et complice.

L'inspecteur était revenu.

Les vents se faisaient espiègles et les frissons habituels, la musique et la danse étaient régulières.

Il y avait deux officiers de police amusés et communiquant avec un troisième, mort depuis des lustres.

Il y avait l'été qui était revenu dans le bureau, avec son soleil et sa chaleur.

Il y avait le lieutenant Lyster qui se caressait le ventre et essayait de faire avancer l'enquête.

Sur le mur du bureau du lieutenant Sylvie Lyster, se trouvait un dessin grandeur nature.

Ce dessin représentait un inspecteur de police.

Il portait un bicorne à la cocarde blanche, une matraque au côté et des favoris touffus.

Son uniforme était fermé par des boutons ronds frappés à la fleur de lys et une fleur de lys ornait son col.

Une épée était glissée dans un fourreau et on avait envie de la voir sortie.

Ses cheveux longs et sombres étaient coiffés en catogan.

Ses yeux étaient perçants, d'une transparence de cristal.

L'inspecteur de police était représenté debout, les bras croisés devant lui et il ne souriait pas.

" Ghost !, fit Lyster en voyant le résultat final. Tu aurais pu faire un effort et sourire un peu !

- Cela va mieux avec le smiley, grogna le policier, se regardant avec soin.

- Je n'ai pas pu faire mieux, annonça Fatou Traoré en se frottant le front, fatiguée par la longue séance de dessin. Il n'a jamais voulu sourire.

- Ha ! Ghost, Ghost, Ghost !," se moqua gentiment Lyster.

Fatou Traoré se releva et rangea ses fusains et ses couleurs. Elle savait dessiner et avait voulu offrir un cadeau à ces deux entêtés. Même si cela lui avait demandé des heures de travail et à Ghost des heures de patience.

Adrien Maillard entra alors dans le bureau de Lyster, des nouvelles à apporter concernant le Glock 18, mais il vit le dessin et s'en étonna :

" Mais je connais cet uniforme ! C'est celui de l'inspecteur de police de 1830. Sous la monarchie de Juillet."

Tout le monde se tourna vers le jeune homme.

" Deux cents ans, oui, approuva l'inspecteur décédé. Je savais déjà, merci. Je suis mort en 1832."

Hypnotisé, Adrien s'approcha et toucha le dessin de l'épée.

" Par contre, cette épée... J'ai déjà vu cette épée...

- Toutes les épées se ressemblent, fit maladroitement Ghost. Qu'est-ce que la mienne a de particulier ?

- Pourquoi l'épée ?, reprit Fatou Traoré, curieuse.

- La garde. Chaque épée est unique. J'aimerais beaucoup voir la lame. Et ce coq ! J'ai déjà vu ce coq avec ces drapeaux !

- Où ?, demanda fébrilement Lyster.

- Au musée de la Police."

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