V : Révélations (3)

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 « Ne t’en fais pas Mathilde. Même si tu étais avec lui, je sais que tu es innocente. Par contre, la pique de tout à l’heure n’était pas sympa.

— Excuse moi. Je voulais comprendre pourquoi tu nous cachais ça.

— Je vais vous le dire. Mais après, vous me promettez de ne plus jamais douter de moi, ni de fouiller dans mes affaires ? Nous demande Mélanie.

— Promis ! Disent les filles

— Et toi Ben ?

— D’accord ! »

 Mélanie nous fait signe de la suivre et nous conduit à un banc. Quelle coïncidence, c’est celui où je l’ai rencontrée, elle qui se disputait avec Damien. Qu’elle connaît depuis plus longtemps que nous et Barbara. Nous nous asseyons, prêts à l’entendre.

« On t’écoute. Dis nous tout. Fis-je curieux.

 — Bon ! Dans le sac, vous avez trouvé deux cartes d’identité, une appartenant à une certaine Dana et l’autre à une fille dont le prénom commence par L. Oui ou non ?

— Yes ! Répondis-je

— Bien ! Sur ces cartes d’identité, vous avez remarqué qu’il n y a plus de photo ? »

Le regard de Mathilde croise le mien, zut, j’ai raté ce détail. Rien ne prouve qu’elles appartiennent vraiment à Mélanie, je l’ai accusée sans réfléchir. Elle continue de nous dévoiler ce mystérieux secret.

 « Vu vos têtes, j’imagine que vous n’avez pas fait attention. Bref ! J’ai gardé ces cartes en souvenir de mes amies défuntes, Dana et Laura. Je vous explique ce qu’il s’est passé. C'était l'an dernier, notre prof d'anglais nous avait demandé de choisir un correspondant étranger pour améliorer notre niveau de langue et découvrir de nouvelles cultures. Barbara et moi nous étions dans la même classe, je la connais depuis l'enfance.

— Tu fais comment pour te retenir de l'étriper depuis tout ce temps ?

— Chut ! Elle n'a pas fini. Me reprend Elsa.

— Ah oui! Désolé! Continue Mélanie. »

 Mélanie put reprendre son récit, je comprends mieux pourquoi elle n'a pas été honnête au sujet de Barbara plus tôt. Ce drame l'a profondément affectée. Et je commence à m'en vouloir de l'avoir harcelée pour connaître la vérité.

« Mon choix s'est porté sur une jeune fille du nom de Dana Pullman, adolescente américaine de quinze ans vivant à Denver. Barbara a choisi son amie: Laura Everland. Notre échange s'est bien déroulé alors j'ai proposé qu'on se rencontre dans ma ville natale: Aversionnas et les filles ont accepté de séjourner ici quelques temps. On a vécu tellement de bons moments, elles nous ont parlé de leurs rêves, donné des conseils mode… Mais, cette belle parenthèse s'est refermée un soir de Septembre. Nous sortions d'une fête où l'on avait beaucoup bu et on rentrait à la maison. L'air était glacial, Laura frissonnait avec son t-shirt à manches longues relevées. Je sentais les poubelles d'ici, ça me donnait envie de vomir. J'aidais les filles à marcher, celles-ci ne tenant plus debout. Elles étaient totalement déconnectées de la réalité, chantant et poussant des cris, la musique était pourtant finie depuis une heure. Demain, elles rentreraient à Denver alors ma mère avait proposé qu'elles passent la nuit avec Barbara chez nous. J'ai pas mal insisté et elle a accepté. Une autre voix s'était mêlée aux nôtres et aux rires de Barbara qui se moquait de la tolérance de l'alcool des filles. J'acquiesçais et cet inconnu m'insultait de salope. Je ne comprenais pas mais quand trois autres voix masculines ont émergé, tout était devenu clair. Quatre jeunes nous suivaient et ne semblaient pas sympa, ils étaient dans le même état que nous. J'avais dis aux filles de partir, que c'est un coup fourré mais elles ne m'écoutaient pas. Leurs regards fixés sur le brun ténébreux aux yeux verts, cliché du badboy, elles s'imaginaient déjà des choses. J'étais incapable de les raisonner, et Barbara, n'en parlons pas. Elle, elle voulait de la baston. La conversation a continué, j'étais flippée, des histoires de ce genre, j'en vois tellement dans les journaux. Mon coeur battait la chamade, le point de non retour a été atteint quand ils nous ont demandé nos numéros. Barbara a envoyé le brun se faire foutre et a manqué de recevoir un coup de poing. Je lui ai dis qu'on se barre et nous sommes parties. »

Mélanie marque une pause dans son récit, nous sommes surpris par une telle horreur. Je vois Elsa lui donner une tape amicale sur l'épaule, et Mathilde qui efface les photos. Elle a raison, je n'aurais jamais du lui dire de les prendre.

 « Tu sais, tu n'es pas obligée de continuer. On a saisi le principal. Fis-je.

— Il le faut. Ça me hante depuis trop longtemps. Un an que je n'en ai parlé à personne, et aujourd'hui c'est l'anniversaire de leur mort. Une mort arrivée par ma faute car j'ai été trop lâche pour agir. Enfin bref! Donc on s'est cachées dans une petite ruelle, j'ai eu à nouveau envie de vomir, l'air étant irrespirable du aux bennes à ordures.

— Tous les Ben ne sont pas des ordures. Regarde moi ! plaisantais-je pour lui redonner le sourire, éteint depuis le début des révélations.

— T'es bête. Mon sang s'est glacé quand je les ai vus revenir, j'ai prévenu les filles : les revoilà. Et Barbara qui était ravie de se battre a dit qu'elle s'en chargeait. Ils nous ont sauté dessus, j'ai senti les mains du brun me parcourir le corps, ses doigts froids descendre sur ma poitrine. Il n'aura pas eu à faire un geste de plus, je lui ai enfoncé les parties avec mon pied, il hurlait de douleur se les tenant, les jambes écartées. Il est tombé à genoux en larmes. Un petit sourire se greffa sur mon visage, ses acolytes m'immobilisèrent me retenant. Mon estomac tanguait comme un bateau, et la nausée me prit. Je pouvais voir Barbara qui se faisait étrangler par un blond, quelle attitude suicidaire. Elle a planté ses doigts pointus dans la gorge et lui a donné un coup de coude dans le ventre, avant de lui éclater le genou avec un coup de pied. Les deux tombés au sol étaient neutralisés, ses potes me tenaient, ils me faisaient si mal et l'odeur de la poubelle me donna envie de vomir. C'est ce que j'ai fait, sur les chaussures d'un des gars, elles devaient être neuves. Il n'a pas apprécié et m'a envoyé une grande claque qui m'a projetée au sol. J'étais tétanisée, voyant mes amies aux prises avec ces gars. Le brun s'est relevé, son pote juste après lui. Celui qui était le meneur a sorti un couteau et la lame parcourait le corps de Dana, j'ai crié de toutes mes forces pleurant et frappant le sol. Barbara me faisait un signe : casse toi. Comme ils étaient concentrés sur Dana et Laura, ils ne l'ont pas vu et j'ai obéi. J'ai couru si vite, oubliant où je me trouvais. Figée par la peur, je n'avais rien pu faire, tout s'était passé trop vite. J'avais abandonné mes amies à leur triste sort, un geste que je ne me suis jamais pardonné. La suite est tout aussi gaie, j'ai eu le tournis et perdu connaissance sur le bitume. À mon réveil, je n'étais plus dehors mais sur le canapé du salon, avec ma famille. Barbara avait du rentrer chez elle ou était partie prévenir les flics, je n'en sais rien. Ce n'est qu'au journal que j'ai appris que Dana et Laura avaient succombé quelques heures après notre agression,  à l'hôpital. Mes amies avaient été plantées et je me suis barrée sans rien dire, comme une peureuse. J"avais pu me battre contre un gars, mais dès le couteau sorti, j'ai perdu mes moyens. Enfin bref ! Le jour de l'enterrement, leur mère m'a demandé de prendre un souvenir pour qu'elles continuent de vivre, à travers moi. J'ai choisi ces cartes que je gardais au fond de mon sac en guise d'hommage et pour essayer de me repentir, les voir permettant de me rappeler ma lâcheté. Avant de les restituer aux familles après l'enquête, la police avait essayé d'effacer le sang mais avait merdé ce qui explique les noms effacés. C'est bon vous êtes contents ? Vous les avez vos fichues réponses. Maintenant foutez moi la paix avec cette histoire » Fit la jeune fille en se levant, des larmes dans la voix.

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