Réponse à "Raconter moi votre histoire d'amour"

de Image de profil de MustafMustaf

Avec le soutien de  Kerkira, Noisette 
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Le soir venu, quand une lente solitude me gagne, enveloppe les pensées et tire imperceptiblement mon esprit loin des rivages de la réalité, Je laisse l'instant dériver dans le cours agité de mes souvenirs. Le remous du crépuscule intensifie le rugissement des vagues, tout le passé se porte en ébullition sous-jacent dans les profondeurs de mon intimité, prenant la forme d’un océan tourmenté, meuglant, sauvage comme une horde de furies rendues folles par l’odeur du sang stellaire éclaté dans l’horizon.

Mes frémissements émotifs se répandent dans la nature ouverte à mon hallucination. Les mots s'envolent portés par les ailes du désir de nous unir dans la perception du temps qui nous enlaçait.

Toutes les formules, les sens, les harmonies sont en fouillis dans l’atmosphère, la nuit s’étire dans l’ivresse, il n’y a plus que des vibrations à ressentir et des orages en crise, turbulences à traverser, des vertiges à surmonter pour embrasser l’amour des mots et des êtres qui les font naitre dans les rivières de passions et de voluptés. Chaque lecture, chaque poème, chaque strophe, chaque vers, chaque son, me fait sombrer davantage dans ces torrents qui m'ont submergé.

Solitaire errance dans l'oubli de ce que nous étions, mes yeux s'irritent dans la sécheresse que me renvoie ton absence, un désert de sens envahit les rives de mes courants sentimentaux. Je baise pour t’oublier, je baise pour vivre, je baise pour mourir, te baiser était pourtant une tension, une pulsion de vie entre l’oubli et la mort.

Quelque part, cette relation pourrait n’être finalement qu’un amas inextricable de confusion, une masse nébuleuse de rancœurs, des tonnes de faiblesses à masquer, de vieilles blessures à panser, une grosse dose de narcissisme à combler, des songeries issues de l’imaginaire à filer dans la ouate de nos escapades diurnes, des merveilleux moments à sublimer.

Ce qui restait à déterminer était, se protéger ou s’exposer, risquer le cœur et l’âme au-devant des caprices tempétueux de ce destin pris de vertige soudain, d’altitude. Il y a une prise de hauteur à aimer, même la plus insignifiante salope des gares de Lille. On ne tombe amoureux qu’après s’être élevé dans la contemplation qui l’a permis. Il nous a fallu plusieurs semaines pour concevoir, développer, nourrir et libérer les aveux de nos sentiments communs.

C’est le boulot d’un artisan, d’un mois de discussions, d’approches, d’inclinations, de paroles à vous fendre l’âme et vous empoigner le cœur, là c’est sur mes lèvres que sa pulsation prend sa mesure. C’est toute cette alchimie que je tiens dans mes bras, à cet instant précis, dans cette étreinte de rêve, je m’enroule autour de cette taille de femme, trop creuse pour en retirer de la matière à la surface de la réalité, ce rêve aussi sera englouti par le réel, pourtant elle a quelque-chose pour me faire danser encore quelques semaines de plus, là dans le regard, ce petit truc en mouvement incertain entre la luxure et le désespoir.

Pour moi, ça a été toujours été compliqué de vivre, de côtoyer les semblables, des parents, des amis, de la famille, des collègues. Toute l’armée du quotidien attend pour se nourrir de vous, vous prendre votre temps, vos préoccupations, vos meilleures années, votre talent et les conventions sont ainsi faites pour régénérer ces attentes tant qu’il y aura des comme moi pour les combler. La vie n’est rien moins qu’une chaine de corvéables reliés par la morale, le sentiment d’utilité et de dévotion.

Alors être amoureux, ou m’y croire, incarner le rôle de celui qui s’enthousiaste de tous les bienfaits de l’univers contenus dans une seule personne, cette femme soudainement devenue astrale, une effigie vénusienne baignée de lumière, incandescente, une torche enflammant les cœurs, sa peau devenue un rivage embaumé de milles senteurs. Emanait de ces lèvres vaginales une pure exhalaison du mysticisme amoureux.

Mon regard se perd, se dilue dans le vague lointain de ce ciel parsemé encore d’une explosion colorée, pastel d’éclats nuancés dans les taches sombres qui ne tarderont guère à le recouvrir. Dans ce tableau de la nature en basculement, entre fuite et surgissement, où le gris des nuits s’accapare l’espace du monde, Mes yeux découpent dans ce tissu céleste une robe de satin qui épousera les courbes qui m’ont rendu ivres d erotisme.

Des caresses insensibles, des baisers sans ardeurs, un amour d’automate dont la chair suffocante a flétri dans le mois qui a succédé sa floraison.

Ce n’est qu’une histoire de prestation sociale, on soigne nos malheurs en s’aimant, sa détresse supporte la mienne, ça fait plus de 80 années de plaintes, de gémissements et de souffrances cumulés sur le dos.

On végète alors dans des Illusions à tisser sur des bouts de fragments de réalité ornés par quelques beaux mots et de morales élégances, on entretient l’hygiène de notre amour, ce qu’il en reste, là disséminés éparses, en jouissant quelques heures par semaines dans des chambres clandestines, orphelines de passions, il nous faut garder l’anonymat, la discrétion, le premier plaisir des adultérins. Elle est sur la brèche, consciente de la perte en jeu dans chacune de nos secousses orgasmiques, je me lasse de toute cette médiocrité, l’à peu près des maitresses incertaines. L’amour aussi cultive ses lâchetés quotidiennes, bien loin de l’ondoiement originel, la mesquinerie, la fuite , les faux semblants feront toujours de l’éros un enfant rachitique et mal nourri.

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Commentaires & Discussions

C'était il n'y pas si longtempsChapitre6 messages | 4 ans

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