Lorsque le passé réapparait...

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Assise sur le sol, entourée d'une dizaine de cahiers, Mélanie s'acharnait et se tordait la langue en se préparant pour sa prochaine conférence sur l'effet du folklore sur les monuments historiques dans les différents pays.

Au diable celui qui avait invité ce Bridget ! Que dirait celui-ci de mon accent ?!? Pauvre de moi, je serai taquinée par toute l'université ! se lamentait-elle sans cesse. C'est vrai que sa connaissance de la langue était très grande, mais pas sa prononciation.

Parfois, elle baissait la tête pour imaginer comment sera sa rencontre. Certainement, deux ou trois jours après, elle verrait un grand titre sur La Libre Belgique :

La jeune Mélanie Sounoi, étudiante dans l'École supérieure des Arts Saint-Luc de Bruxelles, a ébahi le célèbre Bridget, architecte américain, avec son excellente conférence hier.

Quelle sera sa joie ! Ces voisins ne l'appelleraient plus Mystéria, parce qu'elle serait devenue "Celle qui a séduit l'américain avec son talent". Parfait !!! Un instant et elle remua ces pensées de son esprit et se dit : Concentre-toi sur l'essentiel, le reste viendra automatiquement.

* * *

— ENFIN, j'ai teminé ! dit-elle en s'allongeant sur le canapé trois heures après. Je dois me récompenser avec une tasse de cappuccino, mouhahaha !

Elle se balançait, ivre de joie, vers la cuisine ; puis revint après, en sirotant sa boisson.

— Mmm, bien chaud dans ce glacial mois d'octobre ! Un vrai délice ... Tiens, nous devrions fêter cette soirée avec un petit récit... Où ai-je posé mon cher journal, il doit être quelque part ...

Elle fouilla dans les pyramides de feuilles et de polycopiés, mais ne le trouva pas. C'était un vrai chaos ! Néanmoins ceci ne la préoccupait pas.

— Olala, il est dans cette satanée boîte au-dessus de ce placard. Que fais-tu là-bas ?!? Viens ici ! ...

Hop, hop, hop...Oups... ENFIN... J'ai failli glisser de...

Elle n'a pas terminé sa phrase, qu'un coffret en bois lui tomba sur sa tête. Mélanie poussa un cri de douleur et de stupéfaction. Aïe, aïe, aïe... D'où vient ce ... jamais je poserai mes affaires dessus...

La douleur finit par s'évanouir, alors Mélanie s'intéressa au coffret.

— Je ne me rappelle pas que j'avais ça chez moi...

Elle s'assit à califourchon, l'objet contre son ventre. Dès qu'elle l'ouvrit, une dizaine de photos jaunies s'échappèrent pour tomber sur ses cuisses. Ses yeux s'écarquillaient, son coeur battait à rompre sa poitrine, sa gorge se noua et ses mains devinrent moites. Elle scrutait silencieusement les photographies l'une après l'autre : la première représentait une famille de quatre membres : un homme costaud au physique agréable et au visage souriant, à côté de lui une femme éblouissante. Elle portait une fillette habillée d'une robe bleu ciel et auprès d'eux une autre fille de dix ans se tenait habilement. C'était la photo de Mélanie et sa famille il y a treize ans.

Ce n'était pas la seule qui avait évoqué chez la jeune des souvenirs amers, deux autres images attiraient son attention : la première datait de sa remise de diplôme au baccalauréat. Tout le monde était content, tout le monde riait et dansait, sauf Mélanie, debout avec une moue triste et un regard égaré.

La deuxième datait de ... ses...fiançailles. Elle avait là dix-sept ans, oui, exactement. Elle paraissait trop charmante avec son maquillage et sa robe blanche. Elle prenait la main d'un jeune homme de son âge, coquet, mais paraissant dérangé. Même son sourire ne pouvait dissimuler son ennui.

Soudain, Mélanie sentit un violent mal de tête. Elle était trop choquée et ne pouvait ni pleurer, ni crier. Elle accourut vers la salle de bain où elle laissa l'eau froide de la douche la tremper jusqu'aux os. Là elle fondit en larmes, sa vie passa comme un film triste en noir et blanc devant ses yeux.

* * *

Je n'épouserai jamais la fille d'un scélérat !!!

Cette phrase seule résonnait dans sa tête, couchée sur son lit. Arthur, elle souffrait en articulant son nom dans ses pensées. Le premier homme qui l'avait aimé, et qui devait l'aimer pour toujours ... Il la délaissa tout simplement, sans aucun regret ! Ce qui l'avait particulièrement blessée était sa dernière phrase, son dernier adieu : " je n'épouserai pas la fille d'un scélérat !!!".

Et lui, que savait-il d"être la fille d'un scélérat" ? Non, il ne savait rien, lui, le gamin d'une famille aristocrate. Avait-il été insulté et torturé par son père ? Avait-il passé des soirées en bouchant ses oreilles pour ne pas entendre les conflits à voix haute de ses parents ? Avait-il assisté à la mort de sa mère ?

En pensant à cette dernière, les larmes lui réchauffèrent les yeux. Celle qui la protégait des coups de son père agressif, celle qui l'encourageait toujours, celle qui l'aidait à affronter la vie, celle qui la caressait en chantonnant des doux refrains, elle l'avait quittée soudainement. Elle se souvenait des minutieux détails de ce jour, la fin de la quiétude relative, le début de l'enfer : il y a cinq ans, pendant une nuit pleuviale,dans leur ancienne maison à Namur, sa soeur Maya dormait dans le premier étage, alors que Mélanie monta au deuxième pour aller se verser un verre d'eau minérale, tout à coup, elle entendit deux voix se disputer :

— Je t'ai déjà dit mille fois de ne plus boire de l'alcool, pourquoi es-tu têtu comme ça ?

— J'men fiche, va't'en ou j't'battrai comme la dernière fois, répondit son mari, pouvant à peine parler à cause de son ivresse.

— Au moins, essaye de ne pas le faire devant elles ...

— Qu'elles soient là o'non, j'm'en fous ...

— Le vin te fait perdre la raison, donne-moi cette bouteille...

— Touche'pas su'tout à ça... Laisse-moi en paix... Femme...

— NOUS N'AVONS JAMAIS CONNU LA PAIX DEPUIS QUE TU ES DEVENU BUVEUR. D'abord, je me disais que ça passerait mais ceci s'aggrave... Chaque fois que j'essaye de te priver de ta dose, tu me tortures !!! Même tes filles sont terrorisées par ton ivresse permanente ... EST-CE QUE NOUS NE VIVRONS JAMAIS COMME TOUT LE MONDE ?!?

— Ar'êt d'dire d'blabla... Va t'coucher...

— JE NE M'EN VAIS PAS !!!

Elle se lança vers lui, tentant de lui ôter ses bouteilles. En une fraction de seconde, le meurtre était commis, un couteau sorti de nulle part vint transpercer sur la poitrine de la femme. Un bruit désagréable retentit et le sang rouge, brillant sous l'effet de l'éclair, coula abondamment hors du corps de la femme. La mare sanglante s'élargissait petit à petit.

Le meurtrier portait d'une main tremblante son arme ruisselante de liquide visqueux rougeâtre, son regard se balançait entre le cadavre de sa femme et entre sa fille Mélanie, debout à l'entrebâillement de la porte, avec un regard plein d'hostilité dans les yeux.

Jamais de sa vie elle n'avait haï son père à ce point-là, jusqu'à cette nuit.

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