La princesse de bois

10 minutes de lecture

Il était une fois une princesse fort belle et de noble lignée. Son père, le roi Odon, était très apprécié de ses sujets. Lui et sa femme, la reine Valériane, aimaient leur fille unique d’un amour profond, la couvrant de cadeaux et la protégeant de tout ce qui aurait pu la blesser, et elle n’eut jamais à se plaindre d’un quelconque manque.

Un jour, ayant atteint l’âge de treize ans, alors qu’elle se baladait dans les jardins du château, une terrible douleur dans la jambe droite la contraignit à s’asseoir dans l’herbe. Après quelques secondes cette douleur disparut comme elle était venue. La princesse Failte reprit sa balade, oubliant assez vite cet incident. Le lendemain cependant, alors qu’elle se promenait de nouveau dans les jardins, la douleur revint, toute aussi forte, mais bien plus longue. Elle fut si longue que l’un des servants dû intervenir pour ramener la princesse au château. Après deux heures, la douleur disparut et la Failte put de nouveau marcher. La nuit passa, et le jour s’étant levé depuis longtemps déjà la princesse voulut quitter sa chambre pour aller manger mais sa jambe droite était si lourde qu’elle ne put sortir de son lit, incapable de bouger.

Alerté, le roi fit venir son druide au plus vite qui examina la princesse et, formel, indiqua au roi qu’elle ne souffrait pas d’un si grand mal, et qu’un peu de repos accompagné d’infusion de fleur des rois pendant trois jours devrait soulager la jeune princesse. Alors, pendant trois jours Failte ne quitta pas son lit et buvant de grandes quantités d’infusion de fleur des rois.

Malgré cela, au bout du troisième jour la princesse souffrait encore atrocement et restait incapable de se lever. Pire, son autre jambe était elle aussi devenue lourde et douloureuse.

Fâché et inquiet le roi Odon chassa du royaume ce druide, qui n’avait su guérir sa fille. Un autre druide fut appelé et celui-ci conseilla d’exposer la princesse au sommet de la plus haute tour. Elle devrait y rester trois jours et trois nuits, et ce même si la pluie devait mouiller ses os ou le soleil brûler sa peau. Aussi devait-elle être piquée dans chaque jambe de la plume d’un phénix que le druide vendit au roi pour cinquante pièces d’or.

Alors la princesse fut montée au sommet de la plus haute tour et piquée de la plume. Pendant trois jours, la pluie ne cessa de tomber et la lune resta haute pendant trois nuits. Finalement la princesse fut ramenée dans sa chambre, séchée, et réchauffée non loin du feu. Malgré ce remède, les jambes de la princesse restaient lourdes et douloureuses. Son père fit également chasser ce druide qui lui avait extorqué tant d’argent.

Le lendemain matin, alors que le Soleil se levait à peine, le château fut réveillé par les cris de la jeune princesse. Les servantes et servants accoururent à sa chambre afin de comprendre l’origine de ces cris et peut-être soulager la princesse. En arrivant, ils trouvèrent la princesse assise dans son lit, la couverture était jetée sur le sol laissant apparaître les jambes de la princesse qui n’étaient plus de chair et d’os mais de bois. Le haut de ses cuisses était du bois tendre, mais ses orteils étaient recouverts d’une épaisse écorce.

Cette fois, le doute n’était plus permis, quelqu’un avait lancé un sort ou un enchantement à la princesse, les personnes ne se transforme pas en bois sans raison. Alors, Odon convoqua ses hérauts qui firent courir l’information suivante : « Toute personne capable de sauver la princesse est priée de se rendre au château. Si un remède est trouvé, une grande récompense sera accordée. Si quelqu’un essaie de me tromper, il sera livré en pâture aux animaux et créatures de la forêt de Winblod. ».

Le soir même, de nombreux enchanteurs, druides et sorciers s’étaient pressés au château afin de voir si ce qui se racontait était vrai et tenter de trouver le remède qui guérirait la princesse. Certains d’entre eux indiquèrent au roi qu’il fallait que la princesse se baigne dans de la bile de dragon, alors le roi envoya ses plus grands chevaliers trouver de la bile de dragon. D’autres affirmaient qu’il fallait qu’elle absorbe telle ou telle préparation dont évidemment eux seuls avaient la recette, alors la princesse but ces préparations.

Tout fut tenter pour soigner la princesse, mais rien n’y faisait, le mal qui rongeait la princesse gagnait chaque jour un peu plus de terrain et au bout d’un mois, ses jambes et ses bras étaient recouverts d’écorce. Un sorcier se proposa de les scier et de les faire ensuite repousser grâce à quelques vieux sortilèges dont lui seul avait connaissance. Le roi hésita quelque peu, mais écoutant les supplications de la reine Valériane qui doutait de la réussite du procédé, refusa cette solution.

Le temps passait et les magiciens du monde entier se pressaient au château, mais rien ne fonctionnait, la princesse était en train de se transformer en tronc d’arbre. Le bois se développait maintenant sur son torse, l’empêchant presque de respirer.

Un jour apparu dans la salle du trône une grande et fine silhouette encapuchonnée. Cette silhouette avança, laissant apparaître de longues chausses rouges abîmées, des doigts très longs terminés par des ongles sals et cassés, mais surtout, des mains verdâtres. Ce teint de peau permettait d’affirmer qu’il s’agissait d’une fée. La salle entière prit peur car tous connaissaient la magie des fées et les sorts qu’elles pouvaient jeter si on venait à leur nuire.

« Ne craignez pas ma présence, je me présente à vous pour aider la princesse. Je suis Libe l’Itinérant. Je suis une fée voyageuse. Je me déplace au gré de mes envies et j’apporte mon aide à qui en a besoin en échange du paiement de mon choix.

-Peux-tu sauver ma fille ? demanda le roi

-Hélas, je ne peux retirer le sort qui lui a été jeté car elle l’a reçu de la reine Rise, reine des fées et puissante magicienne. Je ne sais pourquoi la princesse a reçu un tel sort, mais je peux t’offrir le moyen de le savoir, en rencontrant la reine Rise en personne. Alors elle te dira peut-être ce que nous ignorons tous les deux, et si elle le veut, elle lèvera le sortilège. Prend cette flûte que je te tends et après mon départ, quand tu seras seul souffle dedans en pensant à celle que tu souhaites voir et alors elle se présentera à toi. Mais attention, quand tu auras fini de souffler, la flûte disparaîtra, et prends garde à tes paroles, Rise est très puissante et souvent susceptible. »

Le roi accepta la flûte et Libe repartit comme il était venu. Alors, sans que le roi n’en ai donné l’ordre, tout le monde quitta la salle du trône, le laissant seul. Il s’installa sur son trône et réfléchit. Il connaissait la fourberie des fées et craignait que ce Libe ne lui joue un mauvais tour. Qui sait quel enchantement portait cet instrument ?

Malgré ses craintes, et après de longues minutes d’hésitation, Odon porta la flûte à sa bouche et souffla. Il n’entendit aucun son en sortir mais la flute disparut de ses mains, cependant qu’un brouillard de fumée verdâtre apparaissait face à lui. La fumée tourbillonna sur elle-même pendant quelques secondes puis apparut, au milieu des volutes de fumée, une femme peu vêtue, verte, aux yeux violets et à la longue chevelure noire.

« Êtes-vous la reine Rise ?

-Tel est mon nom. Et je sais qui tu es et pourquoi tu m’appelles. Ce que j’ignore est la façon par laquelle tu y es parvenu.

-Une fée m’a donné une flûte afin que je puisse vous appeler.

-Il s’agit de Libe n’est-ce pas ?

-C’est exact.

-Cette flûte avec laquelle tu m’as appelé était mienne autrefois, et il me l’a volée. Je suppose que tu cherches à ce que je lève le sortilège qui pèse sur ta fille ?

-En effet. Je souhaite que vous guérissiez ma fille du mal que vous lui avez infligé.

-T’es-tu seulement demandé pourquoi ta fille subissait un tel sort ?

-Car vous, les fées, êtes fourbes et malicieuses et que vous usez de votre magie pour le plaisir de nous voir souffrir.

-Je ne relèverai pas ces insultes ni ne te punirais pour cela. Mais sache que si la princesse subit un tel sort, ce n’est que de ta faute. Vois-tu, nous les fées, lorsque nous nous montrons à vous apparaissons sous une forme et une taille semblable à la vôtre, mais le reste du temps, ce n’est pas le cas, nous sommes très petites et presque invisibles à vos yeux. Nous vivons dans les arbres, arbustes et fleurs. Malheureusement il y a quelques lunes déjà, tu as décidé de raser une partie de la forêt de Winblod afin de construire tes meubles et tes machines de guerre. Cette forêt était un site sacré pour nous et en coupant nos arbres, en arrachant nos arbustes et en piétinant nos fleurs tu as détruit mon royaume. Il m’a donc semblé que tu aies une affection particulière pour le bois, ainsi ai-je décidé que ta chère fille serait faite de bois, afin que tu n’aies plus à venir en couper chez nous.

-Je refuse que ma fille soit transformée en bois ! Je vous rends la forêt, y replanterais des arbres et en échange, levez le maléfice.

-Cela ne peut se faire ainsi. Ce site sacré a été profané et ne peut plus être restauré. Aussi, je lèverai le sortilège à la condition que tu m’offres ton royaume tout entier. Ce sera là mon unique proposition. Je reviendrai dans deux jours afin de conclure le marché. Si aucun accord n’est alors trouvé, la princesse ne sera plus qu’un simple morceau de bois au coucher du troisième jour. »

Soudain, dans d’épaisses volutes vertes, la reine Rise disparut laissant le roi seul. Pouvait-il offrir tout son royaume aux fées pour sauver sa fille ? Si les fées obtenaient un tel territoire, qu’adviendrait-il des humains ? Elles utilisaient souvent leurs pouvoirs pour accomplir de nombreux méfaits, parfois cruels, mais jamais elles n’avaient montré l’ambition d’obtenir un royaume humain.

C’était étrange. Il fit venir ses conseillers et proches amis et discutèrent pendant les deux jours de délai qu’avait laissé la fée. Au bout du deuxième jour, la pièce s’assombrit soudain et une épaisse fumée verdâtre envahit toute la pièce. Apparurent alors la reine Rise et d’autres fées, armées. Les gardes se groupèrent autour du roi afin de le protéger, mais la fée leva lentement la main en geste de paix.

« N’ayez crainte, aucun mal ne vous sera fait. J’ai moi-même fait venir ma garde personnelle afin de m’assurer que rien ne sera tentée à l’encontre de ma personne. Roi, as-tu pris ta décision ?

-Je l’ai prise en effet. Et même si cela me brise le cœur, la raison m’interdit de vous céder mon royaume. Aussi, si nous ne pouvons trouver un accord, je vous demande de partir sur le champ, mais sachez que vous serez chassés sans relâche pour ce méfait.

-Très bien alors demain la princesse sera toute de bois et alors elle vous chauffera cet hiver. »

Toutes les fées disparurent et le roi se mit à pleurer. Il ordonna que tout le monde quitte la pièce afin qu’il puisse être seul. Après plusieurs minutes à pleurer, une libellule vint à voleter devant lui. Il essaya de la chasser en la frappant du revers de la main, mais elle évita ce coup et soudain, à l’endroit où elle se tenait apparut Libe.

« Roi, ne pleure plus le sort de ta fille, je peux t’aider.

-Vas-tu faire réapparaître cette maudite reine ?! Si c’est là la seule aide que tu peux m’accorder alors va-t’en !

-Je ne peux annuler le sortilège, mais je suis capable moi aussi de magie, et je peux le modifier. Aussi, je sais que tes menaces ont eu raison de la sérénité de la reine Rise et qu’elle et ses sujets quittent actuellement la contrée.

-Modifier le sortilège ? Comment est-ce possible ? Que veux-tu dire ?

-Si tu m’accordes ta confiance, ta fille survivra, sinon, elle mourra. Et si j’échoue à la sauver alors tu pourras me pendre haut et court si tu le souhaites.

-Et que souhaites-tu en échange ? Vous les fées ne faites jamais rien gratuitement.

-Je ne demande rien pour l’instant. Mais tu devras te souvenir que tu as une dette envers moi et que ce qu’une fée donne, une fée peut reprendre.

-Très bien. Ma fille semble perdue de toute façon alors je te laisse essayer ta magie.

-Tu fais là un choix raisonnable. Ta fille vivra, mais je dois te prévenir qu’elle ne pourra plus enfanter. »

Libe demanda à rester seul avec la princesse et s’activa pendant des heures en sorts et en sortilèges. Finalement il sortit de la chambre, et indiqua au roi que la chose était faite mais que personne ne devait aller voir la princesse jusqu’au lendemain et qu’en signe sa bonne foi, il resterait dans l’enceinte du château ; si demain Failte n’était plus en vie, alors le roi pourrait le condamner à mort, comme cela avait été convenu, sinon le roi porterait une dette envers lui.

Les heures passèrent, personne ne rendit visite à la princesse. Le lendemain matin tous fut surpris en voyant la princesse courir dans les escaliers du château, pleine de vie. Libe semblait avoir réussi. Le sort n’avait pas été annulé en effet, mais au lieu d’être une buche, un simple morceau de bois la princesse était devenu un pantin. Un pantin vivant capable de se mouvoir seul, de parler et de penser.

Libe avait effectivement transformé le sort. Alors, sa tâche accomplie, il reprit la route. Et c’est ainsi que naquit Failte la princesse de bois, et que le roi Odon devint pour toujours redevable d’une fée.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Acor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0