1.1 Le Krampus du Chemin de Traverse

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Joseph en était à son sixième café lorsqu’une forme argentée, ayant l’apparence d’un petit carnivore – furet, putois, hermine ? - arriva dans son bureau. Il ne connaissait personne ayant ce Patronus corporel. D’où est-ce que cela pouvait venir ? Il eut bien vite la réponse, une voix féminine et empressée s’en échappa.

   « Il vient d’y avoir une disparition dans le Chemin de Traverse. Une enfant, en plein milieu du marché de Noël. Dépêchez-vous, je vous attends devant Ollivander’s »

Cela agit comme un choc électrique sur l’enquêteur galonné. Encore un enlèvement ! Il sortit en trombe de son bureau et appela trois sorciers de son service à sa suite. En quelques minutes, le temps de prendre l’ascenseur, les cheminées du Ministère, puis transplaner au Chaudron Baveur, Joseph arriva sur les lieux. Son équipe se déploya pour interroger les témoins et sauvegarder les lieux, ce qui n’était pas une mince affaire compte tenu du contexte. De son côté, il se dirigea vers la boutique de baguettes magiques.

Deux femmes se trouvaient là, et il n’eut aucun mal à deviner de qui il s'agissait. L'une d'elle avait une trentaine d’années, elle était complètement éplorée et serrait un petit gant entre ses doigts. Il s’agissait de la mère de l’enfant disparue, cela ne faisait aucun doute. L’autre devait être celle qui l’avait contacté. Elle était plus jeune, l’œil vif, prête à bondir malgré sa corpulence peu impressionnante. Il lui semblait l’avoir déjà vue quelque part… Cheveux bruns coupés courts, joues rondes, menton fin… Hmm, elle n’était pas suffisamment spéciale pour qu’elle ressorte des mille visages anonymes qu’il avait pu croiser.

Quand elle le vit approcher, elle reconnut immédiatement un enquêteur officiel et lui tendit sa main qu’il serra brièvement. Elle se présenta :

— Eileen Hilswood, c’est moi qui vous ai contacté. Je travaille au Ministère.

Ainsi, elle était de la maison ? Ça devait être de là qu’il la connaissait. Bizarre qu’elle n’eût pas précisé son service. Elle n’était pas de son Département, en tout cas.

— Joseph Steamboat, Justice Magique. Merci pour votre coopération, Miss. Restez dans les parages, j’aimerais prendre votre déposition tout à l’heure.

Se concentrant d'abord sur les choses les plus importantes, il s'adressa à la mère de la victime.

— Madame, nous devons discuter un instant de ce qu'il s'est passé.

— Vous voulez que je vous ouvre la boutique ? proposa Hilswood. J’ai les clés pour aujourd'hui, j'étais une stagiaire chez Ollivander's, avant.

Il accepta, histoire d’être un peu au calme par rapport à l’activité dans le Chemin. Quelques instants plus tard, son témoin et lui étaient assis à l'intérieur, dans les fauteuils où attendaient habituellement les futurs nouveaux élèves, avides de posséder leur première baguette magique. L’ancienne boutiquière prit leurs affaires, les déposa sur un porte-manteaux, leur proposa des cafés. Elle commençait à se faire un peu trop curieuse et insistante. Qu’elle attende dehors, maintenant, il l’enjoignit.

Mrs Dougall, mère de Dorothy Dougall, était mariée à un moldu, ce qui faisait de sa fille une sang-mêlée. Celle-ci avait tout juste sept ans, comme la plupart des enfants enlevés. Oui, elle avait déjà fait démonstration de ses pouvoirs. Non, elle ne savait pas comment elle avait pu s’éloigner d’elle. Non, il n’y avait aucune raison possible à cet événement : pas d’ennemis de la famille, pas d’argent à en gagner. Aucun don spécial dont elle aurait pu hériter, ni Métamorphomagie, ni rien. Non, ils n’avaient jamais eu affaire à des mages noirs, ni à d'autres personnes suspectes. Bien sûr, elle viendrait vers eux si d’autres choses lui revenait, bien sûr elle restait à disposition si il y avait besoin d’informations supplémentaires. Oui, ils la tiendraient au courant si il y avait la moindre piste qui se définissait. Rentrez chez vous, restez au calme, bonne journée. Voilà comment on interrogeait un témoin sans aucun succès.

Puis, ce fut le tour de Hilswood. Il lui demanda de le rejoindre à l’intérieur, et rentra directement dans le vif du sujet.

— Vous pouvez me dire ce que vous avez vu, tout à l’heure ? Comment ça se fait, que vous étiez sur les lieux ?

D’accord, ça sonnait un peu comme une accusation. Joseph n’avait pas beaucoup de patience pour les gens qui fourraient leurs nez dans ses affaires, surtout une aussi sensible. Elle répondit très placidement :

— Je donnais un coup de main à mon ancien patron, pour le marché de Noël. J’ai entendu un cri, et j’ai tout de suite accouru. Avec tous ces enlèvements, vous voyez…

— Hmm… Et vous n’avez rien vu de particulier ?

Bien sûr que non, elle n’a rien vu. Ils ne voient jamais rien, les témoins.

— Si ! Je voulais vous dire : avec la neige, j’ai retrouvé la piste de la fillette. Juste des traces. Elle était seule, pas d'indice d’un ravisseur. Elle s’est éloignée de sa mère au niveau du stand des Animaux Magiques. Elle a marché le long du stand de chamboultout. Là, elle a pris la direction d’une ruelle. Et puis, plus rien. Quelqu’un a dû effacer le reste des empreintes.

Joseph fronça les sourcils ; il tenait peut-être enfin quelque chose.

— Vous pourriez me montrer ça ?

— Bien sûr, mais bon… On ne verra plus rien, maintenant. Avec l’agitation, la piste a été piétinée.

— Montrez-moi la ruelle, alors.

Comme elle le lui avait dit, on ne pouvait plus suivre aucune piste dans l'artère principale du Chemin. Tout avait été écrasé mille fois, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que de la boue et des morceaux épars de neige. Dans la ruelle, par contre, ça n’était pas le cas. Elle se situait juste en direction de l’Allée des Embrumes, si bien que seules quelques empreintes de pas la traversaient, depuis la dernière chute de neige du matin. Aucune trace d'enfant parmi elles. Les deux sorciers avancèrent avec précaution.

— Je pense que la fillette a subi un sortilège de l’Imperium, avança Hilswood. Ça expliquerait qu’il n’y ai aucune trace du ravisseur. Il l’aurait fait marcher jusque-là, puis l’aurait rejoint, effaçant leurs traces à partir de ce moment. Dites-moi, vous avez des pistes sur qui pourrait être le coupable ?

Sa théorie tenait la route, mais il était hors de question de répondre à cela.

— Je ne discute pas des enquêtes en cours.

Heureusement, d’ailleurs, sinon il aurait été obligé de reconnaître qu’ils faisaient du sur-place depuis une semaine.

La brune plissa les yeux, visiblement irritée.

— Je pourrais vous aider. Dans le cadre de l’enquête officielle. J’ai une expertise dans les baguettes magiques, et plein d'autres... formes de magie. Et je suis une duelliste accomplie. Eileen Hilswood, tournois de duels, ça ne vous dit rien du tout ?

Ah. Voilà, c'était de là qu'elle lui paraissait familière. La Serpentard qui avait gagné deux coupes de duels consécutives, il y avait quelques années de cela. Et vu que c'était les deux seules auxquelles elle avait participé, elle était techniquement invaincue. Autrement dit, elle était encore pire que ce qu'il avait craint ; il fallait que quelqu'un lui apprenne l'humilité.

— Allez faire joujou ailleurs. Il y a assez de branquignoles qui s’inventent détectives amateurs sur l’affaire.

Les muscles de ses joues se contractèrent. La demoiselle ne semblait pas avoir l’habitude qu’on lui dise non.

— Peu importe, lâcha-t-elle bien que sa voix était pincée. Bonne journée.

Elle se retourna, et transplana dans la foulée.

Avec la prime offerte par le Ministère, il n’arrêtait pas de croiser des pseudo-détectives privés. Cette récompense, c’était la pire idée qu’avait jamais eu un Ministre, de toute la carrière de Joseph. Des gens qui n’avaient aucune notion de procédure, de contamination, de méthode d’interrogatoire, ils voguaient de scène de crime en scène de crime, arrivant parfois avant son équipe et ramassant les preuves juste devant son nez, pour ensuite les lui monnayer. Et puis il y avait les fraudeurs, eux balançaient des pistes et disparaissaient avec leur prime avant que le service ne comprenne qu’ils avaient été trompés. Il y avait même eu un faux enlèvement, une fois, juste pour ramener l’enfant sain et sauf et toucher une somme colossale sur sa rançon. Alors oui, le citoyen lambda était content de savoir qu’il y avait une prime, ça donnait l’impression que le Ministère prenait les choses en mains, qu’il mettait tout en oeuvre pour régler l’affaire.

Que de la politique, et des bâtons dans les roues pour la seule force officielle. Merci Monsieur le Ministre.

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