La mort, la première porte du pardon

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Seul dans la nuit je cours, je me raccroche à la vie et à l'espoir d'un coup du sort salvateur. Je ne me fais guère d'illusion, qui pourrait me sauver? Qui lutterait contre les hordes déferlantes pour sauver un inconnu? Qui offrirait sa vie aux crocs acérés de mes poursuivants, le ferais-je moi même? Je connaissais déjà la réponse à la dernière question. C'est d'ailleurs cette réponse qui scella mon destin en cette sombre nuit d'automne.


J'ai froid, comme si la mort m'embrassait déjà de son étreinte glacée. Seule la peur m'insuffle la force de continuer malgré la douleur lancinante dans mes jambes. J'entends déjà leurs cris perçants semblables aux hulelements des chouettes. Ils sont proches, trop proches. Je redoute l'instant où j'appercevrais leurs yeux brillants dans la nuit. Je ressaisis l'emprise sur mon épée, mon arme de fortune face à un pareil ennemi. Le corps de mes adversaires est une arme, ce sont des prédateurs dans l'âme, les prédateurs du genre humain. Bientôt leurs petites pattes griffues me trancheront de part en part, oui bientôt... Alors, ils s'abreuveront de mon sang chaud tandis que mes cris de douleur s'étoufferont dans mon propre liquide vital. La forêt est si sombre, je ne sais même pas où je vais. Je suis perdu !


Mon instinct me pousse à hurler, à chercher de l'aide. Seule ma volonté m'empêche de signaler ma position. D'un coup, ma raison vole en éclat et j'explose en sanglots. Au bout du chemin, se tient un Garlan, cet hybride infâme! De loin il est vrai, on pourrait s'y méprendre avec un enfant, mais si vous commetez l'erreur, la terrible erreur de vous rapprochez... Alors vous découvrirez un petit être verdâtre, armé de crocs, de griffes et de haine pure envers votre race. C'est un de ces êtres qui se trouve face à moi en cette sombre soirée. Dans sa main, il tient un petit couteau de boucher, aussi crasseux que rouillé. Une blessure me provoquerait à coup sûr la gangrène. Même si je survis, la mort me fauchera par ma chaire putrifiée. C'est alors que je me rappelle les leçons du maître, qu'il est curieux de voir ce que la mort imminente nous remémore.


  • N'oublie pas mon enfant, l'humanité à trois ennemis. Le premier, se terre dans la noirceur des grottes recouvertes de fange. Il vit de pillage et du chaos. Il n'a d'autre travail que la guerre ,et les humains sont ses esclaves. Ne te méprends pas, être esclave de ce peuple est un sort pire que la mort. Ce sont les hordes Garlans. Crains les ! Le second est un prédateur acharné, il combat avec honneur et droiture. Mais sa force colossale le rend presque invincible pour le commun des mortels. Il vit sa vie comme les vikings du temps passé. La mort au combat est glorieuse ! Ce sont les Rekins. Redoutes leur traque ! Enfin, si d'aventure tu entends la nuit un vol de chauve souris, sauve toi, sauve toi vite. La prière sera ton seul espoir ! Car les Flagards ne sont guère loin et bientôt il t'assècheront de ton sang.

Ce souvenir renforça ma terreur face à l'ennemi, seul le poids lourd de ma rapière me rassurait. En face, mon ennemi semblait savourer mon état de panique. Le coeur battant contre ma tunique marquée de la croix templière, je fuis... Je fuis dans la nuit. Quel gardien de l'humanité fais-je? Anna viendra-t-elle me sauver? La Valkyrie, ma sauveuse ? Il y a peu d'espoir. Je sens l'étau se refermer. Il est trop tard. Ils sont là, autour de moi une vingtaine de garlans trépignent. Mais curieusement ma peur a disparu au profit d'une vision. La petite fille, la douce enfant que j'ai sauvé des griffes de ces monstres me sourit. Elle me sourit! Les larmes me montent aux yeux, en cette nuit et ce depuis la première fois depuis le début de la guerre je suis heureux. J'ai enfin fait un acte digne de l'ordre du temple. Je me suis enfin rebellé face aux ordres de mes généraux. Avec mes frères nous avons offert du temps aux villageois, ils ont pu fuir. Du moins je l'espère, car en cet instant mon rôle d'appât s'achève enfin. J'hurle dans un dernier sourire :


  • Je m'appelle Thibaut, merci à toi Timon de m'avoir enfin permis de m'absoudre de mes péchers. Je regrette seulement d'avoir si longtemps attendu. DEUS VULT !

A ces derniers mots, je charge. Je charge vers mon bonheur, mon dieu, mon salut, mon sauveur ! Je dois juste occire un maximum de ces démons. L'épée au poing, je m'élance sous le déluge des tirs de frondes. Chaque pierre me fait souffrir tout en m'offrant la pénitence de mes actions passées. Un goût cuivré se répend dans ma bouche, mon sang.


Mais qu'importe, je suis sur le premier ennemi que je fauche au niveau de la carotide. Son sang noirâtre se répand sur la végétation luxuriante de la forêt. Un deuxième me fait face. Il me frappe de sa lance que je saisis au cours d'une esquive témoignant de mes heures d'entrainement. Mon pied heurte en plein torse le Garlan dans un craquement bruyant d'os. La créature est légère, si légère qu'elle s'envole sous le choc, me laissant son arme en main. Enfin, je ne la garde que quelques secondes, car un nouvel opposant s'approche. De toute ma force je lance le pieu et manque ma cible au profit d'un de ses camarades. Je ne sais lequel, il sont maintenant si nombreux. Je bats en retraite, faisant de grands moulinets avec mon épée.


D'un coup, une nouvelle douleur me raidit la jambe. Une de ces créatures m'a transpersé le mollet droit de son couteau. Je manque de m'évanouir à la vue de l'horrible blessure. La tête de la créature s'envole pour son méfait.


Le combat continue ainsi de bonnes heures, enfin c'est ce qu'il me semble. En réalité je ne dois me battre que depuis quelques minutes. Mes blessures s'accumulent tout comme leurs cadavres. A bout de force, je tombe à genoux. Une lance se retrouve bientôt fichée dans ma poitrine, je ne sais comment. Je ne souffre guère, je suis sûrement déjà mort. Je m'allonge au sol. L'herbe est si douce en cette magnifique nuit. Alors que je pense que tout est finit, un galop se fait entendre puis des bruits de combat.


Un homme s'approche de moi, il est beau dans sa tenue templière couverte de sang et de chaire de Garlan. Je reconnais difficilement mon ami Timon tant ma vue est brouillée. Il semble pleurer.


  • Pardonnes moi Thibaut, je n'aurais jamais dû te dire ces choses...
  • Non Timon. Pour la première fois je me sens libre. J'ai fait des choses horribles pour l'ordre. Je n'aurais pas dû. En cette nuit, tu m'as aidé à me rappeler pourquoi je me battais. Continue à purifier ces impies pour moi.

Sur ces derniers mots je m'éteins, laissant à mes frères le soin de protéger l'humanité que je n'ai su défendre que sur la fin.

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