Liberté !

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Les inconnus se montrèrent à l’aube, alors que les autres venaient à peine de s’endormir. Nous avions passé la nuit à fouiller, à la recherche de nourriture, et nous nous apprêtions, agglutinés contre l’abri de tôle, à sombrer dans le sommeil. Mais les inconnus en avaient décidé autrement.

Ils avancèrent sans bruit, dans l’espoir de nous surprendre, mais leur odeur les trahit. Réveillés en sursaut, les autres s’enfuirent dans les hautes herbes. Où espéraient-ils aller ? Les plus jeunes me regardaient, cherchaient dans mes gestes la conduite à tenir mais n’y découvrirent qu’une tétanie épouvantée. Que nous voulaient-ils, ces grands pantins malodorants ?

Les inconnus se lancèrent à la poursuite des autres, les acculèrent contre les barrières, les guidèrent vers la sortie à grand renfort de cris et de bâtons. Nous étions cernés. Sur les consignes de notre gardien, ils éloignèrent les mères et leurs enfants du groupe, les chassèrent bruyamment et resserrèrent l’étau sur nous. Une porte s’ouvrit ; une issue, enfin ! Nous nous engouffrâmes dans la camionnette en une bousculade désespérée. La porte se referma sur nos espoirs avec un claquement sec. Nous étions piégés.

Entassés dans ce minuscule espace, secoués par les chaos de la route, bousculés par les autres, un long supplice nous attendait. L’écoulement du temps ralentit dans la souffrance. J’ai d’abord eu chaud. Puis soif. Puis peur. Et si nous ne sortions jamais de cette prison bringuebalante ? Combien de jours pourrions-nous tenir ainsi ? Les autres s’étaient calmés, assommés de frayeur et de fatigue, et abaissaient leurs têtes, dans l’attente passive d’une libération qui ne viendrait jamais. Ne voyaient-ils donc pas ?

Je me faufilai jusqu’à la porte traîtreuse, la poussai de mon épaule, cherchai à son seuil une brèche, mais rien. Je grattai, grattai, grattai, jusqu’à user la corne de mes pieds et saigner sur l’acier. Il nous fallait sortir, je grattai. Retrouver le grand air ! Je grattai.

Ma supplique fut exaucée.

Le soleil nous éblouit un temps, coincés dans l’ombre de la cabine, et je fus la première à oser sortir. Les inconnus tapèrent les tôles puis les croupes, criant, gesticulant, effrayants. Les autres me suivirent, hésitants.

Où étions-nous ? Mon nez chercha. L’air ne portait que senteurs nouvelles, mystérieuses et captivantes. Malgré la peur, j’avançais, autant pour fuir la brutalité des pantins que pour me repérer. Mon flair guidait mes jambes, le lourd parfum du sous-bois, des feuilles sèches et des champignons nous attirait à lui, la forêt nous offrirait un couvert protecteur où patienter jusqu’à la nuit.


Bang.

Le petit s’effondre.

Les autres paniquent, fuient vers la forêt, et je reste là, hébétée.

Bang.

Le son était proche, mes oreilles s’emplissent de sable, et mes jambes s’agitent sans contrôle. Je fuis.

Où sont les autres ? Mes narines frémissent. Où sont les autres ?

Leurs pistes se divisent sur les troncs, le groupe n’est plus. Je me dirige sans choisir, seulement parce que mes jambes réclament de courir. Les buissons fouettent mon cuir, je rampe, saute, dérape.

Bang.

Au loin, les chiens aboient.

Je piétine, cours, m’arrête, renifle. Ils approchent.

Plus près, les chiens aboient.

Les autres sont hors de vue. Vivants ou morts, qui le sait ?

J’ignore où je suis, où je vais, mais je fuis. Le danger, les hommes, les chiens, la mort. Je les fuirai aussi longtemps que mes jambes me porteront, sans répit ni hésitation.

Les branches craquent derrière moi, alors je cours, encore, plus vite.

Les branches craquent devant moi.

Tout près, les chiens aboient.

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