Pikinil... terre bénie

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Oh terre, terre bien dite, pourquoi, pourquoi tant de tourment pour les pauvres, ceux qui auront osé naître de ton sang ? Oh terres arides recouvertes tantôt de pelviens rouges qui assombrissent l'horizon et de Konela, fleurs sans feuilles qui poussent et détruisent nos pas de leurs épines. Pourquoi sur ton ciel mauve à la couleur particulière que quelques fois les tontisses, animaux errant au pelage aussi ravissant qu’intouchable, essayent d'imiter. Parmi les si merveilleux décors que nous offrent ta contemplation, la si grande jouissance de te regarder, n’y a-t-il plus la satisfaction de faire partie de toi ? La nuit verte, aux mille étoiles lumineuses et abysses noirceur, succède le jour à l'astre trop présent quelques fois et qui fait jaunir le sable bleu de nos plages désertes. Le Junimi précède le Guineré, comme il est dans l'ordre des choses que le froid précède la chaleur et que le vent bruyant précède, le calme plat. Mais, déesse sur laquelle mes pieds se posent et ma tête se repose, pourquoi donc les gouttes roses du liquide sucré ne tombent-elles plus du ciel ? Pourquoi nous laisser ainsi solitaire sans ton cadeau céleste ? 

Je me meurs peu à peu comme mes frères et mes larmes sont aussi sèches que nos champs autrefois prospères. Il ne me sied guère de trouver de coupable, comme les Coponleven des terres du nord, qui de leur peau argenter se pavanent les vêtements ornés de trouvel d’or et de frigils sculptées de platines, plantes artificielles aussi sèches que leur gosier et aussi tristes que leur âme. Mais je ne puis pas non plus pleurer aux pieds factices dieux muets qui ornent si bien les temples sombres des Majevris, habitants si lointains et solitaires du sud dont les yeux multicolores font rêver les naïfs. Une si simple rivière sépare nos corps et un si gigantesque fossé bloquent nos âmes autres fois jumelles. Quelle tristesse de se perdre ainsi en des croyances si multiples que le cœur lui-même se désintéresse du divin le plus pur. Qu'adviendra-t-il De moi ? Qui ne peut chanter les yeux fermés comme les peuples de l'ouest qui ont si peu à faire des problèmes tant leur liqueur écœurante leur embrouille leur esprit tourmenté de ne jamais pouvoir réfléchir ? Les Liviren, les liviren à la peu bleutée comme leur alcool et les cheveux bouclés et emmêlés comme leurs paroles. Dit moi terre chérie et adoré que deviendrais-je, moi qui ne saurais être assez sage pour journée après nuits et journées encore me plonge dans les éternelles interrogations des hehenlem peuples de l’est perdu. Je ne suis pas assez sage pour ne pas agir ou pas assez seulement pour comprendre ce qu’est une véritable action. 

Oui moi qui ne suis rien terre, je ne sais pas agir et ne sais pas réagir alors j'attends, que tu m'emportes si la mort ne vient le faire avant. Il est si longtemps que ceux qui pondent et ceux qui s'emmêlent respirent sur la terre. Il est si longtemps que plantes et champignons poussent sur ton corps. Je critique les bipèdes dotés de pensées disent-ils, mais je ne sais ce qu’est cela, et j'en font tout de même moins qu'eux.

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La senteur des prenil tacheté aux 129 pétales à la couleur flamboyante chatouille mes sens. La sensation semble bien différente pourtant comme si différentes de ma seule interprétation le toucher subtil des excrétions hormonales des fleurs sur le buisson aux épines brunes était physique, bien plus percutant. Tout me semble plus vrai et intense le plumage obscur des glines qui ont fait leur nid sur l'arbre kaki au tronc épais qui m'offre quelques centimètres d'ombre. Mes branches sont membres à présent et mes rameaux phalanges, mon écorce est chair et mes feuilles cheveux sur ma tête ronde. Oh, merci terre pour m'avoir rendue visite et donnée ce corps nouveau ainsi je pourrais agir et ne plus être bloqué en tant que plante. Pour combler mon bonheur j'aimerais tant pouvoir me déplacer avec le vent moi qui lui ai toujours fait face sans jamais pouvoir comme mes feuilles se laisser guider par lui. Je sais en mon cœur que mère terre aura accordé ce vœu. 

Avant que je ne puisse faire un pas je vois, au loin, arrivant une femme, trois enfants dans les pattes. Grande et élancée frôlant de peu les hauts branchages des Yunihier ses sabots s'enfonçant dans la terre bleutée. De longs cheveux argentés lui tombent sur sa poitrine nue d’immenses oreilles pointues lui sortant de la tête et ses yeux bicolore me fixant avec surprise.

_ Vous êtes le buisson, au coin de l'arbre n'est-ce pas . Je la regarde muet. Je voulais vous remercier et vous demander pardon. Merci car vos fleurs couvrent l'horrible senteur environnante et que vos feuilles me nourrissent moi et mes petits et vous demander pardon pour tout ce que je prends de votre corps pour faire subsister les nôtres. 

De ses mains poilues elle s'abaisse à mes pieds. Ainsi débutât une amitié que je n'aurais auparavant jamais vécue, ses paroles transpercent mon cœur et sa vie le fait battre, sa présence et un enchantement j'appris plus tard qu'elle ne fait pas partie des quatre bipèdes principales de nos terres et en vérité, je me soucie bien peu de quel peuple ou de quelle contrée vient son regard particulier. 

Soudain ses pieds commencent à se figer. 

_ Mon temps semble être venu, ne tu n fais pas, ne tu en fais pas je serais à présent pierre face à toi, je te souhaite la joie lors des grandes tristesses et la paix lors des grands tourments. 

Elle murmure alors que son visage devenait aussi gris que ses cheveux et aussi dur que les galets au bord des rivières de feu. Quand elle ne fait plus aucun mouvement je ne suis paralysé. Je sors de ma léthargie quand j'entends les pleurs sonores des enfants à mes côtés. Je les regarde et tente de les rassurer de leur parler mais déjà le vent se lève et je suis emporté au loin malgré mes plaintes et mon envie dévorante de rester. De mes six bras je tente de me retenir à un kikal mais rien n’y fait en je m'envole entendant de plus en plus lointain le crient des enfants esseulés. Et je pleure moi aussi, pour la première fois.

Dans le vent je vois les bipèdes et les quadrupèdes se trainer sur le sol chaud tantôt recouvert d'herbes hautes tantôt, sec et chaud. Je vois les souffrances alors qu’ils crient, je les regarde alors qu'ils se lamentent et supplient que je les aide de mes bras impuissants. Alors que le vent me transporte et que s'impose à moi la tristesse et la destruction des terres que je croyais prospère, je me demande si ce n'est pas mon propre souhait qui m'empêche d'agir. Ma propre volonté égoïste qui me rend impotent. Bientôt le jour se finit et avec lui la magie qui m'aura donné ce corps. Je suis à nouveau accroché à la terre et je suis de nouveau plongé dans mes répétitives réflexions discutant à la terre.

Oh emporte-nous terre, emporte-nous car je sais maintenant que nous autres accrochés à ton sein n'avons pas su en apprécier le lait. Nous t'avons tourmenté de notre égoïsme et nous t'avons lapidé de notre froideur. Emporte-nous, emporte-nous car jamais nous n'avons su t'aimer et jamais nous ne saurons. Emporte-moi, emporte-moi pour mes demandes insensibles et pour mes mots impardonnables. Emporte-moi pour n'avoir jamais vu celle qui devant moi se tient forte à jamais et qui n'aura jamais rien demander que de me voir heureux. Emporte-moi pour les enfants dont je n'aurais sus sécher les larmes car je ne les aurais jamais regardés. Emporte-moi pour ceux face auxquelles j'aurais détourné le regard, à ceux que je n'aurais sus voir qu'en apparence et ceux en face desquels je n'aurais su que paraître. Emporte-moi car ces larmes qui dans une silencieuse cacophonie s'abattent sur le sable trop chaud à mes pieds ne sont que pour moi. Car je suis le seul à rester sur les terres bénies de Pikinil.

Ploc... ploc... plicplic.. plicplicplic. pchaaaaaaaaaaa

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