Chapitre 9

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Bastien

Je viens de coucher la petite. Elle dormait debout. Elle s'est dépensée à fond ! D'habitude, je n'ai pas à intervenir pour la mettre en pyjama, elle est assez autonome. Mais là... Il a fallu que je l'aide. "Bonne nuit, ma pitchoune." "Bonne nuit, pa..." Et elle dormait déjà en tenant Tom dans les bras. Il ne fait pas froid dans la chambre. Je l'ai allongée sur un côté du matelas. Mais je pense qu'il faudra que je me fasse de la place, tout à l'heure, pour dormir. Sauf que je n'ai pas du tout envie de dormir.

Elle s'appelle Chloé. A cause de "L'Ecume des jours", de Boris Vian. Quand je lui ai dit que je m'appelle Bastien, à cause de "Belle et Sébastien", elle a vraiment ri. Je ne sais pas comment ma pitchoune a fait son compte, mais elle m'a collé dans les pattes une sacrée fille. J'aime son regard rieur et plein de vie. Elle a un joli visage aussi. Quand elle m'a dit qu'elle avait passé une partie de la soirée à parler avec ma fille, je me suis vraiment demandé... J'aurais aimé être une petite souris, ma foi ! Et être à côté d'elles, caché derrière le tronc d'arbre. Elle est pleine d'énergie ! Là, je vais retourner en bas. Je crois qu'on va encore bien s'amuser.

Sauf que... Quand j'arrive en bas, je la vois qui fait le tour et salue tout le monde. Merde ! Elle ne s'en va pas maintenant, quand même ? Et bien si... C'est quand Sandrine se plante devant moi pour me dire au revoir que je comprends que Chloé est venue avec eux, et que logiquement... Elle repart aussi en même temps qu'eux.

- Bonsoir, Bastien. Tu embrasseras encore la pitchoune pour nous demain, ok ?

- Oui, promis, Sandrine. Mais... Vous rentrez déjà ? Il n'est pas tard...

- Le petit se réveillera à 7h, même si ses parents rentrent tard, tu sais ce que c'est, n'est-ce pas ?

- Bien sûr. Autant essayer de dormir quand même correctement. C'était cool de vous avoir revus.

- Maintenant que Léo est plus grand, on peut se permettre de sortir à nouveau... Ca fait du bien aussi !

- Oui. Allez, bon retour et à la prochaine !

Puis j'ai salué Damien peu après. Mais je n'ai pas la tête à ça. Je suis en train de me demander ce que je vais dire à Chloé. Elle a presque fini le tour des amis. Elle termine par moi ? Hum, sans doute par Stéphane, logique.

Soudain, elle est là, devant moi.

- Bonsoir, Bastien. C'était une chouette soirée. Un bel anniversaire pour Stéphane.

Elle a plus d'idées que moi pour dire des choses originales.

- Oui, vraiment. Et on n'a même pas eu de pluie, il fait super beau, c'est bien.

- Contente d'avoir fait ta connaissance. Et celle de Joséphine ! Elle est adorable, ta fille.

Et moi ? Je ne suis pas adorable aussi ?

- Oui, je sais. Elle n'est vraiment pas chiante. Et elle aime bien les gens, les fêtes... Elle a bien tenu le coup, aussi.

Parle pas QUE de ta fille, sombre buse. Dis-lui un petit mot un peu personnel. Heu, mais quoi ?

- Hum, heu...

- Bon, on y va ! Salut, Stéphane ! Et encore joyeux anniversaire !

Là, c'est Damien qui a parlé. Je n'ai plus beaucoup de temps, faut que je dise un truc... Elle s'approche de moi, me fait la bise, hum, son parfum... wah...

- On se croisera peut-être une prochaine fois.

- Heu... Oui, oui... Avec plaisir.

**

Papa est totalement stupide. Je savais bien qu'en tombant dans les bras de Morphée trop tôt, j'allais lui faire défaut. Je me suis réveillée sur le matin. Papa dormait à côté de moi. Je n'ai pas fait de bruit, tout était silencieux dans la maison. Je vous passe les détails, mais autant j'adore les fêtes, autant les lendemains, c'est une vraie galère pour une petite fille comme moi. J'ai de l'avance sur le sommeil par rapport aux invités et aux hôtes. J'ai faim, mais la cuisine est encombrée par de la vaisselle sale, des restes, parfois aussi des cendriers pas vidés qui puent. Trouver quelque chose à manger est un chemin de croix. Au mieux, je réussis à tirer mon père pas trop tard du lit et à le faire rentrer à la maison sous un bon prétexte. Je suis assez douée pour trouver des bons prétextes, je le reconnais sans modestie.

Là, j'avoue, j'ai fait fort. J'ai dit que j'avais mal au ventre. Du coup, on ne s'est vraiment pas attardé. On n'a pas fait 500m, dans la voiture, que je vais déjà mieux. Papa roule assez lentement. Je crois qu'il n'est pas tout à fait bien réveillé. Il a besoin d'une douche. Et moi, d'un vrai petit déjeuner. Mais je commence à parler.

- J'ai adoré la fête, papa.

- Hum, moi aussi, ma pitchoune. Je crois que Stéphane était très, très content. Et tu as vu, il a bien avancé dans ses travaux... J'irai lui filer un coup de main, cet été, quand tu seras chez tes grands-parents, le week-end.

Joli programme, papa. Sympa d'aider tes copains. Mais moi, je préfère imaginer que les week-ends du mois d'août, tu vas les passer avec Chloé. Que vous irez à la plage, au cinéma voir les navets de l'été, mais que vous en sortirez en rigolant et en disant que ce sont les meilleurs films que vous avez vus depuis belle lurette. Puis tu l'inviteras à manger une salade à la maison, sur la terrasse.

- Dis, papa, elle était super gentille l'amie de Sandrine, là, Chloé, hein ?

- Oui, très.

Hum, papa, mais encore ? C'est tout ce que tu trouves à dire ?

- Elle a quand même trop d'la chance d'avoir un chien ! soupirai-je.

- Oui, tu as raison.

Il s'arrête au stop, regarde à gauche, à droite, encore à gauche. Y'a personne. Y'a jamais personne à cet endroit-là. Allez, papa, on rentre...

- Tu crois qu'on la reverra ?

Bastien

Et boum, ça, c'est bien ma fille. Enfin, je me console en me disant que tous les enfants sont comme ça. Ils posent les bonnes questions au mauvais moment. Je redémarre. Je roule prudemment, je suis encore dans le gaz. Pas que j'ai trop bu, je fais attention, je sais que je ne tiens pas l'alcool. Et j'avais Joséphine avec moi, fallait conduire ce matin... Ce midi... Et puis, devant Chloé, je ne voulais pas être minable. J'ai carburé au jus d'orange toute la soirée. Pas étonnant que je ne sois pas dans mon assiette ce matin. Ce midi, pardon. Maintenant, trouver une réponse spirituelle qui convienne à Joséphine. Ce n'est pas gagné.

- Sans doute à une prochaine fête.

- Tu as noté son numéro de téléphone ?

Bing. Oh, merde...

Joséphine

Et voilà. D'un coup, j'ai vraiment mal au ventre. Papa n'a même pas pensé à lui demander son numéro de téléphone. Si seulement je ne m'étais pas endormie si vite... Moi, j'aurais pensé à le lui demander. On fait comment maintenant, pour la revoir ? Mes indices sont maigres. Le cours Clémenceau, c'est long. Courseulles sur Mer ? Dimanche prochain, j'emmène papa sur la plage de Courseulles. Ce serait bien le diable si elle n'y va pas elle aussi.

Chloé

Je somnole à l'arrière de la voiture de Damien et Sandrine. On ramène aussi une autre amie, Nadine, qui se charge de la conversation. Ca tombe bien, car je n'ai pas vraiment envie de parler. J'aurais aimé rester, mais je n'avais rien prévu pour dormir. Et puis, je serais rentrée comment demain matin ? Oh, j'imagine que j'aurais trouvé quelqu'un pour me reconduire à Caen, mais...

Arrête. Tu sais très bien qui tu aurais aimé avoir pour te raccompagner. Il est vraiment beau garçon. Reconnais-le, il t'a tapé dans l'œil. Mais une entrée en matière par l'intermédiaire de sa fille, ça, faut le reconnaître que ça ne t'était encore jamais arrivé ! Et passer la soirée avec un père de famille, non plus. Ok, de ce que j'ai compris, la maman n'est pas du tout dans les parages, mais quand même... Avant de m'emballer, il faudrait que j'en sache un peu plus. Mais c'est certain, dimanche prochain, je vais passer mon après-midi sur la plage de Lion-sur-Mer. Pourquoi irait-il ailleurs pour faire profiter de la plage à sa fille, alors qu'ils habitent à deux pas de la mer ?

Qu'est-ce qu'elle m'a demandé, Nadine ? Si j'avais passé une bonne soirée ?

- Oui, oui. Ils sont vraiment super sympas, vos amis. Ca fait une sacrée bande ! Je n'imaginais pas...

- Tu t'attendais à une réunion de grandes folles ? me demande Damien.

- Ben, j'avoue que je ne savais pas trop à quoi m'attendre... Mais j'ai aimé cette ambiance, un peu différente des soirées habituelles. Il y avait aussi beaucoup de respect entre les gens... Quel que soit leur penchant.

- Certains des gars qui sont là ont vraiment galéré, intervient Sandrine.

Elle sait de quoi elle parle, elle a un cousin proche qui est homo.

- Alors, quand ils croisent des gens qui les reconnaissent comme ils sont sans leur prendre la tête... Ca devient vite des amis.

Je poursuis prudemment :

- Je ne m'attendais pas à voir cependant une petite fille de sept ans dans cette bande ! Un ou deux bébés, que les parents ne peuvent pas faire garder, à la rigueur...

- Joséphine ? Elle est géniale, sourit Sandrine. Elle est mignonne et perspicace ! Elle n'est pas ennuyeuse. Mais je crains toujours un peu qu'elle s'ennuie. Elle a grandi aussi, on ne l'avait pas vue depuis... Ca fait combien de temps, Dam ?

- Hum, et bien, la dernière fois, tu étais enceinte encore... A la fin de l'été, je crois, quand Bastien était passé un après-midi à la maison.

- Oui, c'est vrai. Il nous avait apporté son lit parapluie...

Je n'ajoute rien. Je n'ai pas envie d'entendre dire que j'ai passé une partie de la soirée à parler et à danser avec Bastien. J'espère que Nadine ne va pas lancer la conversation dessus. Ouf, elle parle de Léo...

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