Chapitre 46 : Course-poursuite

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La plus grande cité de Drocia faisait pâle figure comparée à celle du pays voisin. Les murailles étaient moins hautes, le château moins imposant, et sa position, à côté de la mer, la faisait paraître plus petite. Néanmoins, la pierre grise utilisé pour construire la muraille lui donnait un aspect plus robuste, plus rustre et résistant. Le soleil d’été était bloqué par des nuages, projetant une lumière assez douce sur les murs. Des douves entouraient la ville entière, et une herse en fer était levé, permettant à des chariots de traverser un petit pont en pierre, pour pénétrer dans la capitale. Nombres de personnes attendaient leur tour pour rentrer, formant un véritable embouteillage.

Malgré son apparence plus dure, la ville avait l’air paradoxalement plus accueillante et chaleureuse.

— Enfin d’autres humains ! se réjouit Eddie en passant devant. J’ai beau être solitaire, je commençais à en avoir marre des villes fantômes !

— Les gens ont l’air pressés, remarqua Luke. Dépêchons-nous.

Ils marchèrent rapidement, s’approchant d’un chariot tiré par un vieil âne fatigué, situé au bout de la procession cherchant à rentrer dans la cité. A l’arrière des femmes et des enfants attendaient en silence, et ne réagirent même pas à la présence du groupe. Luke interpella le conducteur, une femme aux cheveux roux, à l’air tout aussi morose.

— Excusez-moi, puis-je vous demander d’où vous venez ?

— Hum ? Tu ne veux pas aller emmerder quelqu’un d’autre ? On attend depuis des heures, mets-toi derrière comme tous les autres.

Surpris par cette réponse, Luke n’abandonna pas pour autant.

— Je voudrais juste savoir si...

Un grand fracas et des chevaux qui hennissent le coupèrent dans sa phrase. Des cris s’ajoutèrent bientôt à ce vacarme, tandis que quelque chose sortait rapidement de la ville, bousculant les personnes dans la file. Sokann, le plus grand, vit des chevaux galoper à toute vitesse, sur le premier d’entre eux, un homme dont le visage était masqué, tenait un enfant dont la tête était recouverte par un sac en toile. Il vit plus de sept hommes remonter la file, suivit par une femme aux cheveux blonds, et enfin de garde qui avançait plus lentement, car eux essayaient de ne pas blesser les voyageurs qui attendaient.

— Arrêtez-les ! hurla la femme, la voix ferme, habituée à commander les autres.

Luke ne comprit pas pourquoi, il ne voyait même pas le visage de l’inconnue à cette distance, mais il eut l’envie irrépressible d’accéder à son ordre. Quatre cavaliers passèrent à toute vitesse à bonne distance de lui, mais le cinquième dut éviter un vieil homme en ralentissant. Ne sachant toujours pas pourquoi, le corps de l’amnésique prit la décision d’agir par lui-même, il bondit, s’accrocha au bandit, et se retrouva assis sur la croupe de l’animal.

— Tu fais quoi ? hurla l’homme en se contorsionnant. Lâche-moi !

Le fuyard tenta de donner un coup de coude en arrière, mais Luke bloqua avec sa main gauche. Sa main droite vint s’écraser avec puissance dans la nuque du hors-la-loi, le sonnant, profitant de l’occasion Luke le poussa le côté, le jetant à terre. Il attrapa rapidement les rennes et s’avança sur la selle.

J’espère que j’étais bon cavalier.

La difficulté qu’il eut pour calmer la bête, et mettre les pieds dans les étriers le fit vite déchanter. Quand il parvint à trouver une position correcte, la ville était déjà loin derrière lui, tout comme la femme et les gardes. Les compagnons du premier bandit s’étaient approchés pour l’entourer, leurs armes à la main. Devant lui, le kidnappeur gardait une bonne distance. Une lame de hache frôla l’épaule de Luke, son cheval avait décidé de ralentir sans prévenir, lui sauvant la vie par la même occasion.

— Meurs, chien !

Un nouveau coup, cette fois lancé avec une épée rouillée, fût évité grâce à une subite embardée sur la droite. Luke vit trois cavaliers sur sa droite, deux derrières et à gauche. Il dégaina son katana avec maladresse, et réussit à dévier un coup qui venait de sa droite, avant de riposter, déchirant le torse de son agresseur, qui glissa de sa selle.

Le reste des cavaliers l’insultèrent de plus belle, et en se préparant à un nouvel assaut, quelque chose heurta sa monture. Il tourna la tête juste à temps pour voir une hache plantée dans la patte arrière de la bête, tandis que cette dernière s’affaissait en avant. Luke bondit en avant, colla son épée contre lui, et roula sur lui-même pour essayer d’absorber du mieux possible le choc. Il leva les yeux juste à temps pour voir une lance de cavalerie foncer tout droit sur lui pour l’empaler. Revoyant Eddie le faire, Luke bondit, les deux pieds lancés en avant, qui heurtèrent de plein fouet le torse du cavalier, le propulsant en arrière. L’amnésique attrapa tout ce qu’il put – la crinière, les rennes – et parvint à se remettre en selle.

— Occupez-vous de lui bordel ! hurla l’homme en tête, qui avait du mal à galoper à pleine vitesse, avec son fardeau entre les bras.

Deux cavaliers armés d’épées se préparent à frapper de chaque côté, et Luke eut une idée qu’Eddie aurait pu avoir.

J’ai peur qu’il commence à déteindre sur moi.

Tenant les rennes de la main gauche, et son katana dans la main droite, l’amnésique se mit debout sur la selle. Il n’était pas stable, mais de toute manière assis il ne l’était pas non plus.

— Crevez-le !

L’homme masqué à sa droite tenta de trancher les jambes de Luke, mais il parvint à dévier le coup, et répliqua par un coup d’estoc mortel, tout se retenant par les rennes pour éviter de tomber. Le second assaillant frappa sa monture, enfonçant son épée dans son flanc. L’amnésique fit volte-face rapidement, et comme il l’avait prévu en se mettant debout, il sauta de son cheval vers celui de l’attaquant, la lame pointée vers l’avant. L’arme s’enfonça dans la gorge du bandit, et glissa des mains de Luke quand le corps du hors-la-loi chuta sur le sol.

A présent désarmé, l’amnésique attrapa les rennes à deux mains, que le chef des fuyards pénétrait dans une forêt. Luke lança son cheval à pleine vitesse derrière lui, n’ayant plus aucun moyen pour se défendre face aux trois derniers cavaliers.

— Plus vite ! dit-il pour encourager sa monture, qui ne lui obéissait pas très bien.

Heureusement la bête était bien entrainée, et slalomait entre les arbres avec agilité. Son objectif se rapprochait de plus en plus, et le kidnappeur jetait des regards inquiets derrière lui. L’homme changea brusquement de direction, et Luke ne le laissa pas le semer.

— Arrête-toi !

Le cheval du fuyard traversa des feuillages, sortant de son champ de vision, et au même moment on entendit l’homme crier. Luke tira les rennes en arrière, forçant sa monture à ralentir rapidement, tandis qu’il sortait de la forêt. Il arriva dans une grande clairière, que l’amnésique reconnu, ils avaient campé par ici avant d’arriver à Helmstedt. La bête était au sol, visiblement elle s’était heurtée à des grosses racines. Le bandit était tombé un peu plus loin, et ne bougeait pas, quant à l’enfant, son sac était tombé de sa tête et il était évanoui sur le sol.

Luke sauta de sa monture, et s’approcha de lui pour vérifier son état. Il avait des cheveux blonds coupés courts, ainsi qu’un visage qui commençait à tendre vers celui d’un adolescent. Son torse se soulevait à intervalle régulier, et l’amnésique fut rassuré. Le bruissement de l’herbe derrière lui trahis un mouvement, et Luke roula sur le côté en maintenant le garçon contre lui. La lame d’une dague lui entailla l’épaule droite.

— T’es qui toi ? grogna le bandit, qui avait enlevé son masque, dévoilant une grosse barbe et des yeux exorbités. Tu veux de l’argent ?

— Pourquoi vous voulez ce gamin ? répliqua Luke en se relevant.

— « Gamin » ? C’est le prince héritier de Drocia abruti ! Donne-le-moi !

Luke hésita entre déposer son fardeau, pour tenter d’affronter le hors-la-loi à mains nues, ou à essayer de remonter sur son cheval pour fuir. Des sabots se firent entendre, et les deux bandits restants déboulèrent dans la clairière, attirés par le bruit de la discussion.

— Pose-le au sol, marchanda le chef des bandits. Et on te laisse la vie sauve, tu ne veux quand même pas crever pour un de ces connards de noble ?

Devant l’absence de réponse de son interlocuteur, le kidnappeur siffla, et l’un des cavaliers fonça sur Luke. Il évita un coup d’épée de peu, mais porter l’enfant l’empêchait d’utiliser sa main gauche tout en le ralentissant. Une lame déchira ses vêtements, tandis que la dague du bandit à terre se planta dans sa cuisse.

Un genou au sol et le souffle court, Luke sentit sa main droite s’agiter, la lumière violette de la marque était visible même à travers son gant. Il sentit sa conscience être attiré dans la pièce sombre, mais il résista, hors-de-question d’abandonner son corps une fois de plus, il risquait de tuer le prince sans le vouloir. Forçant sur sa jambe blessé, l’amnésique se remit debout, prêt à affronter un dernier assaut. Une puissante voix stoppa les bandits dans leur élan.

— Reculez !

Une magnifique jument passa à toute vitesse dans la clairière, et une chevelure blonde éclatante atterrit devant Luke. D’un geste habile la femme dégaina une rapière qu’elle portait à sa ceinture, et déchira une partie de sa robe pour être plus libre dans ses mouvements. Les deux cavaliers descendirent de leur cheval en riant, affronter une noble et un blessé ne leur faisait pas peur.

— Poses donc ce jouet, se moqua le premier. On va bien s’occuper de toi nous !

Un pas rapide en avant, une fente, et la lame de la rapière transperça la gorge du bandit. Elle retira sa lame, et il mit ses lames à son cou, dans un effort inutile se stopper le sang qui coulait. Le chef des hors-la-loi poussa un cri, et se jeta en avant sa dague plongeant vers le torse de la blonde. Elle frappa avec précision, et sa lame s’enfonça dans l’avant-bras de l’homme, stoppant l’assaut. La femme se recula, avant de percer le torse du bandit. Le dernier hésita entre fuir et combattre, mais l’escrimeuse décida avant lui, et la belle rapière le tua en un instant.

La femme se retourna vers Luke, elle avait le souffle court et de la transpiration coulait sur son beau visage pâle, néanmoins il était impossible de deviner qu’elle venait d’affronter trois hommes armés avec une facilité déconcertante. Elle planta deux profonds yeux bleus dans ceux de Luke, et il fut désarçonné par un regard d’une telle puissance.

Elle lâcha sa rapière, et s’avança vers Luke avant de se baisser à sa hauteur. Elle le gifla avec violence, et l’oreille de l’amnésique se mit à siffler.

— Après tout ce temps, après tout ce que tu as fait. Tu oses revenir sale traître ?

L’instant d’après elle l’embrassa, avec une passion qui paralysa complètement Luke. Elle cessa l’étreinte, et le transperça de nouveau de ses yeux bleus.

— Comment as-tu pu faire ça ? La veille de notre mariage ?

— Votre mariage ?

La blonde et Luke tournèrent la tête sur le côté, et virent une jeune femme aux cheveux gris complètement choquée.

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