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All work and no play makes Jack a dull boy

J'avoue avoir un peu honte de mon manque d'originalité. Citer The Shining de Kubrik lorsqu'on trouve une machine à écrire, c'est sans aucun doute la chose la plus convenue à faire. En tout cas, il semble que la machine soit parfaitement fonctionnelle. Un miracle, si vous voulez mon avis. Je l'ai retrouvée au bas des escaliers qui mènent à la cave, retournée. Je m'avancerais un peu, je dirais qu'elle a dévalé les marches. Bref, j'ai rangé mon stock de nourriture et j'ai remonté la machine. Elle n'a pas été utilisée depuis longtemps, elle prenait clairement la poussière.

Bon, commençons par le commencement.

Je suis arrivée ce matin, à 9h30. La notion de matin ne m'est jamais aussi absurde qu'en hiver. Il fait nuit ! Pourquoi les gens considèrent que se donner rendez-vous la nuit est quelque chose d'acceptable ? Je suis partie de Lewis & Harris à 9h, la traversée a donc duré une petite demie-heure. La mer était tellement agitée qu'il ne m'a fallu que 5 minutes pour être trempée jusqu'aux os. J'aime bien les tempêtes hivernales, mais uniquement si c'est pour les observer de l'intérieur d'un lieu chauffé et abrité. Genre là, dans le phare, parfait. Sur un bateau de 3 mètres de longueur ballotté comme une coquille de noix, non. Pire que le Portoloin, niveau remous, j'étais sur le point de rendre mon petit déjeuner.

  Ah, et à présent je suis certaine que l'île a été soumise à un Repousse-Moldus (et je maîtrise enfin l'alinéa sur la machine). Quand nous sommes arrivés en vue de la côte de Eilean Mor (par contre je ne maîtrise pas l'accent grave sur le o), le conducteur du bateau a voulu faire demi-tour. Il m'a parlé d'un rendez-vous chez le dentiste à prendre absolument. Repousse-Moldu, c'est forcément ça. Ça expliquerait également pourquoi personne n'avait pris ce job avant moi, mes employeurs ont dû bien galérer à trouver quelqu'un qui ne parte pas de là en courant. D'où le cachet drôlement élevé pour un simple boulot de gardien de phare, aussi. Bref, le conducteur était en panique totale à cause de l'enchantement. Pour le convaincre de me laisser accoster, je lui ai dit de me laisser juste le temps de décharger mes affaires (surtout le nombre astronomique de boites de conserve qui devait me tenir tout mon séjour) sur le quai d'arrivée, et qu'il pourrait repartir immédiatement après.

  Heureusement que je suis une sorcière, sinon je me serais bien faite chier à tout transporter sur 500 mètres de côte de pente abrupte jusqu'au phare. En même temps, si je n'avais pas été une sorcière, je ne serais pas ici. CQFD

  Le phare est légèrement délabré, mais rien que je n'ai pu régler de quelques sortilèges. Il y a donc la cave, en dessous, qui semble être un genre de grotte naturelle réaménagée. Il y a une salle d'eau, avec toilettes, lavabo et douche spartiate, et puis une pièce à vivre qui fait cuisine et chambre. Tout en haut du phare, il y a l'immense lampe qui est la raison pour laquelle ce job existe. Je dois l'éteindre tous les matins et l'allumer tous les soirs, aux heures indiquées dans un petit carnet.

  Comme c'est l'hiver, ces obligations sont suffisamment tard le matin et un peu tôt le soir. Et le reste du temps : quartier libre. Personne dans les 30 kilomètres à la ronde, et une étendue d'eau entre moi et le reste de la civilisation. Je vais pouvoir travailler sans me faire déranger. L'asociabilité à son summum. Rien à part moi, mes livres, mes baguettes, et cette machine à écrire.