Chapitre 2 - Partie 3

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Cette terre que l’on nommait jadis Groenland avant de devenir le Monde. Des rafales de vents, qui, pour les plus anciens, ravivent les traumatismes passés, ceux qu’ils avaient fui en rejoignant le dernier endroit vivable de la planète.

L’humanité avait été découpée aux trois quarts.

Il ne restait de celle-ci que les pires vices. Beaucoup crurent au début à un renouveau, une compréhension des erreurs passées, mais l’homme est sale de nat…

— Lavande ? C’est toi ? Tu es rentrée ?

Trempée, elle mourrait d’envie de foncer sous l’eau chaude… Puis elle se souvint qu’ils avaient dépassé le quota mensuel en seulement une semaine. La pluie marbrée les fenêtres, l’en dehors. Lavande pesta en pensant au nettoyage qu’elle allait devoir faire, ces foutus nuages… Des merdonimbus, à force de chier du sable sur nos gueules…

— T’as passé une sale journée c’est ça ?

Elle le fusilla, de ses noirs pupilles. Puis jeta la puce de coin sur la table.

— Je n’ai aucune envie d’en parler. Va plutôt me chercher des vêtements propres par pitié.

Le jeune homme s’exécuta, il ne bronchait jamais face à elle, sachant bien qu’il vivait grâce à ses exactions… Qui la rendait d’humeur massacrante la quasi-totalité du temps.

Lavande retira les tissus devenus fontaine. Puis, en touchant ses longs cheveux praline, elle ajouta en direction de son assistant improvisé,

— Une serviette aussi !

Espoir revint, avec le matériel nécessaire en main. Il détourna le regard face à sa sœur, qui s’était retrouvée en sous vêtement.

— Crétin, cela fait des années qu’on se voit à poil et tu vas faire le peureux parce que tu vois une paire de seins ?

— Je respecte ton intimité moi.

Sa réponse eut pour effet de la sortir un peu de sa contrariété. Il avait tant grandit depuis le moment où elle était partie de NV pour rallier Wengchao, il faisait une tête de plus dorénavant. Son visage poupon avait disparu pour laisser place à celui d’un beau jeune homme, malgré son caractère encore très enfantin. C’était un intello, comme on en faisait rarement du côté de Stomin Vale, il était en quête d’un boulot après avoir brillamment obtenu un diplôme en génie quanticien.

Lavande fila dans la salle d’eau. Ce n’était pas bien loin, leur appartement ne dépassant pas les vingt mètres carrés. Il se contentait de peu, en attendant d’avoir un jour mieux. L’exemple le plus probant de cette philosophie fut le lavabo, qui servait de douche. Il y avait bien un miroir, touche de luxe, dont la crasse de l’ancien propriétaire avait fini par attaquer les deux tiers des reflets projetés.

Elle prit le savon, petit bloc quasiment terminé, et se le passa sur le corps, profitant d’être encore un peu humide pour utiliser moins d’eau. Elle frotta méticuleusement sur les parties aux jointures métalliques, causées par ses améliorations cybérologique, pour éviter de les abîmer. Elle attendit, quand elle alluma le robinet, le temps que l’eau s’éclaircisse un peu.

Lavande se toisa dans la glace. Devant sa mine brisée, elle força un sourire, qu’elle lâcha vite, en synchronisation avec la foudre qui frappait dehors. Elle compta, comme une folle, les quelques grains de beautés qui parsemait sa peau. C’était une… Activité dont elle se servait pour se concentrer, acquérir un peu de sérénité. Meï lui avait appris, à ses débuts à Yuan-Ming, quand elle n’arrivait pas à surmonter les cadavres jonchant sa route.

Un était apparu, sur sa peau dorée, aux côtés de la fine arête de son nez.

Bonsoir toi…

Puis… Elle croisa son propre regard. La noisette de ses yeux n’avait pas bougé, pourtant, chaque fois qu’elle s’y plongeait, elle n’y voyait que l’handicap, sa dégénérescence, sa kryptonite. Elle se souvint du visage de Meï, quand elle annonça son obsolescence oculaire, un mélange de compassion et d’adieu… Ceux des Yuan-Ming, dédain et dégoût.

Qu’est ce qu’elle pouvait avoir envie de fracasser son reflet, passer ses nerfs sur le verre, sentir la douleur sur ses phalanges puis les tranchantes lames s’infiltrer dans son épiderme… Il n’y avait là aucun sadomasochisme, juste du désespoir.

La mine brisée, elle rejoignit son frère sur le fauteuil.

— Tu regardes l’hexaligue, toi, Lavande ? demanda-t-il d’un air taquin, avant de se rendre compte qu’elle retenait quelques larmes. Il ouvrit ses bras, elle se plongea dedans, puis, étouffée par son chandail, elle sanglota.

— Demain on ira se recueillir sur la tombe de papa. Cela te fera du bien de le voir un peu.

Lavande hocha timidement la tête. Elle renifla puis se contenta de s’endormir dans les bras de son frère, qui lui offrait le réconfort. Espoir en avait l’habitude de lui offrir étreinte pour la rassurer. Cependant, il n’en avait jamais su la réelle cause. Elle ne lui avait jamais rien dit sur ces années passées du côté de Yuan-Ming. Jamais rien.

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