1. Rendez-vous

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15 heures : une alerte SMS. Hélène m'y donne ses directives que je me dois de respecter à la lettre.

***

[Je vous attends pour 23 heures. Ne soyez pas en retard, j'ai horreur de ça. Je laisserai le portail ouvert, la porte d'entrée entrouverte. Vous n'allumerez aucune lumière, et grimperez l'escalier de marbre situé à gauche dans le hall. Vous me rejoindrez dans la première pièce qui vous fera face sur le palier de l'étage. Ne rêvez pas, ce n'est pas ma chambre. C'est un fumoir meublé XVIIIème, un décor raffiné qui devrait vous plaire. Et je vous veux tout aussi élégant que ce décor, alors exit le jean délavé, le tee-shirt XL d'adulescent, et bonjour le smoking. Si vous n'en avez pas, communiquez-moi vos mensurations ; je vous en ferai livrer un chez vous. Moi, je porterai une longue robe de soirée qui devrait vous mettre en appétit. Ah, et dernier détail, aucun sous-vêtement n'entravera le chemin qui vous conduira au creux de mon corps... H.]

***

Ses consignes sont claires, précises, et le jeu de rendez-vous clandestin qui se profile m'excite beaucoup. Je l'imagine, drapée de paillettes et de strass, comme les actrices hollywoodiennes. Le dos nu, la luxueuse étoffe fendue très haut sur la cuisse, libérant un accès direct à cette intimité, sans doute déjà ruisselante de désir pour moi.

***

16 heures tapantes : un coursier frappe à la porte de mon domicile pour me remettre à l'avance ce que ma prestation de ce soir lui coûtera. Et elle compte sur moi pour l'honorer sans faillir. Le challenge ne me fait pas peur : elle veut que je prenne le pouvoir dans notre ébat, je le prendrai. Elle est hautaine, directive, mais ça ne m'impressionne pas, j'en ai vu d'autres. Et puis, je n'ai aucun problème pour bander sur commande. Avec elle, je n'aurai même pas besoin de me forcer. Il me suffit d'y penser, d'en parler pour que ma queue se raidisse de désir. Je vais la prendre comme elle n'a jamais été prise, la faire jouir comme elle n'a jamais joui, lui faire mugir des tonnes de « encore » sous mon joug. C'est ça mon kif, niquer des mal-baisées qui se muent en putains au gré de mes va-et-vient dans leurs multiples cavités. Hummm, elle va prendre cher, la belle Hélène, je ne lui laisserai aucun répit...

***

22 heures 58. Je gare mon Alfa 164, une berline youngtimer, dans la cour gravillonnée, derrière une Tesla que j'imagine être sienne. En quelques marches, je gagne le perron, pousse l'imposante porte ouvragée et scrute l'obscurité du hall cathédrale, à la recherche de l'escalier marbré qu'elle a évoqué dans son texto. Je n'allume pas la lumière, comme elle l'a souhaité, mais guide mes pas à l'aide de la lampe-torche de mon smartphone - elle ne l'a pas formellement interdit - pour ne pas trébucher. Le palier de cet étage semble distribuer un nombre incalculable de pièces, mais elle n'a pas menti : seul le fumoir, pour l'heure encore clos, me fait face. Trouant l'obscurité ambiante, un rai de lumière diffuse filtre sous la porte, dénotant ainsi la présence d'Hélène. Un rapide coup d’œil à mon smartphone avant de le remiser dans la poche de ma veste : 23 heures. Je ne suis pas en retard.

Sans l'avoir frappé au préalable, j'ouvre doucement le battant de bois clair, qui grince en pivotant sur ses gonds. Elle est là, le dos nu, la chevelure relevée en un chignon sophistiqué, me révélant ainsi la pureté matinée d’érotisme de sa nuque. Elle est là, drapée d'une robe noire et or à la Mireille Darc, face à la cheminée, les yeux sans doute rivés sur l'antique horloge qui en surplombe l'âtre. Elle est là et ne dissimule rien de la nudité de son corps sous le tissu d’apparat.

— Pile à l'heure ! se contente-t-elle de me dire, sans se retourner et sans préambule.

Elle tient du bout des doigts son long fume-cigarette qu'elle porte par moments à sa bouche, que j'imagine fardée de rouge. Je me décide enfin à m'approcher d'elle, enlace sa taille en baisant son cou pour la saluer.

— Bonsoir Hélène...

Mon sexe bandé s'érige fièrement contre son séant, mis en exergue par la coupe échancrée de la délicatesse qui l'habille si légèrement. Ma main descend le long de sa cuisse et se fraye un chemin sous le pan de sa robe fendue tandis que je mordille délicatement le lobe de son oreille parée de diamants. Dans un soupir, elle laisse choir le fume-cigarette sur le sol, l'écrasant prestement de son escarpin avant de se dégager de mon étreinte afin de se retourner et se suspendre à mon cou pour jauger mon apparence de gentleman.

— Bonsoir, Valentin... finit-elle par lâcher.

Je l'attire contre moi en la saisissant par les hanches et en caressant son excitant fessier dont la vue et le toucher n'en finissent pas de me ravir. Nos bouches se dévorent, sans vraiment comprendre depuis quand, comment, ni pourquoi. Le temps d'une brève pause, elle me susurre ces quelques mots qui parachèvent le désir animal que j'ai pour elle.

— J'ai très envie, ce soir... Envie de toi...

Dans un élan irrépressible, je prends à nouveau ses lèvres et la porte à bout de bras pour la plaquer contre l'un des murs de la pièce, ornée d'une tapisserie surannée. Sa robe haute-couture doit coûter une fortune mais je m'en contrefous ; je n'hésite pas à la déchirer pour dénuder ses seins, les caresser, les lécher avec une avidité que je ne contrôle plus, encouragé par ses gémissements de plaisir. Ma main descend encore pour ruiner un peu plus l'étoffe noire et or, s'acheminer vers sa toison blonde qui se dessine sous mes doigts. Son toucher m'excite de plus belle ; je m'y enfonce sans pudeur ni gêne avant de m’agenouiller devant ses monts et merveilles. Son triangle d'or mouille sous mes va-et-vient, ma langue s'y immisce aussi. Ma belle Hélène se tord de jouissance, mais tout occupé à lui faire du bien, je ne me figure pas les larmes poindre au bord de ses yeux, puis s'écouler sur son visage.

Je l'entends juste me dire : « Arrête ! S'il te plaît, Valentin, arrête... »

Surpris, j'obéis à son injonction en levant la tête vers elle, interrogateur. En voyant l'étendue de sa tristesse assombrir ainsi son regard, je me relève, et lui prends la main, plein de sollicitude :

— Hé, qu'est-ce qu'il y a, Hélène ? Ça ne va pas ? Je t'ai fait mal ?

Mais il n'y a que son silence qui me répond. Je tente de rapprocher mon visage près du sien, d'essuyer ses larmes avec mes pouces, de plonger intensément dans ses prunelles éperdues pour y trouver le début d'une quelconque explication ; rien n'y fait.

— Laisse-moi, Valentin. Ce n'est pas toi, c'est moi. N'essaie pas de comprendre, laisse-moi... S'il te plaît, va-t'en maintenant...

Décontenancé par ce brusque changement d'attitude, je rends les armes. La découverte d'une autre Hélène, plus fragile, si touchante dans sa détresse, me trouble. Et me ramène des années en arrière. Je connais déjà ces larmes, ce sont celles d'Émilie. Oui, je les reconnais pour ne pas avoir su les sécher, en comprendre la cause. Pour avoir compris trop tard, quand tout était fini.

Émilie...

Émilie, Hélène, les maux semblent être les mêmes, et je me sens toujours aussi impuissant à faire quoi que ce soit. Je ne suis pas psy, je ne suis pas son mec. Je ne suis qu'un escort boy. Hélène ne m'a embauché que pour le sexe, pas pour le reste...

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