Etoiles

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J’observe les étoiles, ce soir. Je suis sur le toit, seul. Maintenant elles ne m’inspirent plus un bonheur inaccessible, mais plutôt un réconfort, quelque chose qui prouve que nous faisons tous partie du même ensemble. Ai-je enfin fini mon voyage ? La colère que je sens toujours brûler faiblement vis-à-vis de mon père est-elle toujours naturelle ? N’est-ce pas moi qui m’y fais croire par idéalisme, par jugement de valeur ?

Le printemps est de retour. Les fleurs vont réapparaitre, le renouveau va opérer. Comme chaque année, il succédera à l’hiver, là où se glacent les pressentiments, là où la chaleur est la bienvenue. Et moi j’ai vécu une nouvelle saison, celle du voyage. Une saison personnelle, qui a tiré en longueur. Une saison entre la froideur et le renouveau. Une saison bien à moi qui s’échappe de mes doigts comme des grains de sable.

Ma pensée a tellement changée, ces derniers temps ... Elle est passée par toutes les couleurs, toutes les colères. Elle a été brillante et mate, lumière et obscurité. Elle a été chute et parachute, cécité et visibilité. Oui, je suis passé par toutes les phases, mais maintenant je reviens. Et ce n’est pas du courage, c’est juste la fin de mon voyage. Oui j’ai vécu tout cela, pourtant je suis resté le même. Une montagne immuable, malgré les nuages éphémères.

Je suis debout sur ce toit, et j’en ai la conscience. Je suis debout ici-bas, et j’en fais une révérence. Oh vous le monde, je vous salue ! Vous m’avez fait vivre cette aventure, qui m’a temporairement écarté. Mais maintenant je suis de retour, de pied ferme et en armure. Mais maintenant je reviens, mon voyage j’ai terminé. Mais maintenant j’ai construit mon blason, mes soldats de plume. Je suis la plume éphémère qui s’envole dans le vent. Telle une volée d’hirondelles, luttant à contre-courant.

La plume s’est déposée, tout doucement sur un rocher. La vue est magnifique, d’où je suis perché. J’ai vécu et j’ai compris, j’ai vu les lueurs infinies. Maintenant je rentre à la maison, d’où je suis parti sans baluchon. J’ai couru et j’ai monté. J’ai escaladé et j’ai nagé. J’ai volé, je suis tombé. J’ai rampé et j’ai marché. Maintenant je m’arrête un instant, saisissant un moment unique. Je respire enfin la vie, et elle respire avec moi. Je me suis enfin posé, sur ce toit délabré. Enfin j’ai déserté, de ces horribles réalités. Je suis devenu un penseur, mais aussi une libellule. Qui par-dessus étangs et fleurs, en oublie le bitume. Enfin je suis là, ici et maintenant. Et enfin je le vis, ce précieux moment.

On m’a bafoué, à travers encre et papier. On m’a détrempé, quand l’encre s’écoulait. Maintenant on me laisse tranquille, avec un bâton et une carte. Ma route sera la mienne, elle sera beaucoup plus calme.

Comme une phrase de silence, une montagne de vérité. Et je m’en vais, comme un soldat sans la guerre, et je m’en vais, affronter les batailles de la vie. Et je m’en vais, une fois de plus sans amis. Sans amis, mais tous le sont, enfin cette vérité.

J’ai vécu des aventures, par-delà grêle et froid. J’ai cherché le réconfort, par-delà toi et moi. Maintenant je suis sur un toit, le béton sous mes pieds est mouillé. Tout comme mes joues, mais cette fois de liberté. La foi est créée, le destin lui échappe. L’attention est dressée, au plus profond des regards. Et moi je suis debout, là maintenant comme un chef. Je suis là où je voulais être, plus grand et moins amer. Je suis ici et je ressens, enfin, le plaisir. Le simple fait d’être là, de remballer mes valises. Je suis ici sans rêver d’autre part. Je suis ici debout, sans besoin de courage. Enfin la page est tournée, les souvenirs acceptés. Enfin je suis vivant, impuissant dans la nuit étoilée.

Et si je pleure, et si je crie, ce sera des larmes de joie. Car j’espérerai, je me souviendrai, et j’accepterai. Car maintenant je suis un homme, pas n’importe lequel. Je suis moi, Aki hors norme, qui n’a plus aucune séquelle. Je suis la goutte de la cascade, je suis un minuscule irréel. Je suis compassion sans visage, je suis l’amour éternel. Car enfin sans les détails, la fleur de cerisier est tombée. Car enfin après bataille, la rancœur s’en est allée.

Je descends l’escalier du centre, traînant ma valise derrière moi. Les roues rebondissent à chaque marche, comme une marque de joie. J’arrive sur le trottoir, et mes yeux balayent la rue.

Soudain je la vois, la Volvo grise-bleutée. Un homme en sort, tout de noir habillé. Mon père.

J’essaie encore une fois de ressentir cette haine, cette rage que j’avais à son apparition. Mais cette fois, rien ne vient. Rien. J’essaie de me forcer à le détester une fois de plus : mais c’est une fois de trop, la fin de ces idées.

Soudain je renonce et j’avoue : j’en ai assez, je n’en peux plus. Même lui je n’en peux plus de ne pas l’aimer comme on aime un père, comme on aime chaque être vivant.

J’hésite, mais je sens que plus j’attends, plus je me renferme. Alors je lâche tout. Je lâche tout et je cours.

Je cours à en perdre haleine. Je cours vers lui encore plus vite que mes jambes le peuvent. Je frôle à peine le sol, le vent me fouette le visage. Je n’ai plus rien en tête.

Enfin j’y suis. Ses bras se referment sur moi. J’inspire profondément, enfin soulagé.

L’amour paternel, on ne peut rien lui enlever. Je suis dans les bras de mon papa, comme je ne l’ai jamais été.

Impuissant ? Oui. À jamais.

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