CHAPITRE 14 : Salamandra.

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Dans la citadelle qui lui tenait lieu de palais, Salamandra faisait les cent pas. Elle avait quitté ses longues robes de soie pour le camail doublé de velours et le haubert en acier Cimérien. Elle venait de poser son casque sur l’assise de son trône.
Le mégaron résonnait encore de son pas ferme.
Un homme entre deux âges, immobile dans son armure, attendait les ordres, un genou à terre, de sa reine qu’il connaissait depuis sa prime jeunesse.
Orgueilleuse, elle n’était pas offensée des hommages adressés à ses charmes et l’on ne comptait plus le nombre de ses amants réels ou supposés.
L’arrogante suffisance des Papesses était passée dans son cœur, dans son sang.
Son gouvernement était absolu, mais son amour du royaume était sincère. C'était une grande reine, une papesse infatigable. Malgré sa fierté, elle savait s'entourer des meilleurs conseillers.
Elle était généreuse pour ceux qui gagnaient sa confiance, terrible pour les autres.
Excellente combattante, cavalière émérite, elle se montrait à la fois farouche et réfléchie durant ses campagnes.
Pourtant son peu de diplomatie et l’assurance qu’elle tirait de son pouvoir avait froissé tant de monde, qu’une opposition commençait de naître.
Elle se croyait d’essence divine et avait toutes les susceptibilités d’une femme née sur un trône et dont le nom se mêlait avec celui du royaume.

  • C. Les Venasques ont pris les armes, Votre Sainteté. Ils marchent sur la province de Salamandine. Ils ont franchi l’Oronthe sur un pont de bateaux il y a trois jours. Ces chiens ont refusé les propositions de l’Ecclésiaste, dit Clodomir d’une voix ferme.
  • S. C’est tout ce que tu as à m’annoncer ? J’en suis presque contente. Nous allons pouvoir les exterminer une fois pour toute, et nous allons en profiter pour assainir nos rangs. Clodomir, tu lèveras un escadron avec tous les chevaliers et barons dont nous ne sommes pas sûrs. Tu les enverras en première ligne afin qu’ils ralentissent les Venasques. Par sainte Sarah, s’ils pouvaient se détruire l’un l’autre !
  • C. Il en sera fait selon votre volonté. C’est Dieu qui parle par votre bouche altesse.
  • S. On dit qu’ils ont un général qui peut nous embarrasser. On dit aussi que Subarnipal y est pour quelque chose dans cette guerre si soudaine. Il leur aurait dépêché deux myriades de ses mercenaires des hauts plateaux. C’est peut-être symbolique, mais c’est quand même de la cavalerie lourde. Malheureusement pour nous, les marquis Cimmériens qui gouvernent nos marches sont plus que distants. Déjà qu’ils sont de mauvais croyants. J’ai pourtant envoyé Yahnick Duc d'Orange, le fils de leur roi en ambassade auprès de Subarnipal.
  • C. Nous avions pourtant la promesse du Cakravartin Subarnipal… C’est bien le fils de son père. Pour ce qui est des Cimmériens, je les connais bien, jamais ils ne nous trahiront. Mais sans vous commander, il conviendrait que vous rappeliez votre Inquisition. Elle est par trop zélée à ce que j’ai pu apprendre, la foi des Cimmériens est trop récente pour respecter à la lettre les saints dogmes. Majesté méfiez-vous de messire Sacrésis, cet homme ne me dit rien de bon. Res Ser n’a pas cessé de vous mettre en garde à son encontre, je pense que vous auriez dû l’écouter.
  • S. Clodomir, vous êtes bien le seul à me parler ainsi, vous avez sans nul doute raison. Pour les Cimmériens, je vais faire le nécessaire, je préfère avoir ces loups des montagnes dans nos rangs, même si leur foi est vacillante, plutôt que retranchés aux marches du royaume. C‘est vrai que les Venasques sont riches, leur déclaration de guerre est peut-être une aubaine après tout. Ceux- là sont de piètres combattants, ils ne savent que payer des mercenaires. Notre cavalerie aura tôt fait de les balayer et ce ne sont pas les myriades de Subarnipal qui changeront la donne. Pour ce qui est de Nicohélas Sacrésis, c’est vrai, j’ai trop attendu pour le remettre à sa place. Retire-toi, j’ai besoin de réfléchir Retire-toi, j’ai besoin de réfléchir.

Elle pensa en le regardant s'éloigner par la porte : "Ser, pourquoi t’ai-je banni ? J'aurais tant besoin de toi en ce jour. "

Elle retourna à son trône, prit son casque d’acier couronné d’une guirlande de lauriers dorés. Elle le contempla longuement, comme s’il s’agissait d’un ami revenu d’un long voyage. Le temps passa. Un étrange silence régnait à présent, quelque chose n’allait pas… elle attendit encore un peu et décida de quitter la salle du trône.
Elle franchit les lourdes portes, dans le couloir, Clodomir gisait dans une flaque de sang. On lui avait planté une dague dans la gorge.

  • S. Qu’est-ce ? s’écria-t-elle : A l’assassin ! Au meurtre !

Mais point de garde pour venir la secourir, personne. Elle hurla :

  • S. Qu’est-ce ceci ? Par la première Papesse !

Elle entendit de l’autre bout du couloir.

  • Un coup d’état, madame, et vous êtes notre prisonnière.

Elle dégaina son épée.

  • Pas de cela, Papesse, nous tenons votre enfant.
  • S. Vous ma sœur !
  • Oui et j’ai trop attendu ce moment. Vous n’êtes pas, vous n’êtes plus digne de nous gouverner. La grande inquisition suppléera vos manques.

Salamandra, blêmit et laissa tomber son épée qui résonna, sinistre sur les dalles en un écho sans fin.
Des Chevaliers Rouges du Tau de Feu* sortirent de l’ombre, ils encadraient Salamandine, ils la protégeaient.

  • Madame, si vous voulez bien nous suivre, nous allons vous conduire à vos appartements.

Salamandra les suivit la rage au ventre. Au grè des couloirs et des vestibules, elle vit les nombreux cadavres de ses gardes qui tantôt avaient la gorge tranchée tantôt étaient poignardés.
La traîtrise avait frappé sa garde rapprochée.
Salamandra rageait de s'être fait prendre de vitesse. Elle avait trop attendu. Elle n’avait pas voulu écouter Ser, maintenant elle en payait le prix fort.
On l’enferma dans ses appartements, elle réclama son fils qu’on lui rendit.
Heureusement, personne ne les avait visités, elle s’y enferma, elle écrivit de minuscules missives qu’elle attacha aux pattes des pigeons qui dans une cage d’osier espéraient la liberté qu’elle venait de perdre.
Pour ne pas attirer l’attention, elle les libéra l’un après l’autre, le brouillard de cette journée serait pour eux la meilleure des protections.
Quand elle eut fini, son fils dormait allongé sur une banquette. Elle alla à son prie-Dieu et se recueillit.

Nul n’aurait pu croire que son destin était suspendu au vol hâtif de quelques pigeons amoureux.

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Chevaliers Rouges du Tau de Feu*:

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