Premier bal 

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Les pas de Takafumi se firent de plus en plus lents au fur et à mesure qu'il avançait sur le trottoir.

De plus en plus lourds aussi car ses jambes en devenaient engourdies au beau milieu de cette rue étrangement vide.

Seule la chaleur émanant du conte de Blanche Neige et les sept nains lui permirent de tenir face à ce froid envahissant.

"Nous ne sommes pas en hiver, je ne comprends pas, se dit-il en découvrant avec stupeur une légère fumée sortant de sa bouche, que se passe-t-il?"

Ses prunelles ocres sondèrent les alentours.

Il n'y avait vraiment plus personne.

Ah non, se reprit-il en repérant une inconnue de dos sur le trottoir d'en face.

Takafumi fut d'emblée intrigué par la tenue de cette jeune femme : des petits diamants cousus au niveau des manches rendirent le manteau d'un blanc nacré joliment étincellant lorsqu'elle remua un peu son épaule pour décontracter ses muscles.

Une jupe en tulle d'un bleu nuit allant jusqu'aux chevilles flottait agréablement dès elle se retourna vers lui.

D'épaisses bottines d'un marron virant vers le noir firent qu'elle ne glissa pas sur l'étrange étendue verglassée au dessous de ses pieds.

La surprise du bijoutier ne fut pas sans reste à la vue de ses longs cheveux gris qui tombèrent le long de sa pellerine et de son visage fin d'une grande délicatesse.

Il lui donnait quinze, seize ans sans plus. Et elle a tout d'une yuki onna version occidentale, pensa-t-il en frissonnant dès qu'elle posa ses yeux hébétés d'un bleu acier sur lui.

Sa voix, calme, rauque mais posée, aurait pu être apaisante si elle n'avait pas ce timbre monocorde. "Je les entends." Hein? De quoi parlait-elle?

Ses lèvres d'un discret mauve s'esquissèrent en un sourire que Takafumi qualifia d'office de carnassier.

"Je les entends, répéta-t-elle en s'approchant dangereusement de lui, je les entends, je les entends."

Takafumi recula au moindre de ses pas en guettant le moment opportun pour fuir. Malheureusement pour lui, ce foutu froid hivernal avait déjà fait son office. Son corps, dont les doigts commencèrent à geler pour sa plus grande frayeur, lui donnait l'impression d'avoir pris dix tonnes d'un coup.

Il tomba grossièrement sur ses fesses, douloureuses face à la dureté lisse du verglas, tandis que l'inconnue posa doucement ses doigts fins mais glacés sur ses épaules. "Je les entends, sussura-t-elle en se léchant délicatement les lèvres, le sang qui coule, le coeur qui bat, ces sons si doux, si doux, s'extasia-t-elle en faisant apparaitre un fin filet de salive depuis la commissure de ses lèvres, si... Chauds."

Takafumi fut tétanisé.

A cet instant, il ignora que la raideur de ses muscles qui avait pris de l'ampleur dans cet enfer de glace.

Cette jeune fille qui le maintenait avec un empressement effrayant lui paraissait si frêle, si fragile avec ses yeux devenus d'un argenté suppliant. Ils lui semblaient implorer quelquechose qu'il, il le devinait, ne pouvait pas donner.

Puis sa fine bouche s'ouvrit en un ovale parfait, devoilant une dentition en cristal acérée, semblable à celle d'un requin.

Takafumi prit alors peur mais il ne pouvait plus bouger.

Son corps somnolait, son esprit aussi.

Ses yeux furent sur le point de se fermer lorsqu'elle fut sur le point de lui dévorer l'épaule.

Puis la chaleur revint de manière instantanée, en même temps qu'un son mat d'une personne en train de chuter.

De longues mèches de jais coulèrent en une cascade ébène le long d'un kimono bleu roi aux motifs floraux albatres travaillés avec soin.

Le livre de Blanche Neige était à terre, les pages grandes ouvertes.

Takafumi leva les yeux et vit de fines pupilles mi-closes accompagnée d'un sourire rassurant esquissé sur une bouche d'un discret écarlate, le tout sur un visage au teint de porcelaine. "Vous êtes sauf pour le moment, s'exprima une voix douce, posée mais presqu'évanescente, et je m'excuse d'avance pour ce que je vais faire mais c'est nécessaire. Il serait triste que vous mourriez ainsi."

Takafumi était trop pris par le froid environnant pour ressentir pleinement les mains délicates se poser avec douceur sur ses épaules.

Et sa léthargie l'empêcha ensuite de s'étonner du contact des lèvres de cette inconnue.

Un brouillard sombre s'ensuivit.

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