La porte d'eau

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Le temps était froid et sec en cette fin de mois d’octobre. Une légère bise me déformait le visage en un rictus de douleur. La pendule du clocher claironnait les 16:00 avec une ardeur qui me meurtrit les tympans. Je filai vers le bois de Saint-Jean. Je vénérai ce petit détour pour rentrer à la maison. Il serpentait entre des arbres centenaires, et longeait la rivière Anté : c’était majestueux. Ce chemin revêtait pour moi un effet libératoire. Après une journée de labeur, mon esprit s’apaisait à la vue de la beauté de ses lieux. Mon domicile se situait à deux kilomètres de mon travail. Par la forêt, je rallongeai le parcours d’un kilomètre. J’arrivai au passage le plus délicat de la piste : un léger dévers d’une trentaine de mètres le long de la berge. Lorsque le temps était humide, je préférai le contourner. La pente était trop glissante et à coup sûr je finirai la tête la première dans les eaux cristallines. Oh non que je ne savais pas nager, et je dois l’avouer m’y être souvent baigné en été, mais il faut rester maître de ces choix. Aujourd’hui, le sol était bien sec. Je m’engageai donc sur le tronçon sans une once d’hésitation. Comme vous pouvez vous en douter, mon pied ripa sur un amas de mousse qui recouvrait une pierre. Tout se passa alors très vite. Je tombai en arrière dans la rivière. Mon corps ressentit immédiatement la morsure glaciale de l’humide élément. Je m’enfonçai rapidement sous les flots. Ma vue se flouta au contact du liquide. Ici, il devait y avoir à peine deux mètres de profondeur. En quelques secondes, mes mains touchèrent le fond boueux. Tout mon être entra dans une léthargie hypnotique. C’est alors que quelque chose d’inconcevable se produisit.

Mon dos ne rencontra aucune résistance. Puis, je chutai pour la seconde fois. Une chute soudaine de quatres mètres environ. J’eus le souffle coupé lorsque mon corps s’écrasa avec violence sur un terrain caillouteux. Une douleur aiguë m’irradia le bassin et une chaleur inattendue enveloppa tout mon être. Je criai et mis quelques minutes avant de reprendre mes esprits. Mes yeux s’ouvrirent sur un cours d’eau qui lézardait un ciel bleu immaculé. Mon cerveau mis un certain temps pour assimiler la situation. L’effroi s’empara de moi. Je me redressai d’un coup déclenchant par la même occasion, une onde de douleur dans le bas de mon dos. Je serrai les dents et attendit que le mal se calme. Je levai à nouveau les yeux. Au-dessus de moi, l’Anté glissait avec nonchalance dans le ciel. J’examinai le lieu avec hâte. Je me trouvai sur un sol rocailleux, une sorte de désert sans le moindre arbres, ni aucune trace de verdures. Il faisait très chaud. Je défis mon manteau qui ne devrait pas mettre longtemps à sécher à cette température. Ma première explication était que je dus rêver. Ou plutôt cauchemarder. J’allai me réveiller dans mon lit, tout en sueur, ce n’était qu’une question de temps. Cependant, le réalisme de l’instant me laissait perplexe. Et il n’était pas très enviable. Je me levai et fis quelques pas mal assurés. Apparemment, je ne m’étais rien cassé. C’était déjà une bonne nouvelle. J’arpentai le terrain de droite à gauche. Un peu plus loin, il y avait une petite colline. Je décidai de m’y rendre afin d’avoir une vue d’ensemble sur le paysage. Après dix minutes de marche épuisante, je découvris mon horrible situation : le désert partout. Ah non, en contre-bas, à environ trois cents mètres de la rivière inversée, il y avait une cabane. Mon moral fit un bond et je me précipitai vers cet abri.

J’ouvris la porte plein d’espoir. Elle était inoccupée. Le refuge était composé d’une pièce unique avec une table au fond à droite près d’une fenêtre brisée, d’une chaise en paille, et d’un semblant d’évier muni d’une pompe. Je vérifiai si elle fonctionnait. Il y avait de l’eau ! Je bus avec avidité le liquide salvateur. Elle était bonne, au goût tout du moins. Donc j’avais un abri, de l’eau, mais pas de nourriture. Comment retourner dans mon monde ? J’avais pensé à faire le chemin inverse, mais impossible. La rivière était trop haute ! Il aurait fallu m’y projeter comme un caillou. Je fis d’ailleurs le test en y lançant un projectile. La pierre pénétrait bien le cours d’eau et retombait quelques secondes plus tard. Normal, elle ne flottait pas et, elle ne nageait pas. À sa place, j’aurais pu m’en sortir ! Deux jours passèrent. Oui dans ce monde, il y avait également un jour, une nuit. Je ne pouvais attendre éternellement en ces lieux. Il me fallait de la nourriture. Alors que je désespérai, mes yeux tombèrent sur une petite bouteille de verre. Sur une étagère délabrée reposait un crayon de bois et quelques feuilles poussiéreuses. Je décidai d’écrire mon aventure, de la mettre en bouteille, afin de la lancer dans la rivière. Elle remonterait à priori à la surface.

– En tout cas, cette histoire est vraiment excellente, fit le père de Gautier. Et la mise en scène est parfaite !

– Mais Papa, si c’était vrai ?

Le père fut secoué par un rire tonitruant...

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