Chapitre 48

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Mardi

    Le retour est aussi affreux que l’aller. Mais cette fois, je sais dans quel enfer j’arriverai à la fin de voyage, j’ai donc ce stress en moins.

Tout le long du voyage, lorsque je ne souffre pas suffisamment pour m’empêcher de penser, je songe à ce stage. L’horreur de ce que j’ai subi ne me quitte pas un instant. Et l’horreur qui m’attends si ce cinglé m’achète me terrifie. En a-t-il vraiment l’intention ou était ce juste pour m’effrayer ?

     Lorsque j’arrive enfin, c’est monsieur Pirot qui me réceptionne et me libère.

« Tu es l’une des premières arrivées. Tu as quartier libre jusqu’à jeudi.

- Quel jour sommes-nous.

- Mardi. Maintenant disparais ! Ton odeur m’insupporte ! »

Mon odeur ! Comme si je pouvais sentir bon après avoir été violée des heures durant puis transportée dans des conditions si effroyables !

Mais je me garde bien de lui dire et file dans ma chambre. Après une douche rapide, je me couche dans ma cage et sombre immédiatement dans un sommeil agité. Je ne cherche même pas à savoir qui d’autre est présent, bien trop exténuée mentalement et physiquement pour de quelconque retrouvaille.

Mercredi

     Je me réveille à plusieurs reprises, hantée par des cauchemars atroces. Le pire fut quand je me suis réveillée dans la cage fermée. L’immobilité forcée me donna l’impression un bref instant d’être revenue dans le bureau sous forme de chaise et je me souviens d’avoir poussé un long hurlement.

     Je n’émerge réellement que le mercredi après-midi. Malgré le nombre d’heures que je viens de passer à dormir, les cauchemars m’ont empêchée de trouver un sommeil vraiment réparateur. Je me lève donc difficilement, pas très stable sur mes jambes.

En arrivant dans le coin bureau de ma chambre, un spasme de peur me secoue lorsque je vois quelqu’un assis à mon bureau en train de lire. Mais je reconnais bien vite Céline et m’apaise aussitôt. La femme redresse la tête et plonge ses yeux dans les miens, inquiète de ce qu’elle va y découvrir. Elle m’offre un pâle sourire, se lève et entrouvre les bras. Sans même m’en apercevoir, je me précipite vers mon ancienne enseignante et me love contre elle. Elle m’étreint fort tandis que j’éclate en sanglots bruyants, enfin rattrapée par l’horreur que j’ai vécu ces deux dernières semaines.

     Nous nous installons par terre, dans un coin de la chambre, et restons enlacées sans un mot. Mes larmes ne se tarissent pas et à un moment, j’ai vaguement conscience que madame Noblet pleure également. Ensemble, sans parler, nous tentons d’exorciser les atrocités vécues durant le stage.

    En fin d’après-midi, Jade et Fabien nous rejoignent. Eux aussi portent des traces de l’horreur vécue au fond des yeux. Ils s’installent près de nous sans rien dire, enlacés également. Comme Céline et moi, ils veulent de la compagnie mais refusent de parler des deux dernières semaines. J’attrape doucement la main de Jade et la serre dans un maigre geste de réconfort.

    Anaïs est la dernière à arriver. Nullement gênée par les deux couples face à elle, elle s’assied entre nous et pose sa tête sur l’épaule de Céline.

Jeudi

     Le lendemain matin, nous retrouvons tout le monde. A la table du petit déjeuner, les conversations reprennent lentement. Bien que la conversation sonne affreusement faux et semble déplacée au vu des conditions, cela nous fait du bien. Aucun de nous ne tient à parler de son stage bien sûr mais Fabien a orienté la discussion vers le monde du manga et tout le monde essaie de participer. Mais les sourires sont difficiles et entretenir une conversation, même aussi simple, nous coute à tous beaucoup d’énergie.

Une chose est certaine, madame Notat sait choisir ses maîtres de stage avec soin. Pour nous, ça a brisé le peu de volonté qui nous restait. Nous ne sommes plus que des coquilles vides attendant la vente inéluctable de juillet. Il n’y a plus d’espoir de fuite, nous ne pouvons rien faire d’autre que de subir le trimestre qui vient puis de nous adapter à notre vie une fois vendus.

     Le cours d’anglais de ce matin est annulé et remplacé par une brève réunion avec monsieur Pirot, madame Notat et madame Lissot. Ils nous ordonnent de préparer un exposé de vingt minutes chacun sur notre stage : les pratiques que nous avons vus ou découvert, ce que nous avons fait et subis ainsi que ce que nous avons appris. Avec le rapport de stage, ce sera la dernière note du trimestre. Nous avons la journée pour préparer cela. Les dominants doivent le faire également et nous présenterons tous notre petit mémoire demain.

Je me dirige sans enthousiasme vers la bibliothèque, peu désireuse de me replonger dans l‘horreur de ces deux dernières semaines.

     Je me lave rapidement les mains en sortant des toilettes, souhaitant retourner au plus vite à ma table au milieu de mes camarades. Beaucoup d’apprentis dominants sont là également et je ne tiens pas à en rencontrer un alors que je suis seule.

Mais en redressant la tête face au miroir, j’aperçois le reflet de Léna derrière moi, me barrant le passage vers la porte. Le cœur battant la chamade, je me retourne et me colle contre le robinet, le plus loin possible d’elle. Elle incline légèrement la tête vers la gauche, sourit et commence :

« Bonjour Leïla. Comment s’est passée ton stage.

- …

- Le miens s’est très bien déroulé. J’ai passé deux semaines dans un atelier qui fabrique des vêtements et sous-vêtements pour soumis. Des vêtements qui provoquent selon le cas douleur ou plaisir.

- …

- J’en ai rapporté un que j’ai moi-même fabriqué. Et il se trouve que j’ai très envie de l’essayer sur toi.

- Non, s’il te plaît… »

Elle approche de quelques pas.

« Tourne toi et reste sage. Si tu ne fais pas de gestes brusques, je ne serais pas obligé d’utiliser la force. »

Très lentement, je me tourne et la laisse venir. Elle passe ses bras autour de moi, m’attrape les seins à pleines mains et les malaxe doucement.

« Ce n’est pas grand-chose, rien de très sophistiqué. Mais c’est ma première pièce ! Même si mon maître de stage m’a beaucoup aidé bien sûr. »

Elle sort de son sac un soutient gorge métallique. Les deux bonnets sont des coupes en acier qui s’attachent au corps grâce à des chaines. En quelques gestes adroits, l’apprentie domina m’enfile la chose et la cadenasse. Avec surprise, je sens une petite coupelle de silicone entourer chaque mamelon.

« L’appareil peut tourner, vibrer, aspirer ou délivrer des chocs électriques selon ce que je désire. »

Devant mon air désabusé, la jeune femme reprend :

« Mathieu m’a dit que tu es particulièrement sensible des tétons, dommage pour toi. »

Puis elle quitte la pièce en riant.

     Je retourne à ma table sous les regards surpris de mes camarades. Mais personne ne pose de questions, trop habitués à l’enfer qui nous entoure. Un petit frisson de peur me parcourt en prenant conscience de la facilité avec laquelle nous acceptions désormais l’inacceptable. Je ferme les yeux un instant afin de me débarrasser de ces pensées déprimantes avant de me remettre au travail. Mais je suis bien moins concentrée désormais, guettant le moment que Léna choisira pour mettre en route son engin.

     Bien que m’y attendant, je ne peux empêcher un gémissement de surprise de m’échapper au moment où les appareils sur mes mamelons commencent à vibrer. Céline lève brièvement les yeux mais ne dis rien.

J’essaie d’ignorer les douces sensations qui m’envahissent, en vain. Je me mors les lèvres pour ne pas gémir de plaisir.

Jugeant sans doute mes réactions décevantes, Léna empire un peu plus les choses. Une douce aspiration commence à se faire sentir, comme si quelqu’un jouait avec sa bouche autour de mes tétons. Un nouveau gémissement m’échappe et mes mains se mettent à trembler, rendant mon écriture peu lisible.

Je commence à haleter sous les regards compatissants de mes amis et celui goguenard des apprentis dominants.

Un petit couinement m’échappe lorsque Léna déclenche un choc électrique. Je serre les dents pour ne rien laisser paraitre de plus, tentant de poursuivre mon travail en ignorant les frissons de plaisir qui me secouent.

Vendredi

     Mâchoire serrée, poings crispés, je regarde droit devant moi en réprimant la nausée qui menace de me submerger. Depuis ce matin, les soumis et les dominants alternent pour présenter leur exposé. Et plus j’en entend, plus je me sens mal.

Les apprentis dominants ont passé deux semaines auprès de maîtres particulièrement sadiques ou dans des maisons closes. Ils ont pu se perfectionner dans leur domaine de prédilections et devenir encore plus dangereux.

Quant à mes amis et camarades de classe, chaque fois que j’entends un nouvel exposé, j’ai la sensation de sombrer un peu plus dans l’horreur. Fabien a passé deux semaines à se comporter comme un animal de compagnie. Jade a été torturée dans une maison close. La courageuse Anaïs a passé deux semaines à subir les pires tortures afin de permettre aux designers d’un jeu pour adultes de modéliser les scènes sexuelles. Mathias, le garçon fort qui était parvenu à conserver quelques fragments de sa dignité, a subi une régression et a été considéré comme un bébé pendant son stage : des couches aux biberons, rien ne lui a été épargné.

     C’est maintenant mon tour de présenter mon expérience. D’une voix morte, j’explique devant une classe moitié médusée moitié amusée que j’ai servi de meuble de bureau. C’est le moment que choisit Léna pour réactiver le mécanisme autour de mes tétons qu’elle ne m’a pas ôté pendant la nuit

Je me retrouve donc à présenter la torture que j’ai subi en ayant la voix vibrante de plaisir contenu et entrecoupée de petits gémissements évocateurs. Il était déjà affreusement humiliant d’expliquer ce que j’ai subi, il me faut désormais le faire en donnant l’impression d’avoir été excitée par la situation. Des sourires moqueurs apparaissent sur le visage des apprentis dominants.

     A la fin de mon exposé, madame Notat sourit :

« Eh bien, tu as l’air d’avoir particulièrement apprécié ce stage.

- … Oui madame…

- J’ignorais que le fait d’être réduite à l’état d’objet d’exciterais à ce point. Peut-être devrait songer à remplacer ma chaise de bureau ? »

Une brusque aspiration de mes tétons m’arrache un gémissement qu’il serait aisé de traduire par un assentiment de ma part à ce projet odieux.

Des rires retentissent dans le coin de dominants. L’enseignante elle-même se permet un ricanement.

Les larmes me brûlent les yeux mais je lutte pour ne pas fondre en larme devant tout le monde. Du coin de l’œil j’aperçois Céline qui me fait un signe discret. En tournant la tête vers elle, je m’aperçois qu’elle est horrifiée par ce que je viens de raconter. Mais elle prend sur elle et me fais un petit sourire encourageant. Ce simple geste me donne le courage de répondre aux questions qui suivent ma présentation.

     Céline et moi faisons le chemin ensemble pour retourner jusqu'à l’internat. D’une voix douce, elle commence :

« Ce que tu as vécu en stage… c’est vraiment monstrueux !

- …

- Je comprends que tu refuses d’en parler, c’est bien normal. Je veux juste que tu saches que si tu as besoin, je suis là. Alors n’hésite pas. »

Nous sommes debout devant ma chambre. D’une voix incertaine, je brise le silence qui vient de s’établir entre nous :

« Il y a bien une chose dont j’ai besoin.

- Quoi donc ?

- De compagnie… »

Céline sourit. En tout cas elle essaye mais le geste n’atteint pas les yeux. Je crois que nous avons tous perdu la capacité à sourire ces dernières semaines.

« Bien sûr ma belle. »

Samedi

     En me levant le lendemain, j’ai la mauvaise surprise de découvrir madame Notat assise à mon bureau. En me voyant, elle sourit froidement.

« Bonjour ma belle soumise. »

Je ne réponds rien, me contentant de m’agenouiller devant elle comme on me l’a appris.

« Qu’as-tu pensé de ton stage ? »

Comme si elle ne le savait pas déjà, c’est elle qui a choisis le maître à qui m’envoyer. J’opte néanmoins pour la vérité, c’est ce qu’elle préfère.

« Atroce. J’ai vraiment… haïs l’expérience. Et savoir que les esclaves de cet homme vivent ainsi en permanence m’est intolérable.

- Je me doute oui. Mais as-tu enfin compris où est ta place ?

- Oui madame.

- J’en déduis donc que nous n’aurons plus de problèmes avec toi.

- Non madame. »

Je me rends compte à ce moment précis que c’est la vérité. Ce stage a fini de saper mes dernières réserves de volonté. Ce dernier trimestre finira de me modeler comme l’école l’entend puis je serais vendue sans résister. Je sais désormais qu’il n’y a plus d’espoir de fuite, que ma vie se résumera à satisfaire mon maître ou ma maitresse.

Un sourire froid s’épanouit lentement sur les lèvres de madame Notat.

« Lèves toi. »

Je m’exécute, rassemblant lentement mon courage pour faire face aux prochaines minutes.

Madame Notat pose sa main sur ma joue :

« Aujourd’hui nous allons dans mon bureau, il y a quelque chose que je veux essayer sur toi.

- C’est un ordre ou une demande ? »

Surprise, l’enseignante fronce les sourcils avant de répondre :

« Que veux-tu dire ?

- Si c’est un ordre, je vous suivrai évidemment sans discuter et vous pourrez faire ce que bon vous semble avec moi. Mais s’il s’agit d’une demande et que vous me laissez le choix, alors c’est non. »

Sous le coup de la surprise, l’enseignante de bondage recule d’un pas. Je ne lui laisse pas le temps de se reprendre :

« Il y a quelques mois, vous avez affirmé que vous ne feriez rien sans mon consentement. Vous l’avez eu pendant des semaines mais aujourd’hui, je le retire. »

Madame Notat plisse les yeux d’un air dangereux. Je déglutis difficilement et, d’une toute petite voix, je reprends :

« Si vous désirez me violer ou me forcer à quoi que ce soit, je ne suis pas en mesure de vous en empêcher. Vous êtes une maîtresse et moi une soumise, je vous dois une obéissance totale et absolue. Mais si vous respectez encore mon consentement pour nos rencontres en dehors des cours, alors je refuse de faire quoi que ce soit avec vous aujourd’hui et pour le restant de l’année. »

Cette dernière tirade a eu raison de mon courage et je me tiens maintenant devant la femme, tremblante de peur.

Le visage furieux de madame Notat disparait bien vite et son habituel sourire froid reprend sa place. La domina s’approche doucement de moi, pose une main sur mon sein et une seconde sur ma cuisse. Elle commence à me caresser sensuellement et souffle à mon oreille :

« Ton stage t’a-t-il fait oublier à quel point mes caresses et mes baisés te font du bien ? As-tu oublié à quel point tu me désires habituellement ? »

J’ignore du mieux que je peux les frissons de plaisir qui me traversent sous les mains habiles de madame Notat. Je prends une grande respiration pour me redonner du courage. Je sais que si je n’agis pas tout de suite, je ne serais bientôt plus en état de m’opposer à cette femme. Je recule d’un pas pour m’éloigner et reprends la parole d’une voix toute tremblante :

« Non. Sois-vous me forcez soit vous renoncez. Mais je ne me m’offrirai plus à vous volontairement. »

Une grimace terrifiante prend place sur les traits délicat de la femme et je dois prendre sur moi pour ne pas gémir de terreur. Incapable de soutenir son regard, je baisse les yeux et contemple le sol, attendant la punition. Elle ne me laissera pas tranquille bien sûr et je vais payer chers ce qui vient de se passer. Mais peu m’importe, il était important que je reprenne mon consentement et que les choses soient claires entre nous : c’est une violeuse.

    Finalement, c’est d’une voix tranchante que Madame Notat conclut :

« Très bien. »

Sans un mot de plus, elle tourne les talons et quitte la pièce à grands pas furieux.

Mes jambes tremblantes finissent par me lâcher et je m’affaisse par terre, osant à peine croire à ce que je viens de faire. Et osant à peine croire que l’enseignante soit partie. Ainsi donc, mon assentiment était réellement important pour elle…

     Il me faut un moment pour trouver la force de me relever et de me rendre dans la chambre de Céline. En me voyant, cette dernière hausse un sourcil interrogateur :

« Je pensais que Notat voudrait t’avoir pour elle seule aujourd’hui.

- En effet, c’est ce qu’elle voulait. Mais j’ai refusé. »

Un sourire, plus sincère que tous ceux que j’ai vu depuis des semaines, éclaire le visage de mon ancienne prof. Elle m’entoure de ses bras et chuchote à mon oreille :

« Je suis tellement fière de toi. Ça a dû être vraiment difficile, mais tu y es parvenue. »

Elle s’éloigne d’un pas :

« En prenant du recul, tu t’apercevras vite que cette relation était malsaine.

- Je le sais déjà. Je l’ai toujours su et ton explication de la dernière fois m’a donné le courage d’y mettre fin. »

Céline caresse doucement ma joue tout en continuant de me sourire.

« Puisque tu as finalement ta journée de libre, que veux-tu faire ? »

Je sens une délicate rougeur m’envahir les joues.

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