Dans le ventre brun de la forêt

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    Le 16 octobre 1976 était une journée particulièrement agréable, compte tenu de la saison. Le soleil réchauffait la terre fraichement labourée. De fines fumeroles blanches montaient des sillons mis à nus. Les arbres teintés de cuivre perdaient leur feuillage et l'air portait un parfum automnal, mélange d'humidité et d'accents tourbés. Bientôt, la pluie et le froid prendraient l'avantage, mais pour l'heure l'été résistait.

Quatre jeunes garçons enfourchèrent leurs vélos ce jour-là, bien décidés à profiter de cet après-midi providentiel. Ils allaient rejoindre la pointe nord du village, d'où partait un chemin de terre qui serpentait au milieu des champs avant de longer la forêt attenante. Juste assez large pour qu'un tracteur y circulât, il était criblé de profondes ornières et de grosses pierres de chaux. Autant d'obstacles et de tremplins naturels qui justifiaient qu’ils le surnommassent « le terrain de motocross ». 


    Ils roulaient depuis près d'une demi-heure quand le meneur de la bande fit un dérapage et se retourna, sourire aux lèvres. Ils étaient arrivés à une bifurcation : à droite le chemin principal continuait vers le village, à gauche un sentier étroit et jonché de racines s'enfonçait dans la forêt. Les arbres qui le couvraient lui donnaient l'allure d'un tunnel. Le garçon attendit que ses amis soient à sa hauteur puis leur jeta un regard complice. Ils acquiescèrent d'une moue entendue et s'élancèrent à sa suite. 

Aussitôt qu'ils eurent pénétré le ventre brun de la forêt, la luminosité diminua. À travers l'épais feuillage, on apercevait au loin le clocher de l'église. Jambes tendues et mains crispées sur les guidons à la manière de pilotes de motocross, ils pédalaient de toutes leurs forces en mimant des bruits de moteur. Le meneur de la bande tenait la tête. À l'approche d'un virage surélevé, il prit de la vitesse et disparut derrière le talus. Celui qui le suivait redoubla d'énergie pour le rejoindre. Il se lançait dans le virage à son tour, penché sur son guidon lorsque tout à coup il aperçut son ami étendu à la sortie de la courbe. D'un coup de guidon il sauta sur les freins, dérapa, réussit à l’éviter et termina sa course dans un buisson. Aussitôt, il cria à l'adresse des poursuivants. Il se tourna ensuite, haletant, vers son ami. Il se tenait assis, jambes pliées et poings en arrière, serrés sur une poignée de feuilles mortes. Plus loin les roues de son vélo couché sur le flanc continuaient de tourner en cliquetant.

« Ça va Christophe ? J'ai bien failli m'aplatir par ta faute. Qu'est ce qui s'est passé? »

Aucune réaction ne vint de son camarade, seulement sa poitrine qui se soulevait d’une manière erratique.  

 « Chris', merde, tu t'es bouffé la langue? »


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