J’en ai mis du temps écrit par Aventador

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J’en ai mis du temps écrit par Aventador


J'en ai mis, du temps, à atteindre une certaine sérénité ! Quarante-huit ans pour ainsi dire...

Parce que la vie n'a pas toujours été tendre avec moi, mais je ne lui en veux pas.

On a certes tous un capital différent au départ, et c'est un leurre de croire que l'on naît tous égaux. Mais tout n'est pas pour autant écrit, figé à l'avance, notre destinée se dessine principalement à l'aulne des choix que l'on fait, plus ou moins consciemment je vous l'accorde.

Évidemment, il m'aurait été impossible de m'improviser Indiana Jones, même si j'en avais eu les velléités, compte tenu des caractéristiques génétiques que je me traîne depuis le berceau.

Une maladie métabolique rare, orpheline, qui a pas mal influé sur mon existence en aiguillant certains de mes choix, mais j'ai aussi su m'en affranchir pour nombre d'entre eux, celui de la paternité en particulier.

La perte de ma mère, très jeune, aurait aussi pu avoir raison de ma volonté d'avancer sans forcément me laisser porter par le courant ; c'est une cicatrice qui est restée longtemps à vif : j'ai mis plus de vingt ans à en faire le deuil et à ouvrir ma sensibilité aux autres. Mais j'ai compris que les secrets de famille bien gardés pourrissaient tout, poussaient certains de ceux qui se disaient proches de moi à se travestir pour mieux mentir, par omission ou non, afin de préserver au mieux leurs propres intérêts. Ca m'a conduit à faire le tri dans mes relations, je n'ai conservé que celles qui valaient vraiment le détour, qui voulaient sincèrement faire partie de mon cercle ; j'ai laissé de côté les hypocrites.

Ma jeunesse d'alors, ma naïveté, mon aveuglement même, m'ont fait perdre du temps, commettre des erreurs, de jugement parfois, et il y en a certaines qui ne se rattrapent pas. Mais au plus profond de moi, désormais je le sais, j'ai l'intime conviction de connaître la vérité sur les derniers jours de ma mère ; j'ai reconstruit seul le puzzle des incohérences qu'on m'a servies à tout va depuis l'enfance. Et tant pis si ça choque, si les bien-pensants sont outrés ou couverts de honte : ma mère a toujours eu le courage de ses opinions et de ses actes ; ce n'est pas le cas de tout le monde ! Mais il convient toujours de sauver les apparences à tout prix, n'est-ce pas ?

Ca n'a pas été sans incidence, grandir dans l'ignorance, les idées reçues, les mensonges. Il a fallu que je m'en affranchisse, que je sache pour pouvoir me projeter et écrire un avenir. Trente et un ans a été un cap difficile à passer : c'est l'âge que ma mère a pour l'éternité, et il me paraissait alors impensable de vivre plus longtemps qu'elle. Seulement, j'avais une vie à construire, et en acceptant enfin sa mort, j'ai quitté l'enfant que j'étais pour devenir l'homme que je suis : un mari, et le père de deux enfants. Ce choix de paternité, je n'aurais pas pu le faire avant ce deuil : on ne se projette pas adulte et parent tant qu'on n'a pas tordu le cou aux démons de son enfance...

Quelque part, ma mère a toujours été une sorte de guide spirituel, moral, même si ma croyance religieuse est indéfinie, un peu floue : je crois en quelque chose, mais je ne sais pas vraiment en quoi. C'est pour elle que j'ai relevé le défi de ne jamais redoubler jusqu'au bac ; et comme elle, je me suis destiné à une carrière dans l'enseignement. Comme elle, j'ai dû y renoncer. Sans doute est-ce mieux finalement, je n'étais probablement pas fait pour ça. J'ai malgré tout tutoyé l’Éducation Nationale avant de changer de branche, me suis orienté vers quelque chose qui semblait davantage dans mes cordes. Mais après huit ans de bons et loyaux services, sans jamais fléchir devant ceux qui voulait me faire plier pour mieux m'écraser, fidèle à mes convictions de droiture et de conscience professionnelle - un héritage de ma mère peut-être -, j'ai à nouveau bifurqué professionnellement. C'était une question de survie, mentale et physique. De toute façon, j'avais fait le tour de ce métier qui ne m'apportait plus aucune satisfaction, me bouffait et ne charriait que des emmerdes.

Il ne faut jamais subir son existence, quand elle ne nous convient plus, il faut savoir se retrousser les manches et la prendre à bras le corps pour en changer, pour l'infléchir dans une direction plus épanouissante. C'est ce que j'ai fait avec le concours de mon épouse, qui m'a beaucoup soutenu à ce moment-là. Un virage à cent-quatre-vingts degrés, bénéfique pour nous tous, tant d'un point de vue professionnel que privé. J'étais enfin davantage disponible pour cette famille que nous bâtissions ensemble, pierre après pierre.

Mes deux enfants, c'est ce que j'ai de plus cher au monde. Mais lorsque j'ai commencé à regarder dans le rétro, la quarantaine passée, quand mon couple battait de l'aile, quand je croyais m'être trompé de chemin sentimental et avoir emprunté la mauvaise route, quand la mienne a virtuellement croisé celle d'un amour de jeunesse non consumé, j'ai douté de mes choix. Il a fallu que je vive cet amour avec vingt ans de retard, que je comprenne les conséquences, les blessures causée par ma non-déclaration passée, entravée par une timidité et une crainte qui n'avaient pourtant pas lieu d'être à l'époque, que je me brûle les ailes et me désillusionne au contact de cette fiancée qui n'a jamais été mienne pour me rendre compte de l'importance de cet acte manqué dans ce destin que je me suis écrit. Car cinq à six ans plus tard, sans ce "passif" amoureux, je ne me serais probablement jamais autant fait violence pour enfin oser avec celle qui allait devenir plus tard mon épouse et la mère de mes enfants. Oui, les désillusions de la quarantaine m'ont, quelque part, ouvert les yeux : je ne suis rien sans eux, la chair de ma chair, et si je n'avais pas foiré ma vie amoureuse à vingt ans, avec les malheureux dommages collatéraux que je connais aujourd'hui pour cette femme qui m'a elle aussi aimé, je ne serais pas aujourd'hui l'heureux papa de Victoria, ma grande fille, et de Vincent, mon fils.

Il m'en a fallu, du temps pour me rendre compte de tout ça, que les échec forgent autant que les réussites, y contribuent même parfois.

Mes enfants et moi poursuivons notre route main dans la main avec en point de mire cette grande année qui nous fera, je l'espère, oublier toutes celles qui ont pu être plus sombres. En 2023, nous fêterons ensemble mes cinquante balais, la majorité de ma fille et les dix ans de mon fils. Un lien indéfectible.

C'est sans doute cela que l'on appelle la sérénité de l'âge, le privilège des plus sages : ne plus avoir peur de vieillir tant que mes enfants restent, physiquement ou non, à mes côtés, tant qu'ils tracent leur chemin de vie, tendent à suivre la meilleure des voies pour eux, celle qu'ils se choisiront pour tenter de toucher du doigt le bonheur et les joies simples, qu'importe où et avec qui, tant qu'ils me survivront.

Ils ne sauront peut-être pas tout de moi de mon vivant, la pudeur m'empêchant parfois de trop révéler mes failles intimes, mais mes écrits, fictifs ou non, leur dévoileront cette part de moi qu'ils soupçonnent néanmoins sans doute, celle que je ne dis pas. Ils savent que je les aime plus que tout, et c'est sûrement là l'essentiel. Ma plume leur confirmera ces passions qu'ils me connaissent déjà, et cet amour inconditionnel que j'ai pour eux, celui dont ils ne douteront jamais je crois.

Car s'il y a bien une chose dont je suis fier dans ma vie, un choix que je ne regrette pas, c'est bien celui d'être leur papa.

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