V - Révélations

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« Tu crois vraiment que Mélanie, la même qui a fait sa chute spectaculaire serait en réalité une faux-monnayeuse ? Ça n'a pas de sens.

— Alors tu expliques comment ces cartes d’identité ? Elles sont authentiques, et ce n’est pas le nom de Mélanie qui apparaît dessus. Non, c’est celui d’une Dana et de Mademoiselle L dont on ne connaît pas le nom de famille. Ce qu’on va faire, c’est que tu vas ranger les cartes et tu poseras tes questions à la concernée.

— On pourrait aussi les prendre en photo. Ah ! Je n’aime pas ça, douter de Mélanie, elle qui me fait confiance.

— Pas tellement à ce que je vois. Désolée d’être brusque, mais elle cache quelque chose. Si on se trompe, elle pourra nous éclairer sur la présence de ces cartes en sa possession.

— Mais bordel Mélanie, pourquoi tu as des fausses identités sur toi, tu veux finir en taule ? M’exclamais-je avant de me tourner vers Mathilde. T’as raison, prends les photos ».

Mathilde sortit son téléphone et prit en photo tout ce que l’on a trouvé, avant que je ne le range. Je constate qu’il est treize heures trente et Elsa n’est toujours pas revenue nous avertir du réveil de la blessée. Est-ce que je peux me regarder dans une glace après l’avoir trahie ? Suis-je pardonnable ?

 Mathilde a raison, je dois me rendre à l’évidence, Mélanie nous ment. Elle cache quelque chose et ces cartes en sont la preuve. Je ne parviens pas à me faire à cette idée, j’aurais tellement voulu qu’elle se trompe, que ce ne soit rien de plus qu’un malentendu. Hélas, avoir des fausses identités sur soi, c’est un acte de criminel, pas d’innocent.

« Il est temps d’y aller, nous avons assez perdu de temps. De plus, Elsa nous a dit que le réfectoire ne va pas tarder à fermer. Fis-je pour cacher ma nervosité.

— Ouais ! Allons y. »

Nous quittons le bâtiment, moi en premier, l’esprit ailleurs. La tristesse sature mon cœur et je ne peux penser à autre chose. Je m’éloigne de plus en plus de la scène de crime, là où mon monde et mes croyances se sont effondrés.

Mathilde est à mes trousses, elle veut sans doute savoir comment je vais, elle est si gentille. Ça pourrait la perdre un jour, la bonté est écrasée par le poids du mensonge, Mélanie me l’a prouvé. Les quelques indices disséminés dans cette matinée auraient du me faire réagir plus tôt : L’impossibilité de dire quand elle a rencontré Damien et Barbara.

Il faudra que je parle à la reine des démons en personne, aller sur son terrain gelé et l’affronter dans un combat de regards. Mais pour l’instant, je dois me confronter à la traîtresse.

 « BEN ! Arrête de marcher vite. Je n’arrive pas à te suivre ».

La voix de ma complice résonne dans mes oreilles, celle qui m’a aidé à percer le verrou de la boîte de Pandore arrive à mes côtés. Pas de doute, elle aime ma compagnie. Ça change de certaines personnes qui ne sont pas honnêtes.

« Désolé !

— Ça va ? Pardon ! Je suis bête, ce n’est pas une question qui se pose dans cette situation.

— J’ai connu des jours meilleurs, comme on dit. L’essentiel c’est que Mélanie récupère ses affaires, le reste, on verra après. » terminais-je

 On continue d’avancer en direction de l’infirmerie, là où repose le mystère. De loin, nous pouvons voir une jolie rouquine qui croise les bras et semble s’ennuyer. Je presse le pas et on se stoppe face à elle, Elsa nous dévisage.

« Vous en avez mis du temps. Vous savez que j’attends depuis vingt minutes et que Mélanie aussi ? S’exclame t-elle contrariée, les mains sur les hanches.

— Désolé ! On a galéré à tout ramasser, ça prend du temps de récupérer les cahiers et tous les trucs qui traînent ». M’expliquais-je essayant de la convaincre.

— Okay ! Je vois ! Bah rentrez, elle vous attend ». Nous dit Elsa ouvrant la porte à la manière d’une guide.

 Nous pénétrons à nouveau dans ce lieu sinistre, privé de beauté et où la maladie règne. Je ne peux m’empêcher de comparer l’infirmerie avec l’hôpital, deux jours de torture, enfermé entre quatre murs.

« Ah ! Vous voilà les jeunes. Mélanie demandait après vous, enfin surtout toi Ben ». Me dit l’infirmière.

— Hum ! J’espérais qu’elle se réveille plus tôt, pour comprendre ce qui lui est arrivé.

— Elle va pouvoir répondre à tes questions, mais faîtes attention à ne pas trop la brusquer, elle n’est pas encore tout à fait remise de ses émotions. Je vous laisse discuter un peu. » Finit la femme en s’éloignant vers son bureau.

 Ma haine se mêle à la déception, tout est confus. J’ignore si je veux lui pardonner ou la laisser moisir ici. Ses explications ont intérêt à être claires. Qui peut bien se trimbaler avec des fausses identités sans être coupable ? Et comment je vais aborder ce sujet avec elle. Je dois écouter l’infirmière, ne pas la brusquer. Même si j’en ai envie.

« Alors la Belle au Bois Dormant, c’était comment le séjour au pays des rêves ? Plaisante Mathilde.

— C’est qui elle ? Ben, Elsa. D’où elle sort cette fille ? »

Nos regards se croisent et la gêne se fait sentir. Mathilde garde le sourire mais la situation est compliquée, elle tente de s’éloigner mais nous lui faisons signe de rester. Ce n’est pas la meilleure façon qu’elle rencontre Mélanie sauf que le premier contact a été établi.

« Euh ! Je m’appelle Mathilde, je suis à l’ODIN. Elsa, Ben et moi nous t’avons emmenée à l’infirmerie après ta chute dans les escaliers. Et on est repartis tous les deux ensuite récupérer tes affaires. Ben ! Donne lui son sac.

— Ah oui ! Ton sac. Tiens. »

 Mélanie se redresse sur le lit et je lui donne son sac, elle le prend et l’examine sous toutes les coutures. Elle ne semble pas bien réveillée à moins qu’elle regarde si j’ai fouillé dedans. Auquel cas, je suis foutu. Et Mathilde aussi.

« Ah ! Merci à tous les trois. Dis moi, Mathilde, tu ne serais pas l’une des élèves retardataires ? Demande Mélanie confuse

— Si ! C’est bien moi, je suis arrivée avec Léo et une fille bizarre qu’on ne voit jamais. Toi tu es Mélanie, une fille qui tombe du ciel et digne de confiance. Répond Mathilde avec une légère pique.

— C’est un joli portrait que tu brosses de moi. Bref !

— On pourrait peut-être aller manger maintenant ? Nous arrête Elsa impatiente de déjeuner.

— C’est vrai qu’au départ, on partait faire ça » rappelais-je.

 L’infirmière revient vers le lit et conseille de ne pas nous précipiter, une chute d’une telle envergure ne peut pas être anodine. On l’écoute avec attention, mes poils se hérissent quand j’apprends l’effroyable vérité. Les filles aussi sont perturbées.

« Ne vous pressez pas. Mélanie a de la chance d’être encore en vie, normalement, une chute de cette hauteur l’aurait rendue infirme, voire l’aurait tuée.

— Qu’est-ce que vous dites ? Demandais-je inquiet.

— Elle est tombée si brutalement qu’elle a roulé dans les escaliers, si j’ai bien compris. Elle aurait pu s’ouvrir le crâne ou sombrer dans un profond coma. Ce n’est pas une blessure innocente, ton amie a failli mourir. »

 Mourir. Mourir. Cet insupportable verbe qui hante ma vie est revenu, il surgit de l’autre monde et m’arrache toutes les personnes à qui je tiens. La malédiction se poursuit : D’abord Julia, maintenant elle. Une seule personne est responsable. Et je traverserais les Enfers pour retrouver cette salope.

« Je vais l’atomiser. Elle ne pourra jamais plus se regarder dans une glace après ça, son visage de sale gorgone. Il va finir en miettes. Fis-je frappant mon poing, consumé par la rage

— Arrête ! Tu ne sais même pas si c’est sa faute. Dites lui Lucie. »

 Ma colère s’estompe quand j’entends que Mélanie ne croit pas que Barbara y est mêlée. Mais pourtant, elle s’est moquée de sa maladresse, Mélanie m’a aussi mis en garde qu’elle n’est pas quelqu’un de bien, que je ne devrais jamais la fréquenter. C’est du Castrella tout craché.

« Comment ça ce n’est pas sa faute ? C’est comme ça qu’elle procède, avec ses tours vicieux et perfides. Comment tu peux la défendre après ce qu’elle a osé te faire ?

— Ben ! Mélanie a raison, personne n’est responsable de quoi que ce soit. C’était un accident, un dramatique accident. M’explique Lucie Dangern

— Je ne comprends pas comment vous pouvez croire ça. Même vous madame Dangern, vous êtes infirmière, votre objectif est de soigner les blessés. De les rétablir.

— Pas de mener une enquête sur une prétendue tentative de meurtre ». Achève t-elle

Je me tourne vers Elsa qui est la seule à pouvoir m’aider, elle déteste Barbara autant que moi. Je ne peux pas me tromper, l’Altesse Glaciale est coupable, sauf que personne ne me croit.

 « Mais dis quelque chose Elsa. Tu la détestes autant que moi, Mélanie m’a mis en garde contre elle. Et qu’est-ce qu’il se passe, Mélanie manque de mourir. Lui demandais-je. Puis voyant qu’elle ne répond pas : Putain ! Y a personne qui est logique dans cet endroit ou quoi. Vous avez quoi qui cloche chez vous ? » criais-je avant de sortir de la pièce.

J’entends Elsa qui vient vers moi, elle me demande de revenir et de m’excuser. Manquer de respect ainsi à l’infirmière le premier jour n’est pas bon pour mon image. Qu’est-ce que ça peut me foutre, on veut bousiller ma vie. Cette sœur qui réapparaît, prétendue morte dans l’accident, et maintenant ça.

« BEN ! REVIENS ICI TOUT DE SUITE ! Demande Elsa mécontente

— Ça sert à quoi ? Personne ne me croit, vous pensez que je projette ma haine sur Barbara inutilement. Et qu’elle est innocente. Alors qu’elle se pavane comme la coupable qu’elle est.

— Ben ! Je t’ordonne de te ramener, tu aggraves ton cas ».

 J’ignore si c’est la voix de Lucie Dangern ou de quelqu’un d’autre, mais j’obéis. Faire ma forte tête plus longtemps n’aidera pas à découvrir ce qui s’est passé. Me revoilà dans l’infirmerie, le lieu où on me considère comme fou et où Barbara est un ange.

« Quoi ? Vous pensez toutes que j’exagère. Ça sert à quoi de discuter si personne ne me soutient ? Les questionnais-je

— Écoute. Je sais que c’est difficile avec le retour de ta sœur, enfin son sosie. Mais Lucie n’a rien fait, elle m’a aidée à me rétablir. Présente lui tes excuses. Tu devrais en faire autant pour Elsa et Mathilde.

— C’est sûr vu que je n'ai rien dit, Elsa non plus d’ailleurs. Sympa de mettre tout le monde dans le même bateau » Répond vexée Mathilde les bras croisés.

« Ouais ! Bon, je suis désolé. Madame Dangern, je sais que vous aidez au mieux Mélanie, et nous tous. Mais j’ai eu si peur pour elle que ça me rend fou de ne pas comprendre. Personne ne dit rien, personne n’a aidé à part Mathilde et moi, les autres élèves ont filé comme des lapins. Bah ! Ils la connaissaient pas de toute façon.

— J’apprécie tes excuses Ben, mais si tu m’avais laissée finir, j’aurais expliqué pourquoi il n y a personne à blâmer. Tente Lucie Dangern pour m’apaiser

— Oui ! J’ai été con, pardon ! Allez y. Qu’est-il vraiment arrivé ? »

Il va falloir que je me calme sérieusement, ma mère dans son message avait raison : « J'espère que l'Épi Noir sera ton phare et qu'il t'empêchera de sombrer. Tu es sur une mauvaise pente ». Bilan de ce premier jour de rentrée: je me suis engueulé avec Léo, Mélanie, l'infirmière, Mathilde et Elsa, ainsi que Barbara évidemment. Aucun prof, ni membre de la direction. C'est plutôt rassurant, mais jusqu'à quand ?

[ Ressaisis toi Ben ! Sinon tu ne feras pas long feu ici. Tu sais ce que ça signifie. Adieu Mélanie. Et surtout, ta mère ne te pardonnera jamais de l’avoir déçue, une nouvelle fois. C’est ta dernière chance, tu dois la saisir. Ne finis pas comme ton père à sombrer dans les ancestrales abysses.]

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