Chapitre IV

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Les Grandes Présentations

- Royaume de Lenk-

Trois semaines plus tôt

***

Tel un bourdon, le valet voltigeait de part et d’autre, déplissait, alignait, boutonnait sans répit. Il affermit les épaulettes d’un geste sec, vérifia la blancheur du col, polit les boutons de manchettes d’un pouce expert. Il donna encore une tape franche dans le dos du prince pour passer l’envie à un pli et échappa un soupir de satisfaction.

– Terminé.

Le prince Shadar, fermé et anxieux, ne répondit pas. Ses pensées courraient après un Asik insaisissable. Une dizaine de jours plutôt, Shadar avait quitté sa prison dorée par une fenêtre, comme à son habitude, pour retrouver son ami. Mais celui-ci n’était pas chez lui. Shadar avait alors parcouru la ville sur toute sa longueur, fouillant leurs habituels points de rencontres et cachettes. Mais Asik n’avait laissé aucune trace.

Il s’était sûrement absenté pour s’approvisionner en Poussière d’Etoiles, après tout il était l’un des principaux fournisseurs de la cité, mais cela n’améliorait pas la mauvaise humeur du prince, bien au contraire.

– Mon Seigneur ?

La réalité prit le jeune homme au dépourvu.

– Allons honorer nos invités de notre présence.

Le valet ouvrit la porte de la chambre, laissa entrer les rumeurs d’une assemblée impatiente, avant de la refermer sur le revers princier.

Le long des couloirs, un fil de pensées se déroula, nouant questions sur l’absence d’Asik et appréhension des Présentations Officielles avec la Princesse Ayela o’Tehka.

Il lui semblait entendre tourner une immense roue à aube au centre de son crâne et remuer souvenirs, réflexions et opinions sans répit.

La première rencontre entre les futurs mariés devait, selon l’Etiquette, se réaliser en présence d’invités de marque, et assurer ainsi la bonne tenue des prétendants.

Shadar atteignit l’entrée officielle de la Salle des Banquets. Il écouta un héraut annoncer son arrivée, puis les portes s’écartèrent et le révélèrent à la Cour de Lenk.

Avec la sensation de déranger du pied une fourmilière, le prince pénétra dans la foule, distribua poignées de mains et faux sourires contre voeux de bonnes fortunes et félicitations. Perdu dans un brouhaha inintelligible, il souffrait d'une anxiété grandissante au point de devoir réprimer de temps à autre des tremblements.

– Il me faudra le retrouver demain.

– Je vous demande pardon, Seigneur?

Shadar remarqua à cet instant tenir dans sa main celle d’un homme à la barbe taillée en double pointe, et dont les yeux exprimaient une incompréhension curieuse.

– Veuillez m’excuser, il m’est revenu à l’instant une affaire d’importance…

– Mes Dames, Mes Sieurs, Cher Convives. Veuillez avoir l’honneur d’accueillir la Princesse héritière Ayela o’Tehka, descendante de Sa Majesté le Roi Sendhar o’Tehka.

Les imposantes portes de bois de roses s’égarèrent chacune sur un versant de la salle.

Une jeune demoiselle à la peau claire, chevelure tressée remontée en un chignon de dentelle, saisit l’attention des convives. Aucun ne détourna le regard de chacun de ses pas de velour.

Le regard du prince s’éparpilla dans la finesse de ses chevilles, le galbe de ses mollets, la douceur d’une robe en mousseline crème soulignée d’un foulard d’azur. Il ne put se retenir de suivre chaque contour, chaque détour d’un coude, d’un sein, ou encore d’un cou si fin et délicat. Son attention n’était plus que fragments dispersés sur chaque trait de cette oeuvre de perfection.

La Princesse Ayela suivit de ses yeux les pointes de ses chaussures et s’arrêta enfin à quelques centimètres de son prétendant. Alors elle leva une paire de cils à la fragilité de pétales de silènes et planta un regard vert de prairie dans les pupilles de Shadar.

Le prince frissonna, soufflé par cette alliance de splendeur, de fougue et de liberté en un corps si frêle et délicat.

Une seconde s’échappa. Elle rejoignit sa consoeur entre deux lattes disjointes de l’antique parquet aux reflets lustrés.

La princesse tendit une main et ramena ainsi Shadar à la réalité de l’instant. Les sons atteignirent à nouveau ses oreilles et amenuisèrent l’écho des battements de son coeur. Le prince s’inclina, et mima un baisé sur la main gantée de soie, en parfait connaisseur de l’Etiquette.

– Princesse Aleya.

– Prince Shadar.

La princesse esquissa un fin sourire au coin de ses lèvres, et papillota de ses cils délicats.

Shadar pensa : Ayela est magnifique, mais que vais-je faire d'elle?

Ce n’était pas une pensée à avoir, mais il avait besoin de sa poussière d’étoiles.

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