Prologue

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Des tremblements incontrolable agitait tout son corps, tandis que Luke crapahutait avec difficulté dans un désert blanc. Le froid et la neige n'avaient aucun mal à l'atteindre à travers ses minces bottes en peau. Ses fins vêtements ne lui apportaient aucune aide face au climat glacial. Il n'avait jamais aimé les basses températures de toute façon, et l'hiver était devenu la saison qu'il détestait le plus depuis... Depuis quand en fait ?

J'ai froid.

La neige tombait de plus en plus fort. Le blizzard, accélérait un peu plus tandis que le soleil disparaissait lentement au loin. Pour Luke chaque pas était plus fatigant que le précédent. Ses jambes, enfoncés jusqu’au genou dans la poudreuse, rechignaient à la tâche tant chaque mouvement était difficile.

Cela devait faire plus d'une heure - depuis qu'il avait ouvert les yeux, allongé dans la neige - qu'il luttait pour progresser. Continuant encore et toujours dans la même direction, sans que le paysage ne change d'un pouce.

Du blanc, du blanc, et encore du blanc, avec parfois une pointe de marron et de vert.

La monotonie du paysage commençait à le faire paniquer.

Impossible pour lui de se souvenir ce qu'il faisait ici, ou même simplement de savoir où il était. Interroger sa mémoire ne lui apportait aucune réponse, il n'y avait qu'un nom, le sien. Luke.

Je ne dois pas m'arrêter.

Des immenses sapins le regardaient de haut, jugeant avec mépris ses misérables efforts pour survivre. Il trébucha, et hésita à plusieurs reprises. Devait -il continuer, ou tenter de se faire un abri, peut-être même allumer un feu ? Tout en réfléchissant, Luke s'appuya contre un arbre pour reprendre son souffle, avant de repartir rapidement.

Quelques pas plus loin, son pied rencontra quelque chose qui était caché sous une épaisse couche de neige, et il tomba lourdement en avant. A cet instant, se relever lui sembla si compliqué, qu’il préféra s’adosser au conifère le plus proche. Les tremblements qui le secouaient devinrent incontrôlable, et le simple fait de garder les yeux ouverts mobilisait toute ses forces.

— Juste quelques secondes, murmura-t-il pour lui-même.

Il les rouvrit difficilement, sans savoir combien de temps s'était écoulé. Tout était devenu sombre autour de lui, et ses yeux mirent plusieurs secondes à s'habituer. Le décor n'était plus le même. Le paysage blanc avait été remplacé par un long couloir faiblement éclairé. Des silhouettes encapuchonnées allaient et venaient comme dans une fourmilière. Venant de partout, et de nulle part à la fois, la lumière devint de plus en forte, jusqu’à totalement l’éblouir.

Cette fois quelque chose se tenait devant lui. Une sorte de brume noir allait et venait, prenant successivement plusieurs formes différentes. Une main se posa sur son épaule, et il se retourna face à un visage qu'il identifia comme familier. L'inconnu lui fit un sourire, et sans pouvoir se contrôler, Luke s'avança vers le brouillard noir. Elle tourbillonna, avant de s'immiscer en lui, et une terrible douleur l'envahit.

Tout virevolta autour de lui, les couleurs se mélangèrent pour former un tapis blanc. Il était de retour dans la forêt. Luke regarda autour de lui, et vit quelqu'un allongé dans la neige, vêtue d’une simple veste en toile. Les cheveux de l'homme étaient gris, se fondant presque dans la poudreuse blanche. Ses yeux verts regardaient dans le vide, sans vie, et Luke comprit, il se regardait lui-même.

Je suis en train de mourir.

Il se réveilla en sursaut, le corps à moitié recouvert de neige. Il rassembla toutes ses forces pour se relever, son corps était à bout, il ne lui obéissait plus.

C’est là qu’il l’aperçut, tout juste à la limite de son champ de vision, un homme qui se déplaçait avec une torche. L'espoir revint en lui, et le réchauffa suffisamment pour qu'il parvienne à se remettre debout. Il buta de nouveau contre l'objet enterré dans la neige, mais cette fois il le ramassa. Une vieille hache rouillée, il s'en saisit fermement et se lança à la poursuite de l'inconnu.

— Attends ! hurla Luke à pleins poumons, sans savoir si on pouvait l'entendre à travers la tempête de neige.

La lumière de la torche dansait au loin, disparaissant par intermittence. Aidé par l'adrénaline, Luke puisait dans ses derniers retranchements ; c’était sa dernière chance s’il ne voulait pas mourir ici. Alors qu’il continuait de le suivre, il remarqua que la torche avait cessé d’avancer et qu’il s’en rapprochait enfin. Quand il fût assez près, il comprit qu'elle avait été plantée dans la neige, et que son possesseur avait disparu.

Luke remarqua ensuite qu’il avait atteint la lisière de la forêt. Devant lui, un mur rocheux se dressait, montant si haut qu'il était impossible d'en voir le sommet. Et juste en face de lui, à une dizaine de mètres, il pouvait voir une grotte.

C'est là qu'il a dû s'abriter !

Luke allait s'avancer, quand il sentit un mouvement juste derrière lui. Il eut à peine le temps de se retourner qu’il vit une forme bondir du sapin le plus proche.

— Crève fils de pute ! hurla l’ombre.

Luke voulu éviter la chose qui lui tombait dessus, mais la neige le fit trébucher sur le côté. Quelque chose de froid lui mordit le bras gauche, et une vive douleur secoua tout son corps.

Il se releva tant bien que mal et découvrit son agresseur, son sang se glaça encore davantage.

Le regard de l’homme était hagard, les yeux injectés de sang. Une grosse barbe ainsi que des longs cheveux noirs et gras lui masquaient en grande partie le visage. Néanmoins Luke vit qu’il était tordu par la haine et l’envie de meurtre. Il était à peine plus vêtu que Luke, mais le froid ne semblait pas l’atteindre.

Partout ou le regard de Luke se posait, il apercevait des tâches de sang. Un liquide sombre coulait même de sa barbe, et l’amnésique se demanda s’il en avait bu.

Luke avait l’impression de faire face à un animal sauvage plus qu’à un homme. Des tremblements de peurs s'ajoutèrent à ceux causés par le froid. Il devait pourtant garder son calme s'il voulait s'en sortir. Il leva calmement les mains pour essayer de l’apaiser.

— Calme-toi, dit-il doucement. Nous n’avons aucune raison de nous…

— La ferme ! rugit l’homme en levant son arme, une longue dague effilée. Avec toi ça fera enfin trente !

Il hurla, un cri qui n’avait plus grand-chose d’humain, avant de bondir en avant.

Luke resta immobile.

La mort s’approchait de lui, et il restait immobile. Son bras droit qui tenait la hache pendait mollement, totalement inutile.

Il allait mourir, tué par un fou, sans avoir rien fait pour se défendre. Une mort pitoyable.

Son corps en décida autrement.

Tout se passa en une fraction de seconde.

Luke prit son arme à deux mains et d’un geste expert dévia la lame du couteau avec le manche. L’homme tomba à côté de lui, emporté par son élan.

L’amnésique balança la hache vers l’avant, d’un geste sec et puissant. La lame bien qu’émoussé ne rencontra presque pas de résistance. Il avait frappé avec précision.

La tête de l’homme se décrocha, avant d’atterrir aux pieds de Luke, la stupeur gravée sur le visage barbu. Il cligna des yeux, ne réalisant pas vraiment ce qu’il venait de se passer, tandis que des gerbes de sang giclait du cadavre sans tête.

Sonné Luke voulu s’éloigner, mais sa jambe droite refusa de bouger. Il baissa les yeux pour voir une plaie longue comme la main, ce sang là c’était le sien. L’homme l’avait touché pendant sa chute.

Un bruit étouffé retentit dans la forêt, le corps sans tête s’était affaissé. Tout autour la neige avait pris une teinte rouge.

— Putain, souffla Luke entre deux respirations hachées.

La vision de l'homme se vidant de son sang lui donna la nausée. Il venait de tuer un autre être humain, avec facilité, d’un seul coup, comme s’il avait s’agit d’un animal.

Son corps avait tout fait à sa place, il n’avait pas voulu le tuer, tout s’était passé si vite…

Non, c’était bien lui qui venait de prendre la vie d’un autre être humain. Il venait de tuer et ses mains ne tremblaient même pas. Avait-il déjà tué avant ? Combien de personnes étaient mortes de sa main ?

Peu importe, il avait survécu, c'était tout ce qui comptait.

Le soulagement fut de courte durée. Luke sentit son autre jambe le lâcher et il s’écroula sur le sol. La fatigue, le froid et maintenant la blessure qu’il venait de recevoir, avaient terminé de saper ses dernières réserves d’énergie.

À moitié conscient, et dans un dernier instinct de survie, il se mit à ramper en direction de la grotte qu’il avait aperçu précédemment. Après ce qui lui parut être une éternité, il atteignit finalement la cavité rocheuse.

Sa vue était brouillée, et son corps ne répondait plus du tout. Les murs se tournaient et les sapins se moquer de lui. Ils riaient de sa faiblesse, ils se réjouissaient de sa mort.

Une voix retentit, l’extirpant des griffes de la mort.

— Mais qu’est-ce que tu fous dans notre grotte ?

Ce fut la dernière chose qu’il entendit avant de sombrer.

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