Je suis froissée, certainement une mine affreuse, endolorie aussi. Je me redresse du banc sur lequel j’ai dormi et mes yeux trainent sur le sol inconnu, pas tout à fait réveillés. Je grelote. Chez moi, dormir à la belle étoile était un plaisir, ici, je n’avais pas pensé à la rosée du matin. Mes articulations figées par le froid se dérouillent tranquillement et je tire un peu sur mon pull pour me donner un air moins débraillé.

La main en suspend devant la porte double battant du dortoir commun, j’hésite, j’écoute. Il est un peu plus de 5 h, il y a déjà quelques bruits, les premiers sont réveillés. Une grande inspiration, je pousse l’un de battant. Mes affaires n’ont pas bougé, deux sacs bowling posés à la hâte sur le seul lit vide. Je les ai déposés cette nuit et suis allée dormir ailleurs pour ne réveiller personne.

— On ne nous avait pas dit qu’la nouvelle aurait une tête de clochard !

Je lève des yeux à peine intéressés vers le plaisantin et rien ne me vient à l’esprit.

— Alors, tu sais pas causer ?

Une godasse lancée en pleine tête fait office de réponse. Un sourire moqueur étire mes lèvres malgré moi et je tourne la tête vers l’habile lanceur, lanceuse, je rectifie.

— Lui, c’est Henri. Tu sais, celui qui va tout faire pour pourrir la vie du nouveau parce que la bêtise est inhérente à lui même.

Je passe devant lui alors qu’il se frotte la tempe, rouge plus de colère que de douleur.

— Salut Henri.

— Ta mère !

— Elle va bien, merci.

La fille saute de son lit et me tend la main.

— Tu verras, il y a des langages qu’il comprend mieux que d’autres. Charlotte, première littéraire.

— Margodt, seconde littéraire, je lui réponds en serrant sa main.

— Mais les gars il est 5 h du mat’ bordel…

— Et ça, c’était Basile, lui, c’est celui qui va te draguer, puis quand il aura compris que ce sera non, ce sera ton ami le plus loyal.

— Salut Basile !

Je vois un peu plus loin des draps bouger et une tête ravis se redresser.

— Une nouvelle ?!

Je ris, et Charlotte avec moi.