3.1 Le calme et l'échec

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Quand Eileen méditait, c'était comme quand elle essayait trouver le sommeil alors que celui-ci la fuyait. Elle constatait, en pleine conscience, l'échec de sa démarche. Elle alternait les phases de questionnement sur ses problèmes quotidiens, des réflexions sur le sens de son existence et de l'univers en général, les courtes périodes de concentration, celles où elle se rappelait qu'elle ne devait penser à rien et surtout les instants où elle se rendait compte que se répéter "ne pense à rien" était déjà penser à quelque chose.

Elle sentait les muscles de ses fesses anesthésiés et ceux de ses cuisses endoloris à force de tenir sa position en tailleur, ce depuis plus d'une heure. Mais la partie de son corps qui lui faisait le plus mal était son dos. Trapèzes et lombaires exigeaient qu'elle cesse cet exercice pour s'allonger et se détendre. Par intermittence, elle sentait aussi une lourdeur dans son genou droit. Si elle avait pu l'étendre et se le masser, elle l'aurait fait craquer une bonne fois pour toute.

Eh. On a dit ne penser à rien.

Elle entendit un bruit près d'elle et devina qu'il s'agissait d'Ozzi. Son esprit avait déjà rendu les armes, alors elle ouvrit les yeux et tourna la tête pour l'observer. Son amie avait les yeux fermés et semblait la rejoindre dans sa méditation.

  • Arrête de te déconcentrer, lui intima l'australienne, yeux toujours fermés.
  • Eh ! Comment tu sais que je ne médite plus ?

Etait-ce un genre de super-pouvoir de Manumage qui permettait, à travers les forces magiques les entourant, de détecter le plus infime des mouvements ?

  • Ça fait une semaine que tu te déconcentres à la moindre occasion.

Elle ne répondit pas, parce qu'il n'y avait rien à dire. Tous les soirs, lorsque le soleil projetait de longues ombres sur la terre rouge et qu'ils arrêtaient enfin les jeeps, elle allait s'asseoir dans un coin et tentait de ressentir les flux magiques. En effet, lui avait dit Ozzi, c'était primordial à maîtriser, avant de se tenter à la Manumagie.

Pourquoi une semaine ? Après tout, cela faisait trois mois qu'elle avait malencontreusement brûlé "sa" baguette par un Incendio sortit de son index. Elle aurait pu s'y mettre plus tôt, quand même. Eh ben, elle s'y était mise plus tôt, brièvement. Toute seule chez elle, à répéter des Accio, Wingardium Leviosa et autres Lumos des dizaines et des dizaines de fois au point de s'abîmer la voix. Elle était même allé voir un "expert de la magie sans baguette" pour lui demander des conseils. Il lui avait dit que de toute évidence, il y avait quelque chose qui "ne cliquait pas" chez elle. Il fallait qu'elle parviennent à se débloquer, sinon elle n'arriverait à rien. Finalement, faute de résultats, elle avait abandonné.

À vrai dire, Eileen aurait bien abandonné une fois encore, car elle avait vraiment l'impression que tout cela ne servait à rien, qu'elle faisait juste du surplace. Ozzi lui avait dit que tant qu'elle n'aurait pas la patience d'échouer, elle n'arriverait à rien. Justement, elle n'avait pas la patience.

Cependant, une chose primordiale faisait qu'elle était obligée de s'entraîner sans relâche : cela faisait tout juste une semaine que sa baguette de mélèze - celle qui remplaçait la remplaçante qu'elle avait brûlée - avait à son tour été détruite. Comme on ne fabriquait pas une baguette avec du bois mort qui traînait au fin fond de l'outback australien, il fallait qu'elle apprenne à faire sans. Et puis, de toute manière, elle ne trouverait apparemment jamais de baguette à sa convenance - ou plutôt elle ne convenait de toute façon à aucune baguette.

C'était pourtant dans sa quête d'un coeur qui lui correspondrait enfin qu'Eileen avait mis le pied pour la première fois en Australie, dix jours plus tôt. Si elle ne pouvait trouver le coeur parfait parmi les composants originaires d'Europe, d'Amérique ou bien d'Asie, les trois régions d'où venaient les principaux fournisseurs de la boutique, alors il fallait chercher encore plus loin. L'idée de trouver son bonheur dans une nouvelle terre aux nombreuses espèces endémiques, bien loin de toute magie occidentale, avait séduit Eileen.

Elle avait pris contact avec Ozzi et son équipe de magizoologistes pour qu'ils l'initient aux spécificités de la faune locale. Comme ils travaillent également sur le terrain, la jeune femme s'était jointe à leur mission en espérant glaner crins, poils, écailles, griffes ou autre partie d'un animal qui ne supposait pas de le désosser pour l'obtenir.

Évidemment, puisque c'était le leitmotiv de sa vie, cette quête n'avait pas été plus couronné de succès que ses velléités de Manumage. Enfin... un peu plus, puisqu'elle avait pu récupérer une dent. Et les circonstances de cette trouvaille ne prêtaient pas vraiment à sourire... Manumagie et recherche de la baguette parfaite semblaient encore une fois s'entrecroiser, comme d'habitude, dans un cercle vicieux dont jamais elle ne parviendrait à sortir. En effet, on ne pouvait parler de la dent sans parler de la raison pour laquelle la baguette de mélèze avait été brisée.

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