Un café s'il vous plaît !

5 minutes de lecture

" Bonjour, je m'appelle Lidia. Je suis étudiante en math sup. Je suis en troisième année. Mon petit-ami est en fac de médecine, il s'appelle Jeremy. Je l'aime."

Les policiers étaient effarés. Ils regardaient le corps et l'arme du crime avec horreur.

Amusant d'ailleurs de voir tous ces hommes en uniforme s'inquièter devant une si petite chose.

Une tasse de café !

" Mon petit-ami s'appelle Jeremy. Je l'aime et il m'aime. Vous m'entendez ?

Il m'aime et JE L'AIME ! Le reste, c'est de la merde."

Rivette se penchait sur la tasse si fine et si fragile et la regardait sans ciller.

" Là, je dois avouer que je suis impressionné, murmura son collègue, penché à son côté.

- On PEUT mourir de ça ?

- La preuve est devant vos yeux, inspecteur.

- Merde !"

" C'est dur la faculté ! Beaucoup d'heures, beaucoup de boulot, beaucoup d'examens. Et la chance...ou la malchance... Jeremy est un si beau garçon. Je suis pas mal non plus mais bon..."

L'inspecteur interrogea les amis de la victime.

Jeremy était un sympathique garçon, très travailleur mais trop beau pour son bien.

Avait-il une copine ?

Non.

Pas qu'on le sache.

Mais il en a eu une.

Ils ont rompu.

" Tout a commencé par cette salope de Nadia. A tourner autour de Jeremy. Puis ce connard de Jordan. Comme si Jeremy était gay. Ha les cons !"

"Le service d'autopsie est formel, assura l'inspecteur Rivette en parlant dans le silence de son bureau. Overdose de café !

- Putain !, s'amusa son collègue invisible. Si j'avais su de mon temps...

- Une overdose de café... Il y a une dose létale à ne pas dépasser. 400 mg par jour, voire même 300 mg, sinon cela devient dangereux.

- Combien cela fait en tasses de café ?"

Rivette réfléchit et haussa les épaules, impuissant :

" Aucune idée."

" Jeremy m'aime et je l'aime. Encore quelques années de fac et nous pourrons nous installer ensemble et vivre ensemble et être heureux ensemble. Un gosse. Une maison. Un chien ?

Putain, on dirait une série B.

Mais voilà, il y a eu Nadia..."

La brigade de police, peu à peu, abandonnait le café et le thé devenait la boisson principale des hommes et des femmes en uniforme.

" Tu veux un café, Rivette ?, demanda une collègue.

- Non, non. Un thé, merci, répondit aussitôt le jeune inspecteur.

- Ou alors une soupe à la tomate ?," renchérit l'inspecteur mort, moqueur.

Rivette avait appris à la dure. Il avait appris à ne pas répondre à son fantôme de collègue.

Il serra les dents et remercia poliment pour le thé.

On commençait à le trouver de plus en plus normal.

" Nadia est une salope. Une salope. Une salope. Une salope.

Et Jeremy... Trop gentil pour son bien !"

L'inspecteur aux larges favoris écoutait les conversations autour de la machine à café...pardon à thé...

"Les symptômes sont des nausées, des vomissements, des maux de tête, des palpitations, de l'anxiété et des tremblements, assurait une policière.

- Putain !, opposa un homme. J'ai tous ces symptômes !

- Ce sont les mêmes symptômes que pour l'intoxication à l'alcool," assurait l'inspecteur fantôme.

Et Rivette faisait tout pour cacher son sourire derrière sa tasse de thé. Un thé au goût de citron merdique. Même avec trois sucres dedans.

D'ailleurs, d'un geste courageux, Rivette vida le thé dans la poubelle et choisit un café à la machine.

" On va arrêter ces conneries ! La caféine n'est pas arrivée que par quelques tasses, il doit y avoir un vecteur. On a empoisonné la victime avec du café en poudre !"

L'inspecteur mort se mit à applaudir à cette parole sensée, approbateur.

Il fut le seul bien entendu.

" Mais comment la victime a pu prendre autant de café en poudre ? En l'inhalant ?

- Aucune idée, mais on va chercher !"

Et Rivette foudroya du regard son collègue décédé alors qu'il buvait avec plaisir son café, même venu d'une machine automatisée.

" Jeremy m'a quittée le 1er février. Il m'a dit qu'il était tombé amoureux de quelqu'un d'autre. Je lui ai parlé de Nadia et il a été désolé. Il s'est excusé. Quel con !"

" C'est compliqué, les histoires d'amour, se plaignit Rivette. Recommencez mais parlez lentement.

- Il y a trois noms : Lidia, Jeremy, Nadia.

- Comment savez-vous cela, inspecteur ?"

Le vieux policier leva les yeux au ciel et asséna séchement :

" Vous êtes tous focalisés sur le café ! On peut acheter des doses de café sur Internet ou dans n'importe quel magasin. Moi, je m'intéresse à la victime.

- Et vous lui avez parlé ? C'est sûr que c'est facile, comme ça !," cracha Rivette, agacé par ce ton condescendant.

La pièce gela d'un seul coup et Rivette se retrouva seul dans son bureau.

Il secoua la tête et regarda la feuille posée devant lui. Il était rare que son collègue laisse des notes. Voir un stylo écrire seul n'était jamais plaisant.

LIDIA / FACULTE DE MATHEMATIQUES SPECIALES

JEREMY / FACULTE DE MEDECINE

NADIA / FACULTE DE MEDECINE

" Hé bien ? Que suis-je censé faire de cela ?, grogna Rivette. Ce sont des étudiants.

- Des étudiants soumis à une terrible pression et prenant du café par gallon."

La voix de son collègue résonna dans la pièce, profonde et grave. Là, Rivette frémit. Son collègue ne lui avait encore jamais fait cela.

" Qui a tué Jeremy ?

- A qui profite le crime ?

- Vous ne voulez pas m'aider utilement ?

- Tachycardie et coma. Qui a souffert du coeur ?

- Merde ! Sois plus clair !"

" Jeremy m'a quitté pour Nadia. Tout le monde sait qu'il était avec elle. Et elle. Elle l'a jeté.

Jeremy. J'aurai voulu qu'il me revienne.

Mais c'était trop tard."

" Je n'aimais plus Jeremy, annonça froidement la jeune femme assise devant eux. Il n'était pas si intéressant en réalité. Et il ne faisait que de me parler de son ex.

- Son ex ?

- Celle qui s'est suicidée l'année dernière. Je sais plus son nom...

- Lidia ?

- C'est cela. Une fille un peu fofolle."

Joli brin de fille mais sans une once de coeur, Nadia s'en alla. Innocente de tout crime.

Le vieux policier la regarda partir et murmura :

" Un jour, elle fera aussi une overdose de café.

- QUOI ?"

L'inspecteur regarda Rivette et sourit tristement.

" Qui va la pousser au suicide ? Vous vous souvenez du chocolat ?

- Mais... Mais c'était dans sa tête !

- Oui, oui."

" Jeremy est mort. Il l'aimait cette salope.

Mais je n'ai pas dit mon dernier mot."

Ce jour-là, dans sa chambre d'étudiant, Nadia fut retrouvée pendue.

Pas de café.

Juste une corde.

La police découvrit en poussant plus à fond ses amis que la jeune femme était bien sortie avec Jeremy et qu'elle l'avait lâché.

La police examina les messages sur son téléphone.

La veille de sa mort, Jeremy l'avait contactée. Un long message pour la prévenir qu'il allait se suicider.

Overdose de café. Pour ne pas embarrasser ses parents.

Faire passer sa mort pour un accident.

Il l'appelait au secours et bien entendu, Nadia n'avait pas répondu favorablement à son appel à l'aide.

Elle lui avait juste écrit :

" Fais-le et fous-moi la paix !"

Il l'avait fait !

Mais pas Lidia.

" Alors vous vous sentez mieux, mademoiselle ?, demanda le vieux policier.

- Infiniment mieux.

- C'est long l'éternité.

- Je verrai bien."

Annotations

Vous aimez lire Gabrielle du Plessis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0