La guerre des sols

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Dans le ciel chauffé à blanc, le soleil dardait ses rayons acérés comme des lances sur le sol de mon petit pavillon. C’est alors que je les vis : les moutons grisâtres résolument campés, les traces de chaussures boueuses s’acharnant à détruire l’harmonie immaculée de mon carrelage assiégé par une semaine de négligence. L’heure du branle-bas avait sonné, il était temps de sauver dame Propreté avant qu’elle n’achève de succomber !

Sans perdre de temps, je courus à mon râtelier d’armes et me saisis de la première, celle qui affaiblirai le monstre Saleté : mon balai ! Je me mis à tournoyer au milieu des rangs ennemis, perçant la défense des moutons maladifs. Las ! Les traîtres responsables de leur invasion, jusque-là endormis, se levèrent et traversèrent le champ de bataille, réduisant à néant les efforts que j’avais entamés…

Par un réflexe de survie, j’ouvris la porte attenant au jardin et prononçai les paroles magiques : « Va là-bas ! »

En haletant et gémissant, dans un nuage de poils, les deux coupables s’exilèrent hors du logis envahi. Je refermai l’huis aussi vite que possible, sans pouvoir empêcher quelques feuilles mortes belliqueuses de s’engouffrer de force.

Le soldat Balai reprit du service en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Bientôt, moutons, poils de mue et cadavres végétaux, acculés par ses ardeurs martiales, chutaient bien malgré eux dans le gouffre Poubelle et dans l’oubli.

Il était temps pour l’artillerie lourde de passer à l’action. J’invoquai solennellement l’ogre Aspirateur, terreur des soldats infiltrés qui se terraient dans les coins, prêts à réduire à néant les exploits de Balai. Le mastodonte se jeta sur le champ de bataille en mugissant son cri de guerre caractéristique, anéantissant tout sur son passage. Pas un envahisseur qui n’échappât à son appétit dévorant. Pas même les espions qui se croyaient à l’abri sous les remparts de l’armoire et du canapé. En criant victoire, le colosse repu retourna dans son antre.

Restait à éliminer les plus tenaces adversaires, ceux qui avaient marqués de leur empreinte indélébile leur victime carrelée. J’appelai mes alliés à la rescousse. Le sieur Seau et la guerrière Serpillière inondèrent ces répugnants ennemis d’eau détergente. Dans les cris silencieux de leurs victimes, on percevait leur impuissance face à une arme aussi redoutable. Noyés, suffoqués, ils ne pouvaient plus répliquer.

Bientôt la victoire fut nôtre. Le soleil radouci faisait briller le sol immaculé en guise de célébration de notre succès. Dame Propreté n’avait jamais été aussi radieuse, aussi resplendissante, et son sourire éclatant de blancheur fut la récompense de nos justes efforts. Elle et moi vécûmes heureux jusqu'à l'offensive suivante du démon Saleté.

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