La toge qu'elle était dure à enfiler

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 Zéphistos se regarde dans un miroir encadré de calcium. « Dis, Antalapédipos... Je n'ai pas un peu grossi ?

 — Pas le moins du monde, votre Lourdeur.

 — Comment m'as-tu appelé ?

 — Euh... Votre Lou... Votre Loueur.

 — Qu'est-ce que c'est que ça, un loueur ?

 — Quelqu'un que l'on loue, sire. C'est un titre très honorifique.

 — Mais je n'ai nulle envie d'être en location !

 — Louer, au sens glorificatif, monseigneur.

 — Ne me prend pas pour un imbécile. Je le savais très bien. "Zéphistos le Loueur." Va me le graver au dessus de la porte, ça fera joli. Et, Antalapédipos...

 — Oui ?

 — N'oublie pas que tu me répugnes toujours, peu importe ce qui a pu se passer entre nous... »

 Antalapédipos sort de la chambre de son maître. Il parcourt de longs couloirs dont les murs sont faits de briques de calcium. Il arrive devant une grande porte, celle du palais de Zéphistos. Le contre-maître ouvre les deux immenses battants, découvrant ainsi le ciel martien couleur ocre. Il se saisit d'une échelle, d'un pic et d'un maillet. Quelques secondes plus tard, le nouveau titre du vil Grec est gravé sur le montant : « Zéphistos le Loueur (au sens glorifique, notre seigneur n'est pas en location.) »

 Retour dans la chambre de l'infâme Zéphistos. Celui-ci est en train d'essayer des nouvelle toges. Un vieil homme avec une longue barbe entre dans la pièce. « Ah, mon cher Doritos !

 — Sympas, ta toge. Belle couleur.

 — Tu trouves ?

 — Je plaisantais. Elle est plus moche qu'un enfant issu d'un métèque et d'une chèvre pendant les vendanges d'un mauvais vin produit par un borgne lucanien. Enfin, je ne suis pas venu pour te donner des conseils vestimentaires. »

 Doritos se sert une coupe d'un liquide. Il en boit une gorgée, puis le recrache aussitôt. « Qu'est-ce que c'est que cette merde ?

 — Du jus de calcium. C'est bon pour mes os.

 — Tu as toujours mal ?

 — Cela fait vingt ans que j'ai mal, Doritos. Depuis que cet ours radioactif romain me brisait en deux...

 — Ces fils de louves sont prêts à tout, Zéphistos. Tu auras ta vengeance. En attendant, nous devons nous préparer. Nos ennemis arrivent.

 — Enfin ! Je commençais à perdre patience. Je vais pouvoir mettre mon plan à exécution... Ha, ha, ha !

 — Hé, hé, hé !

 — Ho, ho, ho !

 — Hu, hu, hu !

 — Assez ri. On a du pain sur la planche. »

 Fondu enchaîné. L'escarpin géant se rapproche de Mars. La planète rouge semble figée, comme gelée par un froid glacial. « Je me demande ce que Zéphistos compte faire de tout ce calcium, dit Rick.

 — À vrai dire, il m'a révélé ses intentions quand j'étais sa prisonnière.

 — Putain, Cathy, tu pouvais pas le dire avant ?

 — Calme-toi. Tout ce que je sais, c'est qu'il veut s'en servir pour son plan maléfique.

 — Voilà qui nous aide. Et si nous parlions de notre plan à nous, soldats de l'A.N.U.S. ? »

 L'escarpin pénètre dans l'atmosphère martienne. Il atterrit dans une plaine désolée et solitaire.

 « Mais qu'est-ce que c'est que ce machin ? », s'écrie Cathy. À l'horizon, elle perçoit un gigantesque pic. Celui-ci a la couleur de l'albâtre, et à son sommet se trouve un Z géant. « Zéphistos a carrément balisé sa position, dit Rick en sortant du vaisseau. Ce sera du gâteau.

 — En parlant de gâteau... »

 Le soldat Wrecklerton étale une nappe à carreaux sur la poussière orangée. L'escouade s'assoit dessus et commence à sortir des sandwiches. « C'est une blague.

 — Quoi ? On ne peut pas aller se battre le ventre vide. Vous voulez vous passer de l'A.N.U.S. ? Très bien. Allez-y tout seul. Nous, on mange.

 — Vous aimez les chips d'oreilles d'alligators, shérif Storm ? »

 Doritos passe en revue les troupes de roboplites. Travelling gauche-droite sur les étendards :

 « Roboplites Guerriers », « Roboplites Pilleurs », « Roboplites Destructeurs », « Roboplites Atomiseurs », « Roboplites Protecteurs », ...

 « Je me demande si je n'envoie pas les roboplites sexuels... Non. L'armée est assez puissante pour affronter l'ennemi. Nous sommes fin prêts. Je me demande où est Antalapédipos... Peu importe. Il est l'heure de se revêtir. »

 Doritos entre dans une petite pièce du palais où l'attendent deux roboplites tailleurs. « Qu'est-ce que ce sera, mon chou ? demande l'un.

 — Aujourd'hui, c'est la guerre. Tu sais ce que cela signifie ?

 — Je vous fais ça illico presto, général Doritos. »

 Et le roboplite ouvre une grande armoire — en calcium — où pendent de multiples toges de différentes matières. Il en saisit une constituée entièrement de fer, et en la passant sur le général : « Cela vous va à merveille, mais c'est un peu rigide...

 — On n'en serait pas là si on avait choisi un autre nom. Quelle idée de nous appeler "La confrérie des Toges de Fer"... Nous voilà obligés de porter cette tenue ridicule ! Je sais pas moi, on aurait pas pu s'appeler "La confrérie des Toges en pâte brisée" ?

 « Et puis, depuis quand les Grecs portent-ils des toges ?! »

 Le roboplite arrive tant bien que mal à enfiler la toge de fer sur son maître. Celui-ci enfonce un casque de hoplite sur sa tête. « Bien, à présent nous pouvons... L'alarme ! Elle vient de la chambre de Zéphistos ! »

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