Pyrénées effacées

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Pyrénées effacées

Oui, cette journée était celle d’une approche « charnelle » de la solitude. C’est en effet, comme une angoisse qui étreint au centre du corps, lance ses assauts, vous enserre dans une manière de côte de mailles. Toute sensorialité semble s’être éteinte. Oreilles enduites de cire, yeux emplis de peaux comme dans les cataractes, mouvements ralentis, toucher anesthésié, goût amer dans la bouche avec la présence d’une inextinguible soif, façon symbolique, sans doute, d’invoquer le ressourcement au terme duquel revivre.

J’ai pensé à une traversée du désert. Pourtant tu connais bien mon désir de silence, mon choix des vastes espaces où l’on ne rencontre que le vent. Pour autant je ne suis ni anachorète ni religieux retiré dans son inatteignable météore. Tu en es consciente, toi aussi la « promeneuse solitaire ». Tout retrait du monde n’est supportable qu’à la mesure d’une présence quelque part qui dit l’écho de son propre être. Jamais il n’y a de solitude totale.

Le moine dans sa cellule est avec dieu. Le savant fou immergé dans sa forêt d’éprouvettes est avec la science. L’écrivain dans sa tour d’ivoire avec ses personnages. Le penseur au sein de sa monade avec la philosophie. L’artiste en son atelier avec l’art. Le prisonnier en sa geôle avec l’idée de la liberté à conquérir. L’explorateur dans la forêt amazonienne avec la découverte qui va bientôt confirmer le but de sa quête. L’archéologue parmi les sables brûlants avec les dieux qui ont inventé les mythologies.

Nul n’est seul au monde. Le serait-il et ce monde n’existerait pas. Toujours une pensée, une idée, un affect, un percept, une mémoire, un souvenir, un projet sous-tendent le chemin accompli par tout homme. A défaut d’altérité c’est la mort elle-même qui nous atteint au plein de notre être. Exister c’est être soi en l’autre, être l’autre en soi. De signifiant à signifiant, l’espace du signifié.

Mon périple touche à sa fin. L’horizon qui, ce matin affichait sa barre de corail au travers de laquelle se donnait à voir la belle chaîne des Pyrénées, voici qu’il est devenu une aire vide où plus rien ne se laisse apercevoir qu’une brume vaporeuse s’étendant à l’infini. Suis-je en deuil des montagnes ? Suis-je SEUL par rapport à elles qui se sont renfermées sur leur mystère ? Non. Je sais leur moutonnement blanc et gris, leurs arêtes étincelantes, le crépitement d’un glacier, la découpe en dents de scie d’une crête. Je sais tout ceci et suis AVEC elles. Savoir est l’antidote de la solitude. Il faut en avoir éprouvé l’efficience au fond de soi. Un écho qui jamais ne s’éteint.

A toi ma Solitaire sans qui je serais SEUL. Irrémédiablement !

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