Chapitre 4 - Kuchizuke

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 Natsu prit quelques instants pour contempler la beauté qui se tenait devant lui. “Carmen” était superbe. Ses traits fins et son teint de porcelaine lui donnaient un air de poupée fragile. Ses cheveux blonds, proche du blanc, parfaitement ondulés et son petit nez retroussé lui donnaient un charme tout particulier. Des yeux vairons, légèrement en amande, simplement magnifiques. Bien sûr qu’il avait cru Niel lorsqu’il lui avait dit qu’elle était “exceptionnelle”, mais il ne pensait vraiment pas voir une si belle chose faire le trottoir.

 Elle était visiblement agacée par son petit stratagème. Carmen leva les yeux au ciel et soupira d’exaspération.

— Je vous reconnais maintenant. Vous êtes le motard de tout à l’heure.

 Il haussa les épaules. Elle avait le sens de l’observation. Il tira une bouffée de cigarette et s’approcha d’elle avant de lui répondre.

— C’est exact.

— Cette mise en scène n’était vraiment pas nécessaire. Venez me voir directement au lieu d’envoyer quelqu’un d’autre à la place, ça m’évitera les frayeurs, lança Carmen d’un ton plein de reproches.

 Natsu éclata de rire. Il ne s’attendait vraiment pas à ce genre de réponse; rares étaient ceux qui osaient lui répondre de cette manière.

 Le rire de son client sembla décontenancer Carmen puisqu’elle hésita un instant avant de retirer son manteau. La belle blonde finit par se découvrir : elle n’était vêtue que d’un simple corset en dentelle blanche, pigeonnant au maximum sa petite poitrine. Ses bas blancs opaques affinaient ses longues jambes, le tout attaché par un porte jarretelle. Le jeune homme laissa échapper un sifflement de surprise : il aimait ce qui se tenait devant lui.

 De sa main gauche, il attrapa la main de la jeune femme avant d’y déposer un baiser.

— Enchanté, Carmen.

 La prostituée était quelque peu désarmée et ne savait plus comment réagir. Elle retira sa main, mal à l’aise. Elle se mit à regarder la chambre, anxieuse, en faisant bien attention à ne jamais croiser le regard de Natsu. Ce dernier reprit une bouffée de cigarette puis tourna autour d’elle en se mordant la lèvre inférieure. Comment diable Tatsuhiro avait-il mis la main sur un tel bijou ? Il avait hâte de pouvoir y goûter.

 Il se dirigea vers le bar, installé au fond de la chambre, pour en sortir une bouteille de rhum et deux verres. Carmen n’avait pas bougé de l’entrée, le manteau en main, elle ne savait visiblement pas où se mettre. Il esquissa un sourire. Il avait l’habitude des filles plus… entreprenantes. Voir une “débutante” comme elle était quelque peu rafraichissant. Il ouvrit la bouteille et se servit un verre.

— Je t’en sers un aussi ?

 La jeune femme se rapprocha, posant au passage son manteau sur le dos d’un siège. Elle acquiesça mais s'évertuait à fuir son regard, fixant désespérément le verre qui se remplissait doucement. A peine fut-il remplit qu’elle le bu directement, cul sec. Elle n’avait pas perdu une seconde, laissant Natsu perplexe. Cette petite chose fragile et mince venait de boire un verre entier de rhum, sans broncher. Il ricana avant de boire son verre à son tour, la dévorant en même temps du regard. Appuyée contre le bar, le verre vide en main, elle semblait perdue dans ses pensées. Ses sourcils froncés lui donnaient un air préoccupée. Même inquiète, elle ne perdait rien de sa beauté. Elle reprit son verre, toujours vide, et cherchait à boire la dernière goutte restante. Il ricana : c’était presque vexant. Souhaitait-elle tant être saoule pour coucher avec lui ?

 Natsu écrasa alors sa cigarette dans le cendrier posé sur le comptoir avant de s'asseoir sur le rebord du lit. Carmen, toujours près du bar, prit une grande inspiration avant de le rejoindre. L’alcool commençait à rosir ses joues et sa démarche n’était plus aussi assurée. La jeune femme s'assit sur ses jambes, face à lui. Toujours aussi nerveuse, ses mains tremblaient alors qu’elle tentait de déboutonner la chemise de son client ; elle eu une moue agacée.

 Les deux mains posées sur ses hanches, il regarda la délicate humaine s'énerver sur sa chemise. Il profita de ce moment pour lentement glisser sa main droite dans ses cheveux, puis remit en place une mèche rebelle qui s’était perdue sur son ravissant visage. Il admira chaque détail comme si elle était une oeuvre d’art. Se rapprochant un peu plus de son visage, il prit une grande bouffée d’air : même le parfum que dégageait sa nuque était hors du commun. Natsu sourit de plus belle, elle ne cessait de l'émerveiller.

 Mais elle était jeune et inexpérimentée. Elle perdait patience sur sa chemise et était si anxieuse qu’elle semblait être sur le point de fondre en larmes. Il lui attrapa doucement les mains, avec un regard qu’il essaya de rendre le plus doux possible. Natsu n’était pas là pour l’effrayer ; bien au contraire. Pour la première fois depuis de longues minutes, elle croisa son regard, désemparée. A quel point haïssait-elle sa compagnie? D’un léger mouvement de hanche, il l’a renversa sur le lit et se retrouva au dessus d’elle, sans trouver résistance de sa part. Ses lèvres à quelques centimètres des siennes, il plongea ses yeux d’argent dans les siens.

 Il préférait regarder ses yeux. Il voulait se perdre dans son regard, ne plus entendre l’intense bruit de sa respiration saccadée, de l’accélération de son pouls, son coeur battre à la chamade. Il aurait aimé que tout cela traduise du désir, mais il devait se rendre à l’évidence : elle était ici contre son gré. Son regard terriblement triste en disait long.

 Natsu lui caressa la joue et dit à voix basse:

— Tu détestes être ici, n’est ce pas ?

Elle se figea à ces mots, puis balbutia :

— Co...Comment ? Oui.. Enfin ! Non ! C’est pas ce que je voulais dire ! Pas du tout !

 Il ricana doucement avant de basculer à son tour sur le lit. Allongé, il fixait le plafond. Carmen s’était redressée et le regardait, paniquée.

— Doucement. Ce n’est rien. Je ne me vexe pas pour si peu.

— Mais vous avez payé. Pourquoi accordez-vous de l’importance à ce que je ressens?

— J’ai beaucoup de défauts. Mais forcer les femmes à coucher avec moi n’en fait pas partie.

— Je ne comprends pas. Pour 50 000 yens, vous pourriez me faire ce que vous souhaiteriez dans cette chambre sans que j’ai mon mot à dire, alors… pourquoi?

— Je ne compte pas te violer. J’ai payé pour passer une bonne soirée ; si tu ne t’amuses pas, je ne m’amuserai pas non plus, c’est aussi simple que ça.

 Ils restèrent ainsi, pendant plusieurs minutes. Elle ne savait pas quoi faire. Devait-elle se forcer pour satisfaire son client ? Ou pourrait-elle profiter d’une soirée de répit ? Cela ne lui posait-il vraiment aucun problème s’ils n’avaient pas de relation sexuelle ce soir ?

— Est-ce que… Vous allez demander à Yon de vous rembourser ? murmura t-elle à son encontre.

— Non. A une seule condition.

 Carmen était toute ouïe mais semblait redouter le pire.

— Reste près de moi. Je veux simplement profiter de ta compagnie ce soir.

 Hésitante, elle se rapprocha et se blottit contre lui, une main posée sur son torse. Natsu jouait avec ses cheveux de sa main libre.

— Vous n'êtes vraiment pas contrarié ?

 Il haussa les épaules. Il était frustré sexuellement, il ne pouvait pas le nier. Mais le but de cette rencontre était avant tout de gagner sa confiance, d'obtenir un maximum d'informations et, à terme, l’engager à son compte. Un canon comme elle lui rapporterait des sommes considérables, à condition d’exploiter correctement son potentiel.

 C’était souvent sur l’oreiller que les femmes faisaient des confessions et il avait toujours réussi à obtenir les informations souhaitées de cette manière. S’il ne pouvait pas coucher avec elle, il allait devoir changer de tactique. C’était plus long, plus fastidieux, mais le résultat serait le même et le temps ne lui manquait pas.

 La respiration de Carmen ralentissait ; elle venait de s’assoupir. C’était plutôt bon signe, se dit Natsu, signe qu’elle se sentait en sécurité.

 Délicatement, il repoussa le bras de la jeune femme et se releva en prenant soin de ne pas la réveiller. Malgré la lumière tamisée, Natsu pouvait clairement distinguer qu’elle avait la chair de poule ; il déposa alors son manteau blanc sur ses épaules afin de la réchauffer.

 Il récupéra sa veste et son casque de moto, avant de refermer la porte de la chambre, s’assurant une dernière fois que Carmen dorme à poings fermés.

 Rejoignant l'ascenseur, il jeta un coup d’oeil sur son portable : il était plus de deux heures du matin. Tout en faisant défiler sa liste de contact, Natsu se demandait quelle jeune femme était potentiellement disponible pour passer le reste de la nuit avec lui. Il appuya machinalement sur le bouton d’appel de l'ascenseur et commença à envoyer plusieurs messages.

 Il s'apprêtait à entrer dans l'ascenseur lorsqu’il fut interrompu par le bruit de pas lourds et rapides. Carmen courait dans le couloir, le souffle court, seulement vêtue de ses sous vêtements. C’était visiblement Natsu qu’elle cherchait puisqu’elle se stoppa net à quelques mètres de lui, à bout de souffle, lorsqu’elle vit qu’il l’attendait.

— A-Attendez ! Je… Ses phrases étaient coupées par sa respiration haletante. Comment puis-je vous appeler ?

— Si je te le dis, il faudra garder le secret.

 Elle acquiesça. Cette fois ci, elle le regarda droit dans les yeux, pas une once d’hésitation se trouvait dans son regard. Il fit quelques pas vers Carmen, attrapa son menton avec douceur et l’embrassa tendrement. Il ne put s'empêcher de lui mordiller la lèvre inférieure pendant une courte seconde, puis murmura à son oreille :

— Natsu. Tu peux m’appeler Natsu, ma chère Emi.

 Assez fier de lui, il tourna les talons et entra dans l'ascenseur. Bouche bée en plein milieu du couloir, “Carmen” ne cilla même pas. Il lui adressa un petit signe de la main, sourire malicieux aux coins des lèvres puis ajouta au moment même où les portes se refermèrent:

— Profite bien de la chambre, elle est déjà payée.

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