CHAPITRE 2 Partie 2

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        Damien ne le suivit pas tout de suite. Il observa d'abord les alentours, afin d'être sûr que rien n'ait pu lui échapper. Il ne pouvait se résoudre à dire que Ryden avait halluciné. Pas avec la réaction qu'il avait eu. Sans compter que lui aussi avait entendu du bruit. Il y avait bien eu quelqu'un à l'intérieur de l'appartement. Quelqu'un de menaçant, qui n'avait pas voulu se montrer.

        La température chuta soudainement de quelques degrès, faisant frissonner le jeune homme. Quelque chose était en train de se passer. Une odeur nauséabonde envahit l'espace, mais il ne grimaça pas. Il en avait sentit des pires et aurait pu la reconnaître entre mille. Il s'agissait de l'odeur d'un cadavre en voie de décomposition. Il y avait un cadavre ici. Damien ferma les yeux un instants, essayant de se concentrer sur sa seconde vue. C'était une sorte de don qu'il avait depuis tout petit et qui lui permettait de toujours trouver ce qu'il cherchait. Quand il les ouvrit à nouveau, il vit des traces noires sur le sol. Elles formaient des petits nuages ressemblant à des empreintes de pas. A leur taille, le jeune homme déduisit qu'il s'agissait d'une femme. Damien suivit les traces. Plus il avançait, plus l'odeur se faisait persistante, au point de rendre l'air quasiment irrespirable. Prenant sur lui, l'inspecteur continua son exploration. Il se retrouva face à un mur, mais les empreintes semblait vouloir aller plus loin.

     Fronçant les soucils, le jeune homme s'agenouilla, tentant tant bien que mal d'ignorer l'abominable odeur qui se dégageait du mur. Il frappa à plusieurs endroits, jusqu'à entendre un bruit creux. C'est à ce moment là qu'il se rendit compte que la peinture semblait neuve sur un petit mètre carré. Se fustigeant de ne pas l'avoir remarqué plus tôt, Damien se releva, en quête de quelque chose qui pourrait casser le mur. Il trouva rapidement un marteau, dans le bazar du salon.

        Il frappa violemment le mur, qui ne tarda pas à casser. L'odeur de cadavre s'intensifia tellement qu'il failli en vomir. Avec le flash de son téléphone, il éclaira la petite cavité sombre. L'inspecteur ne tarda à trouver la provenance de l'odeur. Un petit corps trônait là, enveloppé dans une couverture. Damien ne toucha à rien. Il se redressa et composa rapidement un numéro. Son interlocuteur décrocha à la première sonnerie :

    "Qu'est-ce que tu fous bordel, gronda Ryden . Ça fait trois plombes que je t'attends.

    –Il va falloir que tu remontes, j'ai trouvé quelque chose. Appelle des renforts. On va boucler le périmètre.

    –Qu'est-ce qui se passe, Damien ?

La voix à l'autre bout du fil était inquiète. Ryden se rendait compte que son collègue avait trouvé quelque chose d'important.

    –Viens voir par toi-même.

Et il raccrocha. A peine dix secondes passèrent avant que le plus vieux débarque en trombe. En sentant l'odeur nauséabonde, Ryden grimaça et cacha son nez avec son tee-shirt. Il préférait sentir la sueur que le cadavre. Il s'approcha du trou que Damien avait fait, se baissa et constata par lui même la présence du cadavre.

    –T'as touché à rien ? Demanda-t-il.

Son jeune collègue leva les yeux au ciel, exaspéré.

    –Tu me prends pour un débutant ou quoi ? Evidemment que j'ai rien touché.

    –Très bien, laisse-moi quelques secondes, le temps de passer quelques coups de fils."

                                                                            * * *

       Il ne fallut pas moins d'une demi-heure avant que les scientifiques et le légiste n'arrive. En attendant, les deux inspecteurs essayèrent tant bien que mal d'empêcher les voisins curieux d'entrer dans l'appartement, afin d'éviter que des preuvres soient détruites. Ceux-ci avaient été attirés par l'odeur qui avait atteint le couloir. Ils avaient posé des questions aux inspecteurs et même tenté de forcer le passage. C'était Ryden qui s'était chargé de les faire sortir.

       A peine fut-il arrivé que James, le médecin légiste, remarqua qu'il s'était passé quelque chose d'anormal. Les deux hommes étaient tendus, et Ryden semblait sur le point de tuer quelqu'un. Il comprit rapidement en voyant l'attroupement, que sa patience avait dû être mise à rude épreuve.

        Le légiste aimait bien Ryden et le connaissait assez pour savoir que les limites de sa patience étaient relativement mince, surtout depuis un mois. Quand à Damien, disont qu'il ne l'appréciait pas assez pour s'en soucier. Il trouvait le jeune homme beaucoup trop arrogant et trop cachottier. Il ne lui faisait aucunement confiance et se demandait comment le plus vieux pouvait accepter de travailler avec quelqu'un comme ça, alors qu'il était si spontané, incapable de cacher quoi que ce soit. Même son alcoolisme, il n'était pas parvenu à le dissimuler. Tout le monde le savait, mais personne ne disait quoi que ce soit. Sans doute parce que Ryden était un excellent inspecteur. Un des meilleurs même. James l'admirait, il aurait aimé pouvoir accomplir la moitié des choses que l'homme avait faites.

Le légiste le rejoignit. Il lui sourit en se passant une main dans les cheveux :

"–Dure matinée on dirait, fit-il. Deux cadavres en quelques heures, ça craint.

Ryden soupira.

    –Je te le fais pas dire. Quand tu verras dans quel état est le corps, ça va te faire tout drôle.

James haussa les épaules.

    –Tu sais, dit-il. J'en ai vu pas mal dans mon métier. Je ne pense pas que quelque chose puisse me surprendre désormais.

    –Tu me fais penser à Damien quand tu dis ce genre de chose. Lança Ryden, un sourire narquois aux lèvres

Son interlocuteur grimaça en levant les yeux au ciel.

    –Ferme-là! grogna-t-il avant de s'avancer vers le trou.

        Ryden secoua la tête. Il ne comprenait pas pourquoi les deux hommes ne se supportaient pas. Pour James, Damien était trop arrogant et étrange. Pour Damien, James n'était pas digne ne confiance et il fallait s'en méfier. Ils n'échangeaient jamais plus de quelques mots, c'était en général au plus vieux que le légiste parlait.

         James aurait du écouter l'inspecteur. Il aurait du savoir que l'homme ne cherchait pas à le sous-estimer, mais bien à le mettre en garde. Sans compter que ce n'était pas dans ses habitudes de prévenir avant. Après avoir eu l'autorisation des scientifiques, il enleva la couverture qui protégeait le corps. Si cette dernière avait été blanche un jour, ce n'était désormais plus le cas. D'un gris sale, elle avait des tâches plus foncées, douteuses. James ne voulait même pas savoir de quoi il s'agissait.

        Le corps était celui d'un nouveau-né, son état de décomposition lui indiqua qu'il était là depuis quelques mois maintenant. Vu l'état du corps, il ne pouvait pas en dire grand-chose, sinon qu'il avait à peine quelques semaines. Sa peau, devenue presque noire, saillait sur ses os à peine formés. Il vit que la bouche n'était pas fermé. Quelque chose la bloquait. Après avoir mis des gants, il y glissa deux doigts et heurta quelque chose de mou. Il en sortit une sorte de chiffon, jaunâtre avec quelques tâches brunâtre.

    –Alors ?

Le légiste sursauta et se tourna vers Ryden qu'il n'avait pas entendu arriver. Ce dernier se tenait juste derrière lui et regardait par dessus son épaule, un air  dégoûté sur le visage.

    "Ça doit au moins faire cinq mois qu'il est là, il n'a pas plus de quelques jours, voir semaines et c'est un garçon. Je viens de retrouver un morceau de tissus dans sa bouche, je pense qu'il est mort par asphyxie. Je vais l'autopsier et je te contacterai quand j'en saurai un peu plus. Mais à mon avis, Angela Nichols n'était pas prête pour la maternité.

    –Je vois. Avec Damien, nous allons interroger les voisins pour voir si l'un d'eux n'a rien entendu. Après tout, une femme avec un bébé ça s'entend, surtout dans un immeuble comme ça. Ils auraient au moins dû la voir rentrer de la maternité. L'un d'eux l'aura peut-être aperçue avec un bébé. Ce qui nous serait utile, c'est de retrouver le père.

–Tu penses qu'il aurait tué la femme après avoir découvert ce qu'elle a fait au bébé ?

–Ou alors, il les aurait tué tous les deux ?

–Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps entre chaque meurtre ?

L'inspecteur réfléchit quelques secondes avant d'avouer :

–Je ne sais pas. C'est pour ça qu'il faut qu'on retrouve le père. Il pourrait répondre à nos questions.

      Puis, il se dirigea vers Damien, qui l'attendait patiemment. Le jeune homme n'avait pas voulu s'approcher du légiste, qu'il observait froidement. Il ne savait pas pourquoi cet homme lui faisait froid dans le dos. Quelque chose chez lui le dérangeait, mais il n'arrivait pas à mettre la main dessus. Il reporta son attention sur son collègue qui lui relata sa conversation avec James. Après quelques minutes de silence, le cadet finit par dire :

    –Ça m'ennuie de l'admettre, mais il a raison. Le père ne peut pas avoir tué les deux, ce serait pas logique. Il y a trop d'écart entre les deux meurtres. Il est fort problable que ce soit Angela Nichols qui l'ai assassiné et que le père ait appris le meurtre. Furieux, il l'aurait retrouvée et tuée. Je pense même qu'il s'agit d'un de ses clients.

    –Tu as peut-être raison, admit Ryden, mais on ne peut écarter aucune piste. On a désormais deux meurtres sur les bras et il est hors de question que je passe à côté de quelque chose à cause d'une déduction trop rapide.

Damien leva les yeux au ciel.

    –Je comprends, mais je sais que j'ai raison. J'ai interrogé les voisins pendant que tu parlais chiffon. D'après eux, la victime n'est jamais revenue avec un nourrisson. Pire, aucun, d'eux n'a entendu de pleures de bébé.

    –A quoi tu penses Damien ?

    –Angela ne voulait pas d'enfants, ça aurait nui à sa profession. Mais elle est quand même tombée enceinte. Sans doute un client habituel qui a oublié de se protéger. Elle ne pouvait pas aller à l'hopital pour avorter, vas savoir pourquoi. Alors elle a décidé d'aller au terme de la grossesse. Quand son ventre a commencé à se voir, elle a eu du mal à trouver des clients, donc grosse perte d'argent. Elle ne pouvait pas se nourrir convenablement, d'où les vieilles conserves qui traînaient dans la cuisine. Elle n'est pas du genre à tenir son appartement propre. Elle n'y vit pas vraiment. Juste pour se reposer, manger et se changer, puis elle repart dans la rue. Elle a un plan en tête, c'est pour ça qu'elle accouche chez elle. Elle trouve un moyen de ne pas se faire entendre, malgré la finesse des murs, et enfin, une fois le bébé arrivé, elle l'étouffe en lui enfonçant un torchon dans la gorge pour ne pas qu'il crie. C'est un moyen pour elle de faire comme s'il n'avait jamais existé.

    –Ça me semble un peu tiré par les cheveux, fit Ryden. Mais admettons que tu ais raison. Comment le père aurait-il pu être au courant ? Et surtout, pourquoi maintenant, cinq mois après le meurtre ?

    –Il a du l'apprendre de quelqu'un. Peut-être Angela avait-elle un confident. Une personne à qui elle pouvait tout dire, qui ne l'a pas jugé ou même qui l'aurait encouragé dans cette voie-là. Cette personne l'aurait surement influencée, ce qui n'aurait pas été bien compliqué, puisqu'elle se trouvait dans une grande détresse à cause de sa grossesse. Elle a donc été poussée à commettre un meurtre. Sauf que cette personne l'a trahie. Elle a tout dit au père. Quand celui-ci a appris la nouvelle, il serait entré dans une rage folle, tuant Angela durant une dispute. Vu l'état du cadavre, c'était prémédité. Il comptait la tuer de toute manière, mais il voulait quand même des explications. Peut-être même qu'il voulait une raison de l'épargner."

     Ryden se passa une main sur le visage. Comme d'habitude, ce que disait Damien était fort probable, et peut-être même qu'il avait raison, mais il sentait que c'était bien plus compliqué que ça, qu'il y avait autre chose. Néanmoins, il choisit de faire confiance à son jeune collègue. Aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais le jeune homme ne s'était trompé depuis qu'ils travaillaient ensemble. Combien de fois cela l'avait étonné ? Après tout, le cadet était jeune, bien plus jeune que lui.

      Les deux hommes se mirent d'accord pour retourner au bureau. De là, ils feraient des recherches plus poussées sur Angela Nichols. Ils trouveraient bien quelqu'un dans son entourage qui pourrait répondre à leurs questions. Avec un peu de chance, ils trouveraient rapidement le père de l'enfant, et tiendraient leur coupable.

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