V - Révélations (2)

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 J’ignore si les filles ont honte de mon comportement mais je me suis donné en spectacle, et devant l’infirmière en plus. Ça aurait été Monsieur Morris ou Madame Cresson, j’aurais passé un mauvais quart d’heure, voire une heure entière.

« Donc ! Même si tu es persuadé que cette chute est volontaire, il est possible que l’explication soit plus simple. Je m’explique, quand j’ai examiné Mélanie, j’ai constaté un détail troublant : les lacets de ses chaussures avaient été défaits. Il y a une hypothèse toute trouvée, Mélanie a trébuché sur ses lacets en oubliant de les refaire et a dévalé les escaliers. Suppose l’infirmière qui se prend pour une détective.

— Je reste sur ma théorie principale. Quelqu’un l’a poussée, et son nom est connu ici, puisqu’on ne voit qu’elle.

— Mais arrête d’incriminer Barbara pour tout. C’est agaçant à la fin. J’ai dis certaines choses qui peuvent laisser croire que Satan siège dans son corps et son âme. Cependant, elle n’est pas le mal incarné, tu la connaîtrais mieux, tu verrais ses bons côtés. La défend Mélanie ».

 Je suis bouche bée, je crois qu’Elsa l’est aussi. Après venant d’une menteuse, il faut s’attendre à tout. En lançant un regard derrière moi, je vois Mathilde qui s’est assise sur une chaise, éloignée de cette scène. La pauvre, je ne me suis toujours pas excusé.

« Attends ! Mélanie, tu es tombée sur la tête ou qu… Ah oui ! Désolé !

— Pauvre crétin. Ce n’est pas toi qui est calé dans ce lit après avoir risqué ta vie. Non, toi tu passes ton temps à gueuler sur tout le monde et à soupçonner les gens. La preuve, ce matin, tu m’as interrogée comme si j’étais une criminelle » Répond fâchée Mélanie.

Un sourire se greffe et part aussitôt, je n’ai pas des fausses identités sur moi. Moi je suis honnête même si j’explose, un vrai volcan. Comparé à l’orage qui me frappe dès que je le heurte, je fais pale figure.

— Bon ! Ce n’est pas tout ça, mais moi j’ai faim. Vos disputes de couple, vous pouvez les faire ailleurs. S’exclame Elsa en soupirant.

— Ouais Elsa a raison. Ça devient du n’importe quoi ici, les règlements de compte, ce n’est pas ma tasse de thé. Surtout en public » Coupe Mathilde se levant.

 Les filles s’éloignent et disparaissent dans la cour, Lucie Dangern s’éclipse elle aussi nous laissant discuter. Quelques minutes passent avant d’être seuls, la cloche des révélations est sonnée. J’espère qu’elle ne se défilera pas.

«Mélanie. On ne va pas se disputer, avoue que c’est Barbara la responsable. Vous vous êtes engueulées, elle t’a poussée et a répandu le contenu de ton sac dans les escaliers. Tu la défends car elle t’a menacée.

— Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans « LAISSE BARBARA TRANQUILLE » ? Ce n’est pas difficile à comprendre pourtant.

— Alors tu crois la théorie que tu es tombée toute seule dans les escaliers, en glissant sur tes lacets. Tu ne veux pas découvrir le pourquoi du comment ? Tu ne veux pas chercher la vérité ?

— La vérité ? Parlons en de la vérité. Qui est Julia Péruwelz ? Ta sœur, ta cousine. Tu ne veux pas aborder le sujet depuis ta crise dans la cour. Manifestement, tu aimes te faire remarquer.

— Je ne suis pas le seul.

— PARDON ? Tu parles de moi là ? Tu crois que j’ai mis en scène ma chute pour m’offrir la chance d’être une élève populaire ? »

 Comment lui dire que je parlais des deux garçons qui faisaient du catch. Bref ! Je n’aborderais pas l’histoire des cartes d’identité sinon elle saura mon péché, et je risque d’être châtié pour ça. Je dois aussi protéger Mathilde de son courroux.

« Non ! D’autre chose. Si tu pouvais arrêter de t’énerver, et te concentrer sur ce qui t’es arrivé. Ça nous aiderait tous.

— Okay ! Mais cette discussion n’est pas finie. Rappelle Mélanie.

— Oui ! Bon ! Resitue toi dans le contexte, tu es dans le couloir, c’est l’heure du repas.

— Qui va être dépassée à cause de tes délires mystiques sur Barbara.

— Tu ne vas pas remettre le sujet sur le tapis ? Donc, c’est l’heure du repas. Je t’ai laissée pour aller voir un truc.

— Ton mirage, ouais ».

 Si Mélanie m’interrompt à chaque fois que j’essaie de l’aider, ça va très vite m’agacer. Elle a vu comment je suis quand on me pousse à bout, je suis capable du pire. J’ai bien assassiné Barbara dans mon fantasme. Il aurait peut-être fallu le faire plus tôt.

« Tu me laisses finir, oui ? Je t’ai donc laissée et après qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu avais ton casque sur les oreilles. Lui rappelais-je me maîtrisant.

— Ouais ! Alors j’étais assise contre le mur en train d’écouter de la musique, mon estomac a crié famine et je me suis levée. Mon sac n’était pas fermé car je rangeais le casque à l’intérieur.

— Bien, continue. Ensuite ?

— Euh ! Je… je. Ah ! Ça y est, je me suis approchée des escaliers pour descendre quand j’ai été frappée par quelque chose à l’épaule.

— On avance. Ce quelque chose, c’était quoi ? Ou plutôt qui ?

— Je… Je… Je ne sais plus. C’est trop flou » Répond Mélanie.

 L’infirmière intervient et me répond furieuse d’arrêter de l’interroger, j’aurais du partir dans une école de police moi en fait. Enfin, j’ai plus de chances de me retrouver de l’autre côté, vu mes antécédents familiaux et ma folie ambiante.

« STOP ! Là tu vas trop loin, je t’ai dis que c’était dangereux de trop la brusquer. On ignore si elle a des séquelles. J’ai peur de devoir appeler l’hôpital pour lui faire passer un examen.

— NON ! S’il vous plaît, non. Pas l’hôpital.

— Mélanie ! C’est pour ton bien. Tu as fait une grave chute. Tu as failli mourir, tu en es consciente ? Explique Lucie.

— Comment je pourrais l’ignorer ? Vous avez tous parlé de moi comme si je n’étais pas là. Discuter de mon état, rappeler ce qui m’est arrivé. Moi je veux simplement oublier. C’est trop demandé ? ».

 Il y a anguille sous roche là-dessous. Mélanie cacherait-elle encore autre chose ? Je vais finir par me demander si Mathilde n’a pas raison. Bon ! Je dois aller manger moi aussi, mes recherches sur le lac et l’Épi Noir devront attendre.

« Mélanie ! Promets moi de faire un check-up dans la semaine dans un hôpital ou une clinique, peu importe. Mais ici c’est impossible de savoir si tu as un traumatisme crânien ou d’autres choses aussi réjouissantes.

— Lucie ! C’est très gentil de votre part, et j’enverrais un message à mes parents pour leur en parler. Mais, pour le moment, j’aimerais déjeuner.

— Tu peux bien manger quelque chose ici. Je t’emmène un sandwich et une boisson de la cafétéria et…

— Vous êtes gentille, mais j’aimerais discuter avec mes nouvelles amies. Et reprendre le cours de ma vie, au lieu d’être enfermée entre quatre murs » détaille Mélanie.

 L’infirmière acquiesce et nous sortons, j’aide la blessée à marcher me retenant d’ouvrir la bouche. Je l’ai déjà fait trop souvent. On retrouve Mathilde et Elsa qui nous attendaient, l’ambiance semble être joyeuse car les filles rient ensemble.

« Tiens ! Des revenants. » s’exclame Elsa.

Mathilde ne m’adresse pas un regard et s’éloigne devant avec la rouquine. J’ai du pain sur la planche pour me faire pardonner, leur discussion parvient à mon oreille.

« D’ailleurs Mathilde, tu es dans quelle chambre ?

— La 28. Et toi ?

— Moi la 24.

— Cool ! On n’est pas loin. Tu sais qui est ta colocataire ?

— Ouais ! Elle s’appelle Maéva, je l’ai croisée ce matin en rangeant mes affaires ».

 Oh non ! Elsa + Maéva = Double malédiction des prénoms qui finissent par A. Le monde est vraiment contre moi. Je ne vais pas en parler, ça m’évitera de passer pour un cinglé. Tout le monde doit le penser, j’imagine.

« Ah ! Je la connais, c’est ma voisine en classe. Une fille très sympa. Pour te dire, elle m’a sauvé la vie devant la prof. Je ne sais pas si tu vois de quelle prof je veux parler, une grande blonde avec des lunettes.

— Aïe Aïe ! Caroline Alvarez. L’Inquisitrice de l’Épi Noir. Je la connais très bien, dès que tu es dans sa ligne de mire, peu importe que tu es coupable ou innocent. Tu es jugé et tu prends la sentence maximum. Confie Elsa.

— Yep ! Elle m’a prise en grippe car je suis arrivée en retard et je me suis fait remarquer pendant son cours. Elle m’a à l’œil. Comment je fais pour m’en débarrasser ? Demande Mathilde.

— Fais toi toute petite. Sois présente à l’heure chaque jour, sois l’élève modèle qu’elle veut que tu sois. Prends exemple sur Léonie Sturdum, une élève de ma classe. C’est la première de la classe et la plus jeune, que c’est ironique.

— C’est aussi le profil parfait du souffre-douleur. Les élèves pétés de thune s’en donnent à cœur joie pour la démolir » M’invitais-je.

 Mathilde n’y porta pas attention et Mélanie soupira. La discussion se poursuivit jusqu’au réfectoire où la file d’élèves se voyait de loin. On y sera dans une dizaine de minutes, ça tombe bien car j'ai épuisé toute mon énergie.

« Tu ne la laisses pas tranquille une minute. C’est du délire. Toi quand tu as quelqu’un dans le viseur, tu le traques et dès qu’il est à terre, tu viens l’achever avec le sourire. Répond Mélanie irritée.

— Dis ! Elle t’a fait quoi l’Altesse Glaciale ? Elle t’a jeté un sort. T’es plus la même depuis ta chute. Des neurones se sont abîmées, ça doit être géné…»

Une baffe me remet les pieds sur terre. Mélanie semble furieuse contre moi alors qu’avant, c’était une relation sans haine. Mais que s’est-il donc passé pour qu’elle soit aussi énervée ? Et pourquoi, Barbara est son ange gardien, maintenant.

« Je peux savoir ce qui te prend ? T’as pété une connexion nerveuse ? Répondis-je dans l’incompréhension.

— Tu n’as pas pu t’empêcher, hein ? Ça te démangeait à ce point de savoir ce que je te cachais. Tu veux connaître la vérité, c’est ça ? ».

 Elle sait tout. Je suis étonné qu’elle ne pointe pas Mathilde du doigt, c’est évident, j’ai du ranger les cartes n’importe comment. Pressé de lui ramener son sac, elle l’a examiné tout à l’heure comme si elle ne me faisait pas confiance.

« De quoi tu parles ?

— Ne me prends pas pour une conne. T’as fouillé mon sac, je t’avais interdit d’y toucher. Répond furieuse la jeune fille.

— Bah ! Pour ranger tes affaires dedans, j’étais bien obligé. Me justifiais-je.

— Tu n’as pas l’oeil à ce que je vois. En général, je range mes papiers dans la poche arrière, là où je mets également ma trousse. Comment se fait-il si tu n’ y as jamais touché, que je retrouve des choses, parmi mes cahiers ? La poche arrière était FERMÉE.

— Je t’avais dit de faire atten… Oups ! » Essaie Mathilde de m’aider.

Son regard se tourne ensuite vers ma complice. Elle baisse les yeux honteuse et a peur de recevoir le même traitement que moi. J’ai hâte de savoir ce que Mélanie nous cache, mais j’ai peur de l’avoir définitivement perdue.

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