Chapitre 4.6 :

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La plume grattait avec frénésie, l’homme corrigeait les nombreuses erreurs qui parsemaient le papier. Avec un peu plus de temps, il aurait pu apprendre à ces idiots comment remplir un rapport. Au moins ils devraient être capable de se comporter comme de vrais soldats, ou faire semblant.

Ses paupières se fermèrent pendant une demi-seconde, et la plume lui échappa des mains. L’homme grogna en se frottant les yeux, il avait besoin de sommeil. Son regard glissa sur la lance posée contre le mur, il eut soudain une irrépressible envie de la saisir, mais il parvint à se retenir. Cette arme semblait lui rendre sa jeunesse, mais elle provoquait en lui un étrange malaise qu’il ne parvenait pas à expliquer.

— Je réfléchis trop.

Il ramassa la plume, mais la porte s’ouvrit avant qu’il n’ait le temps de reprendre le travail.

— Encore debout mon général ? Il commence à se faire tard vous savez, j’ai dû réprimander deux sentinelles qui reposaient un peu trop leurs yeux.

Le vieux soldat leva les yeux, Lan’Ru s’installa nonchalamment dans un siège en face de son bureau. Ses longs cheveux noirs étaient noués en arrière, et il caressait son bouc comme s’il réfléchissait. Il portait un vêtement bleu ciel ample originaire de son pays qu’on appelait… qu’on appelait…

Un kimono.

— Je t’ai déjà dit de m’appeler Livink quand nous sommes en privé, lança le général. As-tu fait bon voyage ?

— Désolé chef, répondit Lan’Ru avec un sourire en coin. Tout s’est plutôt bien passé. J’imagine que vous avez reçu ma lettre ? Les autres m’ont annoncé que vous vous êtes rendu à Vitry.

— Ils t’ont parlés des patrouilleurs retrouvés morts ?

— Oui, vous soupçonnez les villageois ? demanda le Nijimien avec une moue.

— Non. Ce sont sûrement des bandits qui ont voulu se venger, et je n’ai pas d’argent ou de temps à consacrer à ce problème. Comment se passe le rassemblement ?

— Très bien, plus rapidement que prévu même.

Lan’Ru sortit une flasque rempli d’un liquide transparent de sa poche, ainsi que deux gobelets. Il servit un verre à Livink avant d’avaler le sien d’une seule traite.

— Vous ne buvez pas ?

Je déteste l’alcool de ton pays, et tu le sais très bien.

Livink trempa ses lèvres dans le breuvage hautement alcoolisé, il sentit tout de suite sa bouche le brûler. Il conserva néanmoins une expression neutre, et vit une pointe de déception apparaître sur le visage de son subordonné. 

— Poursuis veux-tu.

— Quand je suis parti, il ne manquait plus que le seigneur Braquion, le seigneur Sarruck et nous-mêmes. Messire Perium était très satisfait des dernières recrues que vous avez envoyées.

— Ils savent à peine suivre des ordres basiques, avec quelques mois de plus j’aurais pu en faire des vrais soldats.

Lan’Ru leva les épaules, avant de se servir de nouveau.

— En bref, tout est prêt pour la suite des opérations. Quand partons-nous ?

— Dès demain, affirma Livink en rangeant ses papiers dans un tiroir. Les villageois seront prêts pour midi.

— Dire que je pensais me reposer un peu, plaisanta Lan’Ru.

Livink observa le mercenaire, il avait quarante ans, dix ans de moins que lui, et pourtant il paraissait si jeune. Le général aurait volontiers sacrifié tous les hommes de ce maudit avant-poste pour une année de jeunesse supplémentaire.

Il soupira, tout se passait bien, mis à part l’accident d’aujourd’hui bien sûr, la rébellion allait enfin pouvoir réellement débuter. Toutes ces années de travail allaient porter leur fruit.

— Rien d’autre à ajouter ? demanda Livink en se levant.

— Laissez-moi réfléchir, dit Lan’Ru en mimant une intense concentration. Rien qui sorte de l’ordinaire… a part peut être le baron Timus.

— Timus ? répéta Livink, intrigué. Cet idiot a-t-il déjà fait une remarque pertinente ?

— Il trouvait qu’exploiter les villages était un peu immoral. Sa proposition était de ne pas les recruter pour gonfler nos troupes.

Malgré la fatigue, Livink sentit son sang ne faire qu’un tour. Personne n'avait voter la décision d'exploiter les villages de gaieté de coeur. Mais une armée, qui plus est une armée rebelle, cela ne se finance pas et ne se nourrit pas tout seul. De toute manière ces villages étaient déjà abandonné par le roi, ces pauvres gens faisaient des proies idéales pour les bandits. Au final, Livnk n'avait fait que demander un juste paiement pour les services rendus.

Et Timus... Cet imbécile de petit baron avait suivi chaque instruction sans broncher, et maintenant que tout était presque finit, il osait remettre en cause le projet. Ce genre de comportement méritait de…

Le général remarqua le petit sourire amusé qui venait d’apparaître sur le visage de Lan’Ru.

Cesses donc ces enfantillages.

— Tu sais très bien que nous ne faisons pas ça par gaieté de cœur, fit Livink en se calmant. Cet empoté de Timus est parfaitement au courant lui aussi. Nous n’avons pas d’autres alternatives pour financer un projet d’une telle envergure.

— Je suis au courant mon général, je ne faisais que répéter ce que j’ai entendu.

Tiens ? J’ai cru que tu essayais de me faire passer un message ? Et arrête de m’appeler général bon sang !

— Et puis « Ils » demandent des choses que nous ne pourrions pas fournir autrement. De toute manière ce qui est fait est fait, Timus peut se plaindre autant qu’il le désire, si nous perdons il sera jugé pour traîtrise tout comme nous.

— La potence nous attend tous ! plaisanta Lan’Ru.

— Seul le roi recevra ce privilège, répondit Livink en souriant à moitié. Va donc te reposer, nous avons une longue journée demain.

— Je vous retourne le conseil, mon général.

Lan’Ru quitta la pièce en effectuant une demi-révérence, et Livink se retrouva de nouveau seul. Presque sans y penser il attrapa Fulgur.

Utiliser la lance lui avait procuré une sensation de puissance incroyable, son pouvoir était enivrant. Quand aurait-il l’occasion de l’utiliser à nouveau ?

Livink Haste ne posa pas l’arme ce soir-là, il l’emporta dans sa chambre sans même y penser.

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