CHAPITRE 29: Ashka remet de l’ordre dans les comptes .

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Techniquement, tout ce que Ashka devait faire, c’était d’examiner les livres de comptes, d’évaluer les conditions d’exploitation et la rentabilité des biens meubles du Dépotoir, c’est-à-dire des esclaves appartenant à la Guilde et à la Ligne travaillant sur ce site. C’était une tâche désagréable, mais importante qui de plus pouvait être source d’enrichissement et une des raisons qui avait couté la tête de son prédécesseur.

T l’avait prévenue des dangers et des attentes de la Guilde.

Le fourbe sous prétexte de la protéger il l’avait affranchie « ut de re consensum dominus » c’est-à-dire sous réserve d'accord définitif du Dominus, aussi il était d’usage qu’elle en prenne le nom et le titre.

Un nom bien étrange d’ailleurs. De cette façon elle était sous sa protection, une protection bien supérieur à n’importe qu’elle armure. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle était libre de ses mouvements et de ses décisions, mais qu’elle lui devait des comptes ou plus précisément des informations.

  • Salut à vous Domina Adalil Ashka Almogàver, bien venu en ce lieu. Le Chef de Gare m’a chargé de vous guider et de répondre à tous vos ordres et à toutes vos questions.
  • Salut à toi Res Diptorus, le vouvoiement est-ce parce que vous ne m’avez pas reconnue ou parce que vous respectez le protocole ?
  • Pourquoi ? on se connait ? Res Diesel le Chef de Gare m’a demandé de faire montre envers vous du plus grand respect. Et les deux grosses médailles en argent qui pendent à votre ceinture en disent long sur vos attributions et vos protections. Qui voudrait se mettre à dos la Guilde, la Ligne et un Régénéré aussi inquiétant que L’Adalil T Almogàver ? N’êtes-vous pas une affranchie de ce Hors-loi ?
  • Si fait, une affranchie, une employée de la Guilde, Greffière et nouvelle Intendante Générale de ce lieu sordide.
  • Sordide mais au combien rentable.
  • Pour qui ? pour la Guilde ou pour l’Intendant ?
  • Pour les deux Domina Adalil Ashka.
  • Dois-je vous rappeler comment a fini mon prédécesseur ?
  • Que nenni, mais pour vous cela peut être un tremplin pour de nouvelles fonctions. Ce ne serait en aucun cas une voie de garage si je puis dire.
  • Espérons, je ne me vois pas en garde chiourme pour le restant de mes jours. Je dois faire un audit sur l’exploitation et remettre de l’ordre dans tout ce merdier.
  • Domina Adalil Ashka, je suis à votre service.
  • Je sais, comme je sais que vous n’êtes pas étranger à la disparition de mon prédécesseur.
  • Pour si peu Domina Adalil Ashka.
  • Je sais que la dénonciation vient de vous, mais je ne comprends pas pourquoi. Trouviez-vous votre pourcentage trop faible ? vouliez-vous sa place ?
  • Je ne vois pas ce que vous voulez dire.
  • Res Diptorus, je le sais pour la simple raison que je vous ai entendu le dénoncer auprès d’un aiguilleur de la Guilde.
  • C’est impossible Domina Adalil Ashka.
  • Allons Res Diptorus, vous savez que l’on ne fait jamais attention aux oreilles des esclaves. Et j’étais à vous servir sous la table dans une certaine taverne. Alors soyez franc avec moi, car je ne suis plus celle à qui on pouvait faire avaler n’importe quoi.
  • Comment ? Punaise ! Tu as… je veux dire, vous avez tant changé Domina Adalil Ashka
  • Que nenni ! Mais la seule chose que vous avez retenu, c’est ma façon de sucer. Vous avez même oublié que j’étais avec Res T lorsque vous escortiez une chaine d’iŭga. Oui Res Diptorus vous avez la mémoire courte. Ou très sélective, ce que je veux bien vous accorder. Alors j’attends vos explications.
  • Je ne comprends pas, comment une esclave de rang deux peut arriver à une fonction aussi importante en si peu de temps ? cela tient du miracle.
  • Ce n’est pas à vous de poser les questions. Ne renversez pas les rôles. Dites-moi plutôt pourquoi vous avez balancé mon prédécesseur.
  • Si vous étiez avec le Hors-loi vous devez vous souvenir de notre conversation vu que vous avez l’oreille si fine Domina Adalil Ashka. Moi aussi je cherche le respect et malgré mon âge je trouvais que c’était me déshonorer que de devoir accomplir une si vil besogne. Que de servir de cerbère à de pauvres créatures était indigne d’un doryphore. Que ce serait salir mon nom que d’être l’outil de leur trépas afin que ce triste sire puisse toucher des commissions sur le renouvellement de ce cheptel. Et oui je vous l’accorde je n’ai pas craché sur la gratification de la Guilde. Et non je ne cherchais pas à prendre sa place je suis trop bas dans la hiérarchie. Et je suis avant tout un soldat.
  • Peut-être, mais vous n’étiez pas obligé d’endosser cette charge.
  • Qui vous dit que c’était de bon cœur ! cette charge, je l’ai acquise à la suite d’un duel. J’ai occis celui qui la détenait et vous connaissez les lois de cette ville. Je devais soit rembourser la Civitas et la Guilde en me démettant, soit continuer à la place de mon adversaire. Si j’avais su qui il était, jamais je ne l’aurai étripé. Tout au plus éborgné ou j’en aurai fait un manchot, mais occis jamais !
  • Je vous l’accorde, votre délation est donc le prix de votre future liberté.
  • Oui c’est cela Domina Adalil Ashka, comme quoi une bonne action comme celle de mettre fin aux agissements de l’Intendant peut être profitable à un grand nombre de personnes.
  • Ceci dit, par quoi commence-t-on ?
  • Domina Adalil Ashka, le Dépotoir est vaste, très vaste et même si nous commençons aux aurores comme ce matin il nous faudra bien trois bonnes journées pour en faire le tour. Aussi j’ai pris la liberté de m’enquérir d’un attelage. Les esclaves domestiques le prépare en ce moment. Il nous attend à deux pas d’ici.
  • Ne me dites pas que c’est ces deux malheureuses esclaves qui vont nous tirer.
  • Oui Domina Adalil Ashka, tout à fait, croyez-moi, je suis certain qu’elles préfèrent nous tracter plutôt que de monter leurs seaux à merde en haut de la butte.
  • Dans ce cas, j’exige qu’on les lave, qu’on leur balance au moins deux seaux d’eau à chacune, c’est fou ce qu’elles puent, je suis à quinze pas d’elles et je sens leur odeur. Je veux aussi qu’elles soient libérées des chaines qu’elles portent aux chevilles. Comment voulez-vous qu’elles ne s’esquintent pas les mollets ? Je veux que cela soit fait immédiatement. Et tant qu’à faire je veux que cet ordre soit valable pour toutes les esclaves, hormis les punies bien évidemment.
  • Vos désirs sont des ordres. Mais pour ce qui est des vraies punitions… ici il n’y en a qu’une, la mort. Mais il y en a de trois sortes, rapide, lente ou très lente.
  • Mais c’est une horreur ! ça aussi cela va changer.

On avait amené la paire 51 c’est-à-dire Antje et Chiendri et on allait les harnacher, entre les brancards de ce que Antje aurait pu qualifier de bige, car elle avait de la culture, mais c’est alors que quatre esclaves domestiques qualifiées, une position au combien plus estimable que la sienne vinrent les nettoyer à grands coups d’éponges mousseuses et de seaux d’eau, un pure plaisir pour elles deux. C’est vrai que Antje avait beaucoup changé. Sa qualité d’iŭgum l’avait d’autant plus rapproché de l’animalité qu’elle l’éloignait de l’humanité. À l’image de ses compagnes elle avait perdu toute pilosité, sa peau naguère si blanche, voire laiteuse avait viré à la couleur cuivrée, tant à cause du soleil que de la crasse qui lui tenait lieu de seule vêtement. Depuis son arrivée au Dépotoir pas une fois elle avait pu se laver. Et cela faisait plus de trois mois qu’elle passait ses journées à porter des seaux du bassin de décantation au sommet de la colline. Ainsi elle travaillait comme « iŭgum ». Ce titre peu flatteur signifiait qu'elle remplaçait un animal de bat, qu’elle transportait la boue du bassin de décantation au sommet du terril. Alors que d’autres esclaves étaient chargées d’attaquer un des côtés de la base de cette colline pour remplir des chalands de cette matière qui s’était transformée avec le temps en un riche terreau.

Chiendri et elle étaient donc relativement propre mais trempées en cette matinée brumeuse, la fraicheur de l'air sur la peau nue de Antje était revigorante, cela l’avait soudain rendue consciente de sa totale nudité. Elle n'y avait pas beaucoup réfléchi depuis son arrivée au Dépotoir. Tout sentiment de pudeur avait disparu en même temps qu’on l’avait marquée, après tout il était naturel pour une iŭgum d'être nue. Même ses chaussures si précieuses ne lui manquaient plus. Pourtant, ici et maintenant, elle se sentait exhibée, vulnérable. Elles étaient devant un char à trois brancards. Ces timons de bois permettaient d’atteler des animaux de trait côte à côte, elles deux en l’occurrence. Pendant que deux esclaves s’affairaient à retirer leurs chaines de chevilles, deux autres utilisaient les anneaux de bronze de leurs poignets pour les enchaîner aux montants d’un véritable joug reliant les brancards. Elles étaient ainsi solidement attachées au char. Ensuite on leur enfonça dans la bouche un mors en cuir et en os de kurt. Il était relié à des sangles attachées aux anneaux de leurs seins qui passaient derrière leurs têtes. Elles devinèrent que ces longues lanières allaient servir à les diriger, en les tirant à gauche ou à droite. En même temps elles pensèrent que ce serait douloureux. D’une certaine façon elles étaient soulagées de n’avoir pas à gravir la haute butte du dépotoir qui ressemblait à un terril.

_ Je n’y connais rien en mors et en attelage, mais ça me semble quand même curieux d'en mettre à ces filles !

_ Bof, Domina Adalil Ashka c’est une méthode rapide de se faire obéir. Et nous allons passer devant des haies de myrtillons et vous savez que ces fruits sont particulièrement appétissants et juteux. Je ne voudrai pas qu’elles se précipitent dans un buisson, d’autant qu’ils sont toxiques si on ne les épluche pas.

_ En somme vous les harnachez comme des juments pour leur bien.

_ Oui, on peut dire cela Domina Adalil Ashka.

_ Res Diptorus, si vous pouviez arrêter de m’abreuver de mes titres, soyons simples je vous appellerai Diptorus et vous vous n’aurez qu’à en faire autant Ashka ou Adalil ou même Intendante suffiront.

_ Bien Adalil.

_ à ce sujet Diptorus savez-vous d’où vient ce titre ? il semble prestigieux ?

_ De ce que j’en sais Intendante, il s’agit d’un vieux titre du temps des Empereurs Célestes, il est peut être encore plus vieux… qui sait avec les Régénérés. En tout cas lorsque les régiments Almogàvers devaient livrer une attaque importante, ils recevaient leurs ordres d'un Adalil désigné par l’Empereur. On dit qu’Agatorn est l’un des derniers Almogàvers et qu’il avait ce titre lors d’une des dernières grandes batailles de ces temps anciens. Mais c’était il y a des centaines d’années, comment savoir si c’est vrai ou si c’est une légende ? Ce que je sais, c’est que j’ai entendu parler de lui et de son cri de guerre « Debout, fers ! Debout ! ». À le voir on pourrait le prendre pour un mercenaire parmi tant d’autres, pourtant je suis certain qu’il a plus de morts sur la conscience que je n’ai passé de jours en cette vie. C’est un second Garm et j’ai connu cet homme-là, qui des deux est le plus dangereux je ne saurai le dire.

_ C’est étrange j’ai l’impression de savoir déjà tout cela, d’avoir déjà entendu cela… bon cela dit parlez-moi de ces esclaves iŭga.

_ Les esclaves iŭga ne sont pas considérées comme une classe. En fait même le mot esclave est impropre en ce qui les concerne. Les iŭga sont plus proches des iotas que des esclaves. Cette sorte d’esclavage en tant que tel, est plus perçu comme la mise en œuvre d’une sentence de mort pour laquelle l’exécution est remise à une date indéfinie, du moins inconnue de l’esclave, mais au bon vouloir de l’Intendant ou de l’Intendante, c’est-à-dire vous. Lorsqu'une personne est emprisonnée pour un crime grave comme un meurtre, une trahison ou dans le cas d'esclave évadé, ou ayant tenté de se faire passer pour une personne libre, elle cesse légalement d'exister. Si elle a des biens, ils sont confisqués par la Civitas et dans la mesure où il existe des documents personnels de l’existence de l’individus en question, cette personne est enregistrée comme décédée. Elle devient alors propriété de la Civitas et passe le reste de sa vie à effectuer des travaux éreintants dans des conditions difficiles, souvent ce sont les galères, les conduits de mines ou le dépotoir. Pour distinguer les iŭga des esclaves ordinaires, c’est simple ils sont épilés de la tête aux pieds. Là où les esclaves peuvent avoir une vie décente selon leur propriétaire, la vie des iŭga est invariablement cruelle, brutale et courte.

Le mot même de iŭgum désigne le joug auquel on vient de d’enchainer ces deux-là qui vont nous tirer. Elles n’ont pas même de nom c’est juste la paire d’iŭga 51. D’ailleurs on leur a tatouer le nombre LI sur le front et sur l’épaule droite pour la blanche et sur la gauche pour la noire. Sans oublier les bouclements au nez et à la vulve tout comme les iotas.

_ Il y a une chose que je comprends pas Res Diptorus. Comment se fait-il qu’il y ait tant d’iŭga ? d’après les livres de comptes il y en a plus de 8000, une véritable armée. Où sont-elles ? Et il ne peut y avoir autant de criminelles et d’esclaves évadées même pour une cité comme Yuchekha. Quelque chose me dit qu’en réalité il y en a bien moins. J’ai un manifeste sous les yeux et je lis qu’il y a une Intendante Générale c’est-à-dire moi.

7 Majors qui dirigent les secteurs suivants : 1 Le terril, 2 les galères, 3 les mines, 4 l’élevage et l’agriculture, 5 la maintenance et la logistique, 6 la sécurité et 7 l’administration.

30 premier maitre.

80 second maitre.

20 maitres artisans de première classe.

100 doryphores, 200 vigiles, 300 kapos et 200 chiens de garde, avec à leur tête un lochage qui n’est autre que vous.

600 esclave de 2e classe.

1500 esclaves domestiques qualifiées de 3e classe

8000 iŭga.

Un certain nombre de iotas entre 1500 et 2000.

_ Oui c’est ce que dit le dernier manifeste adressé à la Guilde, mais comme vous devez vous en douter lui aussi est loin d’être exacte. L’ancien Intendant n’a pas remplacé 3 des 7 Majors, 9 des 30 premiers maitres, et 18 seconds maitres. Pour le reste, je veux dire les esclaves, les iŭga et les iotas comment savoir ? en tout cas l’Intendant à fait sa fortune sur ces emplois non remplacés et dont il touchait la solde, sans compter la façon dont il gérait le stock d’esclaves.

_ Le major de l’administration n’était pas au courant ?

_ C’est l’un des premiers à n’avoir pas été remplacé, on comprend pourquoi.

_ Et vous en tant que lochage, vous connaissez vos effectifs exactes j’espère ?

_ Evidement, les chiffres que vous avez lu en ce qui me concernent sont bons, mais il faut ajouter à mes effectifs, une partie de la flotte, trois birèmes, et un mégadromon qui pour l’heure est toujours en calle sèche. Je les gérais mais je vous vois venir… et non je n’avais pas plus de primes… plus d’emmerdes ça oui !

_ Bon nous verrons. Donc si j’ai bien compris les livres de comptes sont faux. Les recettes sont minorées les charges majorées, les soldes détournées, je suppose qu’il revendait sous le manteau une partie du cheptel ?

_ Oui, mais ce qui m’étonne… c’est qu’il ait fallu que je le dénonce pour que la Guilde mette le nez dans le Dépotoir.

_ Je pense que le Dépotoir était jusqu’à présent le cadet des soucis du Chef de Gare. Bon par quoi commence-t-on ?

_ Et bien par le début par le terril.

Sous le joug les iŭga avaient la chair de poule, attachées aux montants et quasiment muselés, La chaine 51 attendait le bon vouloir de leurs maitres, alors il y eut le claquement du fouet. De suite, tant bien que mal elles commencèrent à tirer le bige.

— Allez, du nerf ! Leur cria Diptorus.

Domina Adalil Ashka debout cramponnée à la nacelle regardait son aurige fustiger et guider son bien étrange attelage. Il ne semblait pas être gêné par les lanières des mors qu’il tenait enroulées à ses poignets. Chaque claquement était suivi d’une zébrure rose ou violette sur le corps des iŭga qui malgré le mors couinaient de douleur. C’est sûr elles n’avaient pas du tout envie de traîner !

Il tira sur la paire de rênes de droite, immédiatement elles prirent le chemin indiqué. La brume s’était évanouie, le soleil éclairait de ses rayons l’énorme terril qui n’était plus qu’à quatre stades.

— Plus vite salopes ! on va pas y passer la nuit ! allez, sales bêtes d’un même pas !

_ Vous êtes bien dure avec ses pauvres filles !

_ Elles n’en sont plus ! n’oubliez pas que ce sont des iŭga. Leurs vies valent tout juste celles des iotas, je vous dit, justes au-dessus des blattes et des cancrelats ! N’oubliez pas qui elles sont. Elles sont nourries avec la chair de leurs compagnes, elles sont baisées par les chiens des gardes… alors peut-on dire qu’elles sont encore humaines, ce n’est ni vous vous ni moi qui faisons les lois de la cité, c’est du bétail qui doit être traité comme tel.

_ Oui mais comment peut-il y en avoir autant ? et pourquoi cette sous espèce d’esclaves ?

_ Comme je vous l’ai dit c’est aussi une histoire de loi. Vous le savez, en règle générale il y a sur Exo 5 femmes pour 1 homme. Cette proportion peut encore évoluer. Dans la majorité des cas les combattants sont des hommes, en cas de défaite les prisonniers sont rares, il va sans dire que depuis 100 ans le déséquilibre entre hommes et femmes c’est encore creusé.

_ Oui je sais cela, j’en ai fait l’amère expérience. Quand ma ville natale est tombée. La plupart des hommes et des vieilles femmes ont été décapités. Mais aucune des survivantes ne s’est retrouvée parmi la catégorie des iŭga. Alors pourquoi le plus gros des effectifs des iŭga provient de la cité ? c’est illogique.

_ Non, comme je vous l’ai dit, c’est une histoire de loi, d’argent et d’héritage. A Yuchekha, comme dans bien d’autres citées états il existe la loi dite du quatrième. Si dans une famille il n’y a pas d’enfants mâle, elle doit s’acquitter d’une forte taxe et si en plus elle a 3 filles, à partir de la 4e, la taxe est doublée ou alors elle doit abandonner au moins une de ses filles. Mais alors celles si sont considérées comme non nées, elles tombent systématiquement dans la catégorie des iŭga.

_ Mais pourquoi ne pas les vendre à d’autres cités, ou au pire les exécuter ?

_ On ne peut pas supprimer ou vendre quelque chose qui n’a pas d’existence. C’est la logique de cette fameuse loi du quatrième. C’est pour cela aussi qu’on les déshumanise, qu’on fait en sorte que comme à l’image des iotas toutes soient semblables et non reconnaissable de leur famille. C’est pour cela qu’un certain nombre portent des cagoules. Il va sans dire aussi que quand une iŭgum met bat sa progéniture devient automatiquement une iŭgum. Et des iŭga on en a bien besoin pour entretenir la cité et surtout curer les fondations de Yuchekha car comme vous le savez une grande partie de la ville est bâtie sur des pilotis et après chaque crue il faut bien dégager les chablis et les monceaux de branches, de troncs et diverses ordures. Qui pourrait faire cela ? d’autant que c’est très dangereux, il y a les serpents, les salamandres géantes, les saligators et j’en passe. Les iŭga ne coutent presque rien. D’une certaine façon c’est l’impôt des familles pauvres, plus elles fournissent d’iŭga moins elles sont taxées.

_ Mais elle ne peuvent pas vendre leur progéniture comme esclave, ce serait plus rentable et plus humain ?

_ C’est impossible, il est interdit de vendre un ou une citoyenne. Seule la Civitas le peut. Les iŭga sont de la compétence de la ville et il est impossible de confondre une esclave et une iŭgum. Dans moins d’un an les iŭga qui auront survécu prendront une couleur indigo, même la noire qui coure devant deviendra bleue. Vous ne vous en êtes pas rendu compte car toutes celle du terril du dépotoir sont des novices si je puis dire.

La chaine 51 bandait ses muscles au maximum pour tirer à la vitesse voulue ce qui pour elle était une saloperie de charrette. Arrivée à proximité du terril, Diptorus les dirigea vers un endroit ou plutôt un chemin que des filles empruntaient avec leurs seaux de fange pour accéder au sommet du terril. Il criait de plus en plus fréquemment :

— Hue ! Bourriques ! Il accompagnait le tout de moult claquements de fouet qui toujours atteignaient le dos des deux filles. Iŭga bougez votre cul, ou vous sentirez de nouveau la piqûre de mon fouet ... !!!

Pour Antje et Chiendri c’était une mauvaise surprise. Elles qui croyaient échapper à cette montée infernale, étaient maintenant obligées d’en gravir les 80 mètres non pas avec leurs seaux mais avec un bige et deux passagers.

Elles s’arc-boutaient pour tirer le chariot au sommet. Il pèse une tonne pensait Antje, ce putain de chemin est long, heureusement la rampe n’est pas trop sévère, sinon on y arriverait jamais. Intérieurement elle priait pour que ce calvaire prenne fin. Hélas, le dieu auquel elle croyait devait être sourd. Elles croisèrent la myriade d’iŭga qui montaient et descendaient la butte.

Arrivés en haut Diptorus tira fort sur les rênes, la douleur fut grande pour les filles, mais le mors dans leur bouche étouffa une fois de plus ce qui aurait pu être un hurlement.

Le bige stoppa sur une aire relativement plate, des iŭga vidaient leurs seaux d’autres étalaient le contenu avec des râteaux.

_ Voila Domina Adalil Ashka, vous êtes sur l’un des sommets de votre domaine. Vous pouvez embrasser des yeux tout le Dépotoir. C’est vaste n’est-ce pas ? c’est aussi, voir plus grand que la cité.

_ Effectivement c’est impressionnant. Et dire qu’il va falloir que je remette de l’ordre dans tout ça…

_ Je me suis permis de convoquer tous les Majors et les premiers maitres à l’auberge du Dépotoir.

_ Vous avez bien fait, mais Diptorus vous êtes bien prévenant à mon égard.

_ C’est tout à fait normal et puis je ne voudrai pas avoir à faire avec Res Agatorn, je sais ce que peuvent faire les Hors-Loi.

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