L'arrivée sur Terre

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Le voyage avait été long. Le Petit Prince s'était endormi entre deux cordages, accoudé au rebord. Il n'avait rien vu des étoiles brillantes, des nuages mousseux et des arc-en-ciels se formant dans les goutellettes de pluie.

Le soleil commençait doucement à caresser le sol de ses rayons tandis que l'immense bateau pirate fendait les cieux au dessus de l'Europe. Tout l'équipage s'activait : on tendait les voiles, on tirait sur les cordages, on hurlait à tout va.

Le Petit Prince semblait être un îlot de calme au milieu d'un océan de chaos.

Tout d'un coup, quelqu'un hurla :

  • Terre en vue !

Le Petit Prince s'éveilla en sursaut. Le Capitaine se trouvait près de lui, un long cigare pendait à ses lèvres étirées en un sourire narquois. Il s'éclaircit la gorge tout en prenant un air hautain :

  • Je crois que tu es arrivé à destination, dit Crochet en indiquant l'océan qui s'étendait quelques mètres sous le bateau. Tu m'avais demandé de t'ammener sur Terre, et c'est chose faite. Jamais il n'avait été question de terre ferme.

Le Petit Prince regarda Crochet rire de sa propre blague, et ne chercha pas à discuter. Il suivit le Capitaine à travers le bateau, zigzagant entre les membres de l'équipage, qui le poussaient et se moquaient de lui. Le garçon marcha sur la planche, serrant les dents, observant la mer bleue sous ses pieds.

  • Je ne vous en veux pas, finit-il simplement par dire. Parfois, certaines personnes sont depuis si longtemps perdues dans les ténèbres qu'elles ne savent plus à quoi ressemblent la lumière.

Et il sauta.

Et il tomba.

Encore, encore.

***

Le Petit Prince errait depuis un moment à travers cette terre dont il ignorait tout jusqu'au nom. Il marchait sous un soleil de plomb sans jamais croiser personne. Cependant, jamais il ne laissait le désespoir l'envahir : il était heureux d'être là. Après tout, c'était son souhait n'est-ce pas ?

Le paysage était plat, broussailleux. Seuls quelques moulins venaient se dresser tels des géants, leur silhouette se découpant dans le ciel d'azur. L'enfant marchait vers l'un deux et décida de l'escalader. Du haut de sa tour de pierre, il pouvait voir l'horizon à l'infini. La Terre était si grande ! Avait-elle une fin ? Pouvait-on y aller à pied ? Le Petit Prince se laissait aller à ses rêveries lorsqu'il entendit des cris.

Il baissa la tête. Un petit homme brandissait une épée de bois vers le moulin, rendant des coups imaginaires.

  • Bonjour ! cria le Petit Prince en agitant le bras.

L'autre leva la tête et l'aperçut. Son visage prit une étrange expression, comme s'il était à la fois outré que quelqu'un eut escaladé le moulin et terrorisé. Se rendant compte de sa potentielle erreur, l'enfant rejoignit la terre ferme. L'homme se mit devant lui, et, armé de sa terrible épée, recula prudamment jusqu'à ce qu'ils aient atteint le couvert des buissons.

  • Ah ! Tu peux me dire merci, se réjouit le petit homme, les mains sur les hanches. Je t'ai délivré de ce monstre, moi, Don Quichotte de la Manche !

Le Petit Prince resta un moment interdit : il n'avait pas vu de monstre, pourtant. Puis, il se dit que son nouvel ami jouait peut-être à un jeu, alors il sourit de toutes ses dents : les habitants de la terre étaient visiblement beaucoup plus drôles que ceux du bateau pirate.

  • N'aurais-tu pas vu mon destrier ? demanda Don Quichotte, rangeant son épée. Il est grand, gris, majestueux. Son nom est Rossinante, c'est mon compagnon de voyage.

Le Petit Prince aperçut non loin un vieux cheval, qui broutait les herbes hautes. Il était certes gris, mais son pelage était usé, et recouvrait des os saillants. L'enfant alla chercher l'équidé et le ramena par la bride. L'hidalgo le gratifia d'un sourire et flatta l'encolure du cheval avant de mettre pied à l'étrier.

  • Où allez-vous comme ça ? demanda le Petit Prince, lui emboitant le pas.
  • Partout et nulle part, mon ami ! Je sillonne l'Espagne à la recherche de jeune demoiselles en détresse, de veuves et d'orphelins à sauver ! Car telle est la quête d'un chevalier de mon rang.
  • Où est-ce, nulle part ? questionna l'enfant de nouveau.
  • Là où le coeur t'en dis, là où tu peux trouver dangers et mystères !

Le Petit Prince réfléchit un moment, puis s'assis sur le sol poussiéreux et ferma les yeux. Don Quichotte fit faire demi-tour à sa monture, et le regarda, perplexe.

  • Que fais-tu ? lui demanda t-il.
  • Je me rends dans le Nulle-Part. Il est aussi dans ma tête, n'est-ce pas ?

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